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Tu me manques, Ligue 1

Par Clément Gavard
3 minutes
Tu me manques, Ligue 1

8 mars-8 avril. Voilà un mois que les Français (et les autres) n'ont pas pu se poser devant un bon vieux match de Ligue 1. Au royaume des grincheux, c'est peut-être une bonne nouvelle. Mais en réalité, c'est l'occasion de se rendre compte que notre championnat, en temps normal, nous permet d'échapper au véritable ennui.

Le confinement est une épreuve du temps, et ce dernier n’a jamais paru aussi long. Les jours n’existent plus, la routine de la vie d’avant a disparu et personne ne sait encore quand il sera possible d’y revenir. En attendant, il paraît qu’il faut se trouver de nouveaux repères. En voilà un : le dernier match de Ligue 1, c’était il y a un mois tout pile. Une éternité. C’était un choc Lille-Lyon, et c’était bien. Le 8 mars était un dimanche comme un autre, c’est devenu un vieux souvenir qu’il faut chérir comme une praline d’Antonin Bobichon. L’excitation de la reprise au mois d’août était pourtant retombée depuis plusieurs mois : cette saison 2019-2020 était une mauvaise cuvée. C’était un voyage au bout de l’ennui, une preuve supplémentaire de la tristesse du football français. Il fallait bien une pause d’un mois pour ne plus être dans l’erreur, et laisser le manque nous conduire vers l’évidence : la Ligue 1, c’est beaucoup trop bien.

Toulouse-Dijon : une affiche de rêve

Le bureau des plaintes

Ce n’est pas un scoop, l’overdose de foot à la télévision a créé de nouveaux monstres. Les matchs se consomment par dizaines, parfois même avec un double écran, au point de ne plus vraiment savoir comment apprécier une simple rencontre de foot. Le plaisir naît, lui, dans le dégoût de notre trésor national : la première division française n’est pas au niveau, les championnats étrangers sont forcément des eldorados. Chaque week-end, c’est la même rengaine, il faut se plaindre un maximum de notre train-train quotidien : les rencontres du PSG sont chiantes, l’OM est un triste dauphin, Lyon mérite des gifles, le multiplex du samedi soir est déprimant, les pelouses sont dans un état déplorable, les commentaires de Stéphane Guy sont insupportables, le niveau technique des matchs est affligeant, les tribunes sont vides. La liste est trop longue pour que l’on puisse aller au bout, mais le résumé est limpide : la Ligue 1, c’est de la merde. Vraiment ?

La victoire du manque

Attention, le sevrage forcé ne doit pas rendre malhonnête : oui, notre Ligue 1 est parfois un peu naze, mais l’important est ailleurs. Et au fond, chaque suiveur assidu du championnat s’est rendu compte ces dernières semaines à quel point il aimait les dribbles d’Opa Nguette, les caviars de Benjamin Bourigeaud, les coups de gueule de Thierry Laurey, le volume de jeu de Thomas Monconduit ou les interventions rugueuses d’Anthony Briançon. La nostalgie provoquée par les diffusions de grands best-of le dimanche soir sur Canal + est appréciable pour les gens les plus en manque, mais elle ne suffit plus. Il manque le frisson de l’incertitude du résultat, les repères : le match confidentiel du vendredi, l’affiche du samedi après-midi, les envolées lyriques à base d’onomatopées d’Élie Baup le soir, les rencontres dominicales plus excitantes qu’un poulet-frites chez les grands-parents. Des petites traditions qui font plus sens que deux soirées Ligue des champions.

La Ligue 1, c’est une habitude. Peu importe le niveau technique des matchs, l’ennui n’est jamais aussi agréable que devant un Amiens-Brest. La Ligue 1, c’est du partage. C’est la possibilité de se rendre au stade, avec ou sans potes, de se projeter sur le week-end suivant et d’angoisser à l’approche d’une trêve internationale. Notre championnat n’est pas parfait, mais il est réconfortant. Un Sainté-Bordeaux avec moins de 80% passes réussies ressemble aujourd’hui au paradis. Un Rennes-Montpellier à sens unique s’impose comme un festin de rêve pour les gloutons. Et pourtant, c’était il y a seulement un mois. Pour la première fois depuis longtemps, nous ne sommes plus pourris gâtés, et nous n’attendons désormais plus qu’une chose : le retour du plus beau championnat au monde.

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