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Trocadéro : cinq ultras parisiens condamnés
Le tribunal correctionnel de Paris est revenu ce mercredi sur les violences commises au Trocadéro le 13 mai dernier. Après quelques « casseurs », pris sur le fait et jugés dès la mi-mai, c'était au tour de neuf « ultras » d'être jugés. De manière trop expéditive selon leur avocat. Cinq ont écopé de peines de prison ferme.
Suite aux incidents du Trocadéro lors de la célébration du titre du Paris Saint-Germain, le 13 mai dernier, dont les raisons et les responsabilités s’avèrent plurielles, le ministère de l’Intérieur avait manifesté sa volonté de punir fermement les coupables. Dès le 15 mai, plusieurs personnes interpellées peu après les faits, avaient été immédiatement jugées. Malgré quelques lourdes peines, dont deux mois de prison ferme, la plupart des réquisitions du procureur de la République n’avaient pas été suivies par les juges. Au final, c’est un sentiment mitigé qui dominait à la sortie des audiences. « La justice a choisi un juste milieu » , estimait Juliette Daudé, l’avocate de l’un des prévenus. Selon Libération, elle s’est avérée « ni trop clémente (toutes les personnes interpellées ont été reconnues coupables) ni trop ferme (les peines prononcées sont inférieures aux réquisitions du parquet) » .
Si plusieurs accusés avaient reconnu les faits qui leur étaient reprochés, aucun d’entre eux n’était affilié au mouvement ultra du Paris Saint-Germain. Pourtant, les ultras parisiens demeuraient largement considérés par l’opinion comme les responsables du déclenchement des incidents, même s’il était généralement admis qu’ils avaient ensuite été débordés par des individus n’appartenant pas à leur mouvance. Les forces de police ont donc cherché à retrouver ceux qui, selon elles, avaient provoqué le début des incidents. C’est dans ce contexte particulier que s’est ouvert mercredi le procès de neuf individus, jugés en comparution immédiate. Par rapport aux procès de la mi-mai, ce sont exclusivement des individus présentés comme « ultras » qui défilaient cette fois-ci à la barre des accusés. Une différence loin d’être anodine et qui s’est fortement fait sentir durant l’audience. Sur les neufs personnes présentées devant le juge mercredi, cinq ont écopé de peines allant de quatre à huit mois de prison ferme (dont certaines avec mandat de dépôt, ce qui signifie une incarcération immédiate) tandis que les quatre autres prévenus ont été relaxés.
Interpellations musclées
Mercredi matin, le SIT (service d’investigation transversale) a procédé à neuf interpellations en débarquant dès l’aube chez des individus connus comme appartenant à des groupes ultras du Paris Saint-Germain. Ces supporters étaient suspectés d’avoir pris part aux violences du Trocadéro contre la police et les agents de sécurité présents sur place. L’enquête à l’origine de ces arrestations est basée sur des images prises sur l’esplanade par des journalistes et des policiers-photographes du service transversal d’agglomération des événements (STADE). Joint par téléphone, l’avocat de cinq des neuf personnes arrêtées ne comprend pas la raison de telles interventions musclées. « On s’est déplacé chez eux, on a fracassé des portes et on les a emmenés manu militari. On les a traités comme s’ils étaient des voyous ou des membres du grand banditisme alors qu’on aurait très bien pu les convoquer simplement, comme cela se fait habituellement » , regrette Maître Mechin qui déplore également le déroulement du procès.
En effet, certains accusés auraient demandé à être confrontés à leurs accusateurs, trois vigiles appartenant à une agence privée de sécurité embauchée par la direction du PSG pour l’occasion. Cette requête, bien que parfaitement légale, leur aurait été refusée. Autre fait surprenant selon l’avocat de la défense : la taille du dossier d’accusation. Alors que dans le cadre de comparutions immédiates, un dossier excède rarement les 150 pages, c’est plus de mille feuillets qui ont été présentés aux avocats. Et ce, à moins de cinq heures du début des audiences. « Les conditions étaient extrêmement mauvaises, on arrive avec un dossier qu’on ne maîtrise pas forcément puisque l’on n’a pas pu tout lire… c’est le principal souci de la comparution immédiate. J’ai vu chacun de mes clients 10 minutes tout au plus, juste avant le début de l’audience. » , lâche Maître Mechin, surpris par une telle situation d’urgence. « À mon sens, la voie de procédure qui a été choisie est vraiment politique. On voulait une réponse immédiate, urgente, quels que soient les inconvénients inhérents à une telle procédure. »
Le procès du mouvement ultra parisien ?
Lors des audiences, le procureur s’est servi du montage vidéo effectué par la police comme preuve de la culpabilité des prévenus. Or, selon l’avocat, les images ne prouvaient pas en elles-mêmes cette culpabilité. Maître Mechin regrette qu’une vidéo sur laquelle un agent de sécurité lance une barrière sur des ultras qui tentaient de poser une bâche « Virage Auteuil » n’ait pas été montrée au procès. « Il y a eu de nombreuses pièces fournies au procès, une compilation de vidéos faites par les policiers, et comme par hasard ils n’ont pas mis cette image-là » , déplore-t-il. Au moment de présenter ces preuves, le procureur aurait même été réticent à ce que les images soient diffusées plusieurs fois, condition pourtant nécessaire pour se faire une idée précise de la situation. L’avocat de cinq des supporters s’est donc chargé lui-même de repasser la vidéo à l’écran et d’effectuer des arrêts sur image, à la grande surprise du procureur et de la présidente de séance. Bien lui en a pris puisque c’est grâce à cet arrêt sur image que l’un de ses clients a été relaxé. Sur l’écran, on voyait l’accusé sur la place du Trocadéro (ce qu’il n’a pas nié), un bras tendu vers le ciel. De là à affirmer qu’il était en train de jeter un projectile en direction des CRS, il n’y a qu’un pas que le procureur n’a pas hésité à franchir. En vain. Ce jeune homme sortira du tribunal sans la moindre sanction.
Maître Mechin est encore plus critique à l’heure de décrire les dessous de cette affaire. « Je pense qu’on a un peu cherché à faire le procès des ultras. La présidente ne leur a pas reproché les violences en tant que telles, mais plus le fait d’être un ultra. C’était extrêmement désagréable, et c’est aussi ce qu’ont ressenti les personnes dans le box. L’ambiance était pesante. Il y avait un vrai décalage entre ce qu’on leur reprochait officiellement et ce qu’on leur a reproché sur le moment » , affirme-t-il, dépité. « Ça n’a pas été impartial comme procédure » estime quant à lui l’un des anciens porte-parole de l’association Liberté pour les Abonnés, auto-dissoute l’an dernier.
Des ultras discriminés ?
Les antécédents de certains accusés ont manifestement pesé lourd dans la balance à l’heure de rendre le jugement. « Le sentiment que j’ai eu personnellement, c’est qu’ils voulaient condamner, donc autant condamner ceux qui avaient déjà un casier judiciaire. Après ce n’est que mon opinion et je ne suis pas dans la tête des juges. En tout cas pour moi c’était flagrant. Entre celui qui a été relaxé au terme de l’audience et celui qui a reçu un mandat de dépôt, la seule différence nette entre les deux, c’est que l’un avait un casier chargé, l’autre non. Les faits n’étaient pas plus avérés le concernant… » , déplore Maître Mechin. Dans un communiqué signé PSG Fans, des ultras parisiens ont depuis regretté « que la justice française devienne une justice où la présomption de culpabilité fait foi, une justice de l’exemple où le temps médiatique est plus important que le temps de la Justice » . Le porte-parole de l’ex-LPA ajoute que « dans l’altercation, les premiers à avoir commencé, à avoir balancé la barrière, ce sont les gars de la sécurité. De nombreux supporters parisiens ont tenté de porter plainte contre les forces de sécurité embauchées par le club, mais certains commissariats ont refusé de les enregistrer » . Des propos confirmés par Maître Mechin qui ajoute que cela est « juridiquement illégal » .
L’agence de sécurité incriminée n’était pas celle qui gère habituellement les supporters du Parc des Princes. A la suite d’un appel d’offre, la direction du PSG a décidé de confier cette tâche à des vigiles apparemment peu coutumiers de l’ambiance des stades de foot. Un choix fortement critiqué dans le communiqué des PSG Fans : « Nous, supporters du PSG n’avons pas choisi pour une raison budgétaire de sous-traiter la sécurité de l’évènement à une agence davantage habituée aux concerts qu’aux manifestations sportives. » Les débordements du Trocadéro ont également donné lieu à de nombreuses IAS (Interdiction Administrative de Stade décidée par le préfet sans intervention de la justice), pratique couramment employée par les services de police depuis 2010 et la mise en place du Plan Leproux. Or, certaines des personnes ciblées ont depuis prouvé qu’elles n’étaient pas présentes sur la place du Trocadéro ce soir-là. Des mesures qui poussent aujourd’hui les PSG Fans à dénoncer « la discrimination dont font l’objet les ultras dans le cadre d’enquêtes menées à charge » par les autorités publiques. Le PSG n’a pas tenu à réagir à ces propos, se contentant de se constituer partie civile en faisant valoir un préjudice pour l’image du club. Requête rejetée par la justice.
Délit de faciès?
Par le passé, de nombreux incidents ont montré que des ultras parisiens pouvaient avoir des comportements violents. Manifestement, certains d’entre eux ont causé des troubles au Trocadéro, même s’ils ont été ensuite débordés par d’autres individus. Il est parfaitement logique qu’ils soient sanctionnés à la mesure des faits commis. Mais le sentiment qui prévaut après ces procès est que la volonté, légitime, de condamner les individus coupables de débordements lors de la célébration du titre du PSG a débouché sur une procédure expéditive ne rendant pas forcément justice aux personnes interpellées. Et entretenant par là-même les supporters contestataires dans un sentiment d’injustice qui conduit à les radicaliser. Est-il illusoire d’espérer que les supporters de football soient jugés sur leurs actes et non sur leur image, globalement négative ? Est-il définitivement trop tard pour renouer le dialogue entre le club et ses fans contestataires, qui ne sont pas tous des hooligans ?
Par Aymeric Le Gall, avec Quentin Blandin