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« Tu ressens pas du tout de pression sur l’Angleterre »
Invités par Robert Smith himself à venir se produire hier dimanche sur la scène du Meltdown Festival, dont le leader de The Cure est le curator cette année, les Français The Penelopes ont un autre rêve à réaliser : jouer dans un stade de foot anglais. Old Trafford si possible, pour ces fans du PSG et du FC Nantes expatriés depuis plus de cinq ans en Angleterre. À l’heure de l’entrée des Three Lions dans ce mondial, Axel et Vincent jugent le moral des sujets de sa Majesté vis-à-vis de leur sélection et de nos Bleus. Ça, et quelques autres interrogations comme la bagnole de Kanté et les selles de Deschamps.
Ils en pensent quoi les Anglais de ce mondial ? On sent la ferveur monter ?On les sent pas ultra chauds. Il y a quelques drapeaux qui commencent à s’afficher aux fenêtres, mais dans les discussions, ils sont plus concentrés sur les transferts de leur club que sur la sélection. Est-ce que Salah va se barrer, par exemple, est-ce que Blanc va venir à Chelsea. Ils sont pas ultra confiants dans leur équipe en fait. Ils sont derrière, mais moins que les autres années. On était déjà à Londres pour la Coupe du monde 2014 et c’était plus chaud. Là, ils se sont tapés des années de déconvenues. Ils ont une meilleure équipe sur le papier, mais on a l’impression qu’ils ne s’en rendent pas compte. Faut attendre que ça commence.
Est-ce que finalement, ce n’est pas une bonne chose ? L’année où on ne les attend pas, et où donc la presse, notamment tabloïd, les laisse tranquille, n’est-elle pas l’année ou jamais pour les Three Lions ? Possible. Tu ressens pas du tout de pression sur eux. Du coup, ils vont pouvoir faire leur truc en loucedé. Il y a plus de pression sur l’équipe de France. J’ai l’impression qu’on parle beaucoup des Bleus dans les médias. Nous, on suit toutes les infos. C’est notre seule connexion avec la France. On se fout L’équipe du soir, ça nous fait poiler. Mbappé se prend un pauvre taquet d’Adil Rami, ils en font un drame. On aime bien, car c’est comme être au Balto rue de Maubeuge et écouter les mecs parler, dire des conneries. Quand tu es en Angleterre, tu es déconnecté. Ils n’en ont rien à foutre de la culture française, de la musique française… On a l’impression d’avoir un bout de France. On fait les emails en retard, les trucs administratifs en ayant une oreille sur L’Équipe 21. Ça ne te prend pas un gros morceau de ton cerveau.
Comment les Anglais voient nos Bleus ?Ils sont vraiment impressionnés par certains joueurs comme Mbappé. Ils leur tapent dans l’œil. J’ai entendu du bien de Tolisso aussi, des mecs qui disaient qu’il était sous-coté. En gros, ils les sentent assez bien.
Et vous, vous les sentez comment les Bleus ?On manque un peu de caractère, de joueurs méchants, hargneux, des gars qu’on avait en 1998. La petite école nantaise avec Deschamps, le stre-mon Desailly, c’était pas gentil. Ça manque d’un milieu méchant. Zidane, il avait le regard noir. Tu sens que ça ne va pas être la fête avec lui. Quand tu regardes Pogba, t’as pas ça. Il manque de hargne, ce groupe, de ténacité. C’est le seul truc qui me fait peur. J’aime bien Tolisso de ce point de vue-là. Pourtant, Dieu sait que j’aime pas Lyon. Aulas, je le trouve horrible. Ils ont gagné quand il y avait rien. Les championnats ne comptent même pas. L’OM était nul, Nantes était invisible. On adore Kanté en revanche. Les mecs de Chelsea ici en sont fans. Le fait qu’il soit discret avec sa petite bagnole, gros bosseur, qui court tout le temps. C’est l’anti-Pogba. Mais Pogba va se réveiller pendant ce mondial, on le sent. Déjà, il a arrêté de se faire les cheveux de toutes les couleurs. Il passe peut-être un cap. Après son année où il a morflé avec Mourinho, j’espère qu’il a cet esprit de revanche. Un peu comme en 2006, quand personne croyait en Vieira ou dans le retour des gars.
Finalement, le problème de cette équipe de France, c’est qu’elle n’a aucun leader naturel.Moi, ce qui me fait flipper, c’est un mec comme Varane. Avec Ramos, il peut se la raconter. Mais en équipe de France… Desailly en 1998, il faisait des dépassements de fonction. Le match pourri contre les États-Unis, Varane est pas sorti de sa boîte. C’est un mystère, ce mec. Tu comprends la combinaison : deux centraux, un gaucher plus dur, un droitier qui reste debout comme Blanc, mais il attaque jamais un ballon sur un centre, il lance jamais de contre-attaque. Il a un côté trop calme, trop papa. Tu veux qu’il te dise : « On y va et on va tout défoncer. » Il est juste là pour être le lieutenant d’un mec. Je serais plus pour titulariser un mec comme Kimpembe. Au moins, il envoie du bouzin. Cette défense, elle me fout les jetons.
Entre Giroud et Dembélé, sur qui se porte votre choix ?Le pauvre Giroud, ça me fait de la peine de le voir lutter avec les jeunes hyper techniques, modernes, qui peuvent tout faire. Tu sens un tractopelle autour de mecs qui courent à toute berzingue. Ok, il a égalé le record de buts de Zizou, mais Zidane était milieu de terrain, il faisait des passes décisives. Je ne comprends pas qu’un mec supersub dans son équipe soit titulaire en sélection. Pourquoi on ne fait pas tout le temps comme contre l’Australie ? On le fait entrer à la 60e quand tout le monde est défracté, quand on va envoyer des briques depuis le milieu.
Zidane sélectionneur des Bleus, ça vous chauffe ?Vincent est PSG, mais moi, je suis FC Nantes. Donc Deschamps, c’est papa. Il pourrait chier devant moi que je serais fan. Le fait que ce soit un mec pas très beau, tout petit, qui gagne la Coupe du monde et l’Euro 2000… J’adore le voir dans les vidéos sur 1998. Il se la ramène tout le temps dans les vestiaires, à la mi-temps. À peine Jacquet termine sa phrase qu’il prend la parole : « On va pas se laisser marcher dessus. » Tu avais envie de suivre ce mec. C’était pas le mec le plus technique, quoi qu’on le sous-estime, mais il faisait des bornes. En tant que coach, on le dit conservateur, alors que non. Il aurait pu faire une équipe à la papa avec Lacazette, titulariser Giroud contre l’Australie, et finalement non.
Vous allez suivre les matchs sur la télé anglaise. C’est comment les commentaires en Angleterre ?Beaucoup plus sobres, les commentaires anglais. Ils n’accélèrent pas le débit avant d’être dans les 30 derniers mètres. C’est pas genre Christian Jeanpierre qui gueule pour le moindre tacle au milieu du terrain. C’est moins romantique, c’est sûr.
Profitez bien, car ça va être le dernier vrai mondial, à savoir à 32 équipes, dans un vrai pays de foot. Après, c’est à 48, et ça va se passer au Qatar.C’est vrai, on n’avait pas réalisé. Au Qatar, ils vont jouer dans des vivariums, surveillés par les caméras de l’arbitrage vidéo. Pour le coup, on est plutôt pour la VAR. Quand tu vois la vitesse de certains joueurs, tu te demandes comment les arbitres peuvent les suivre. Ça doit être des restes de mes études de médecine, mais physiologiquement, l’arbitre peut-il courir assez vite pour être assez près d’une action de Dembélé ou Bale ? Si les jeunes vont plus vite, ça devrait être corrélé pour les arbitres.
Vous ne trouvez pas que ça segmente le jeu ?J’ai jamais été dans un stade où il y avait la VAR. Peut-être que ça me ferait changer d’avis ? Mais devant ma télé, ça m’a pas gâché mon plaisir. Il y aura des fautes d’arbitrage vidéo, donc il y aura toujours des drames, ce côté romantique. J’aime le foot aussi pour ça : t’es toujours plus étonné en regardant une finale de foot que le dernier Nolan. Tu te jettes dans les bras du mec à côté de toi. Robert Smith aime le foot pour ce côté working class. Il peut te parler de L’Étranger de Camus et, dans la même phrase, de QPR. En arrivant à Londres, on est allés voir un match dans le stade de Fulham, et à la pause, le premier track qui passe c’est Close to me de Cure. Avec tous les gars qui chantent. J’ai dit à Vincent : « C’est dans ce pays que je veux vivre. » Ils écoutaient pas Johnny ou Pascal Obispo ou Van Halen.
C’est quoi vos stades anglais préférés ?Le stade des Spurs. L’ancien, hein. Tu es près, les tribunes sont abruptes, ça résonne à fond. Vincent supporte Arsenal en Premier League. Il voulait aller à l’Emirates, c’était une tristesse… J’ai jamais été autant déçu d’aller dans un stade. Si, le Camp Nou. On jouait à Barcelone et on a voulu aller voir un match : c’était un amical, avec plein de touristes. Celui qui est marrant, c’est celui de Crystal Palace. Il est à pétaouchnoque, il faut prendre un train, et aller tout au sud de Londres. On est allés une fois au stade de QPR, Loftus Road, on a bien rigolé. C’était le match de leur descente en D2, les supporters avaient envahi la pelouse, les petits faisaient des doigts à la tribune adverse. C’est un public multiculturel, assez mélangé, entre poshs bobos de Nothing Hill et quelques lads. On habite dans un quartier, Bethnal Green, qui est une sorte de fourche, avec deux-trois stades autour. Les mecs ici, ils hésitent. Ils sont donc soit Tottenham au nord, Arsenal à l’ouest, et t’as un peu de Hammers à l’Est. Ça porte mal son nom d’ailleurs West Ham, car c’est dans l’Est. Le pub en face, le Shakespeare, c’est que des Spurs, et l’autre pas loin, c’est un bar de Gooners. Ça chambre un peu parfois. Jamais de baston, plus des insultes. C’est fini le temps des hools qui se mettent sur la gueule pour leur équipe. La dernière baston que j’ai connue, c’est à Tottenham, le mec a mis un coup de poing à un cheval. Cette photo était folle.
Propos recueillis par Maxime Marchon