- Trophée des champions
- PSG-Monaco
Trophée des champions : un nouveau Doha d’honneur
Après plusieurs mois de flou, le Trophée des champions entre le PSG et Monaco se jouera finalement le 5 janvier, à Doha. Une aberration de plus, qui symbolise tout de même les liens très étroits entre le football français et le Qatar.
Le football français aime s’offrir des feuilletons interminables. Après celui importantissime des droits TV, qui aura duré de trop longs mois jusqu’à l’été dernier, un autre beaucoup moins essentiel, mais très révélateur d’un fonctionnement, a trouvé une conclusion cette semaine. Le Trophée des champions 2024, dont on ne savait pas trop s’il finirait par voir le jour, se jouera finalement en 2025. Le conseil d’administration de la LFP, réuni ce lundi, a validé la date du 5 janvier pour une rencontre prévue… à Doha, au Qatar. L’annonce est passée comme une lettre à la poste et, au fond, ce match de gala n’intéresse plus grand monde. Oui, mais voilà : cette énième délocalisation raconte quelque chose des liens problématiques entre le foot français et l’émirat.
Après tout, pourquoi pas le Qatar ? Onze des treize dernières éditions d’un trophée remis au goût du jour en 1995 ont eu lieu à l’étranger (Canada x2, Maroc x2, Chine x2, Tunisie, États-Unis, Gabon, Autriche, Israël) et dix des onze dernières ont été remportées par le Paris Saint-Germain. Ce match n’est pas destiné à marquer les esprits ou à rester dans les mémoires, même si on se souvient que Xeka avait permis, en 2021, d’ajouter une ligne au palmarès du LOSC et d’éviter une hégémonie absolue du club de la capitale. Dans la tradition, c’était plutôt une rencontre pour lancer la saison à venir, une Supercoupe pour se jauger et opérer la transition d’un exercice à l’autre. Un coup à Gerland, un autre à l’Abbé-Deschamps ou encore au stade Pierre-De-Coubertin à Cannes, c’était un micro-évènement national, avant qu’on ne tienne à le transformer en farce internationale.
De Pékin au Qatar
La cuvée 2024 était initialement prévue le 8 août, à Pékin, mais en pleine crise des droits TV, la LFP avait dû faire machine arrière et reporter son bébé, en raison de soucis administratifs pour parvenir à un accord total avec les autorités chinoises. L’option d’organiser la rencontre en Principauté le 28 août avait circulé durant l’été jusqu’à ce qu’elle ne soit également balayée en raison des fortes chaleurs et de la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques. Ces dernières semaines, la Côte d’Ivoire et Abidjan s’étaient positionnés pour accueillir ce match entre le champion en titre et son dauphin (Paris ayant aussi gagné la Coupe de France), mais le Qatar a raflé la mise, et l’évènement devrait rapporter un chèque de trois millions d’euros, dont une partie doit revenir aux deux clubs, indique L’Équipe. Une solution, bien sûr, qui arrange le PSG, après avoir déjà disputé la dernière édition dans son jardin du Parc des Princes (victoire 2-0 contre Toulouse).
Et qui a un impact sur la Ligue 1, puisque ce premier week-end de janvier devait être celui de la première affiche de l’année en championnat entre… Monaco et le PSG (16e journée). Cette rencontre phare (plus que le Trophée des champions) sera finalement avancée au 18 décembre, un mercredi soir entre une journée de L1 et un 32e de finale de Coupe de France. Comme si le championnat de France avait besoin d’invisibiliser un peu plus son feuilleton et l’un de ses chocs majeurs de l’année au profit d’une rencontre qui va rapporter « gros », mais qui n’a a priori rien changé à la réputation du foot français au-delà de ses frontières. L’ASM se plie à ce drôle de calendrier, sans broncher, comme Nice n’avait pas grogné au moment de voir son quart de finale de Coupe de France contre le PSG reporté l’hiver dernier face au calendrier européen parisien et en raison d’un match des Bleues en Ligue des nations programmé le même soir. En 2023, cette fois, la FFF avait accepté de décaler un seizième de finale de Coupe de France entre le Pays de Cassel et Paris au lundi soir, le club de la capitale revenant tout juste d’une tournée hivernale au Moyen-Orient.
Ce n’est que le Trophée des champions, ce n’est qu’une aberration écologique de plus, mais c’est un autre élément qui met en avant le rôle central et contesté de Nasser al-Khelaïfi au sein du football français. L’homme aux multiples casquettes cristallise les tensions et les critiques (souvent en privé). Les conflits d’intérêts entraînés par ses fonctions de président du PSG et de Bein Media Group, entre autres, ont été pointés du doigt par la mission sénatoriale sur l’intervention des fonds d’investissement dans le foot français. Ce qui n’avait pas empêché Vincent Labrune, réélu en septembre, de défendre l’homme d’affaires dans les colonnes de L’Équipe la semaine dernière : « Sur la question des conflits d’intérêts et de son poids à la LFP, la situation est strictement la même depuis le rachat du PSG par QSI. Ni plus ni moins. Elle est proportionnelle au poids de son club et de son actionnaire dans l’économie du foot français. Les investissements du Qatar et les résultats du PSG ont porté à bout de bras le football français ces dernières années, il ne faudrait pas l’oublier. […] Sans eux, jamais nous n’aurions eu la chance de voir chez nous des stars planétaires telles que Zlatan, Beckham, Neymar ou Messi… Jamais Mbappé ne serait resté cinq années de plus en L1. » Taisons les inepties et mesurons notre chance : tout va bien dans le merveilleux monde du foot français.
Par Clément Gavard