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  • France – Ligue 2 – J2 – Ajaccio/Troyes

Troyes, l’étrange rêve américain…

Par Régis Delanoë
5 minutes
Troyes, l’étrange rêve américain…

Après le cauchemar de la saison dernière, le rêve américain ? C’est ce qui était promis à l’ESTAC, club traumatisé par sa dernière expérience de la L1 mais qui devait retrouver fierté et ambition en étant racheté il y a près de deux mois par un ambitieux repreneur américain. C’était du sûr, annonçait le président sortant Daniel Masoni. Sauf que la nouvelle saison a déjà (mal) commencé et le mystérieux Gary Allen a disparu des écrans radars.

C’était le 6 juin dernier, c’était l’annonce du débarquement allié. Les Américains à la rescousse ! Pas sur les plages normandes, non, dans l’Aube, au secours d’un club dépressif : l’ESTAC, sorti traumatisé de sa dernière expérience cataclysmique en Ligue 1, avec à sa tête un président contesté et vendeur, sans succès, même avec ristourne. Mais voilà qu’en conférence de presse ce fameux 6 juin, Daniel Masoni officialisait la rumeur qui courrait depuis quelques jours déjà : un repreneur allait arriver, enfin. Et d’Amérique. Pas un ponte de chez Intel, comme il était pressenti, mais un certain Gary Allen, ayant réussi dans la déco intérieure. L’annonce, la voici : « Depuis quelques semaines, par l’intermédiaire de Gary Allen, un projet s’est matérialisé pour la cession de 100 % du club. Le rachat de la totalité des parts est la condition sine qua non du compromis signé, ayant effet à partir de septembre. Gary Allen et ses partenaires financiers se sont engagés à acheter la totalité des actions du club. » C’était du rassurant, d’autant que Masoni, président-actionnaire détenteur de 85% de l’ESTAC, enchaînait les commentaires laudateurs concernant son successeur, qu’il présentait comme un homme d’affaire à la tête « d’un empire » , « président d’un club de deuxième division américaine » . Le réflexe est alors de taper « Gary Allen » dans Google et de vérifier. L’empire en question, c’est une entreprise spécialisée dans les objets décoratifs : Allen Designs Studio, au siège basé à Vancouver, pas loin de Portland mais de l’autre côté de la frontière, au Canada. Une affaire gérée surtout par sa femme canadienne, Michelle. Des appliques murales et des horloges bariolées, pour ne pas dire kitsch. Enfin bon, les goûts et les couleurs… « Empire » ? Pourquoi pas, chacun son interprétation d’un empire. « Club de deuxième division américaine » , en revanche, c’est non à 100%. Gary Allen est président d’un club de foot, certes, mais le Spartans Futbol Club de Portland, surtout réputé pour sa formation, a son équipe fanion qui évolue en National Premier Soccer League (NPSL), un championnat de rang 4, en gros l’équivalent du CFA français. Les Spartans peuvent par exemple y affronter la réserve des New York Red Bulls. Bref, du foot semi-amateur, voire complètement amateur. À ne pas confondre avec le puissant voisin, les Portland Timbers, champions de MLS en titre et qui possèdent l’un des publics les plus fervents d’Amérique.

Le club américain renommé « Estac Troyes Portland » … puis dénommé

Mais tant pis pour ces imprécisions, au moins ce projet de reprise paraît sûr, sérieux et tellement bien avancé qu’il est annoncé en public. Fin juillet dans L’Équipe, Masoni précisait : « On est dans le cadre d’une reconstruction, avec des gens qui voulaient tourner le dos au passé et regarder vers l’avenir. » D’ailleurs, il n’y avait alors aucune inquiétude à avoir concernant ce rachat. Gary Allen lui-même, lors de sa seule interview accordée à la presse française, déclarait en juin à L’Est-Éclair qu’il allait même renommer son club américain « ESTAC Troyes Portland » en lieu et place de « Spartans Futbol Club » . Après tout, pourquoi pas, au moins ça rassure quant à son engagement. Même si, au cours de ce même entretien, il botte en touche concernant le montant du rachat et l’identité de ses partenaires financiers. Plus inquiétant a posteriori, il disait alors ceci : « Pour l’instant, nous sommes à plein dans la phase d’évaluation. On ne va rien changer, rien modifier avant que nous sachions exactement où nous mettons les pieds. » De fait, près de deux mois après l’annonce de Masoni selon laquelle, juré craché, les Ricains étaient sur le point de débouler pour donner une nouvelle dimension à l’ESTAC, rien n’a encore été signé et les prétendus repreneurs ne se montrent plus, pas même virtuellement. Le logo « ESTAC Troyes Portland » a récemment disparu du compte Twitter des Spartans, de même que toutes les mentions concernant le club troyen sur le site du club de Portland. Sur celui-ci, ne subsiste pour l’instant qu’un maigre lien entre les deux entités : à la présentation de Gary Allen, figure la mention « propriétaire d’une équipe de Ligue 2 française » .

Un frangin champion de triathlon, un partenaire international mauritanien

Il est vrai que le football français semblait l’intéresser depuis pas mal de temps déjà, rapport à son sérieux et au contrôle de la DNCG surtout, expliquait-il dans l’interview à l’Est Eclair. Avant Troyes, il aurait sondé un autre club de deuxième division en quête d’un repreneur, le Tours FC. Reste que Gary Allen garde encore une large part de mystère. Sa présence sur le net est minime. Il a l’air de vraiment aimer le soccer mais aussi le cyclisme. C’est un gros fan de sport en général, et c’est de famille : son grand frère Mark Allen est un ancien grand champion de triathlon, multimédaillé d’or en Iron Man, plusieurs fois vainqueur du triathlon international de Nice dans les années 80 et 90. Il a une fiche Wikipedia, contrairement à son petit frangin. Celui qui devait l’accompagner dans la reprise de l’ESTAC est assez énigmatique également : Éric Descombes, un ancien joueur de Montpellier, qui a surtout fait carrière dans les petites divisions américaines. International mauritanien à deux reprises, il a un peu tâté du banc aussi, en Côte d’Ivoire et en Centrafrique. Alors que la deadline pour la finalisation du rachat était fixée à la mi-septembre, Descombes comme Allen sont silencieux depuis maintenant plusieurs semaines. Masoni n’est pas tellement plus bavard, pas plus que les collectivités locales, la mairie en tête, qui a longtemps soutenu le club au point de finir par s’en lasser. Pendant ce temps, le nouvel entraîneur Jean-Louis Garcia fait ce qu’il peut avec un effectif encore miné par les défaites en série de la saison dernière. La première journée s’est soldée par une défaite 1-3 à domicile contre Sochaux et une 20e place provisoire. Deux mois après les quelques jours d’euphorie post-annonce de reprise du club, le climat ambiant est de nouveau à l’inquiétude et à la morosité au pays des magasins d’usine…

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