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Tristane Banon : « J’imagine Zlatan dans une œuvre de Marcel Proust »

Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov
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Journaliste, romancière et chroniqueuse, Tristane Banon est surtout connue pour avoir révélé, un peu avant tout le monde, les petit travers de DSK. Celle qui partage désormais la vie de Pierre Ducrocq, ex-PSG, a même envie de parler de foot.

Vous n’avez pas franchement l’image d’une fan de foot, et pourtant il semble très présent dans votre vie ?

Mon premier travail de stagiaire dans la presse touchait au sport. Et au foot. Pour l’office municipal des sports de Plaisir, cela ne s’invente pas. Je suivais des matchs de DH, de PH, très loin de ce que j’ai pu faire dans l’émission d’Eugène Saccomano en 2007. J’avais 16 ou 17 ans. À la même époque, mon petit copain du moment était un énorme supporter des Girondins de Bordeaux. J’ai parcouru pour lui et avec lui toute la France afin d’encourager les Bordelais. Enfin, j’habite depuis dix-sept ans dans l’une des rues qui donne sur le Parc des Princes. Mon cœur penche donc désormais, presque géographiquement, plutôt du côté du PSG.

C’était donc presque évident, voire inévitable, de rencontrer Pierre Ducrocq, ancien Parisien, votre actuel compagnon ?

Non, j’ose croire que cela n’est pas aussi simple. En revanche, j’ai toujours trouvé que le foot était un sport particulièrement romanesque, avec des figures exceptionnelles comme Mourihno. Marcel Proust se serait éclaté à placer dans l’une de ses œuvres un personnage tel que Zlatan, qui s’est déjà inventé un personnage complètement fou. « Ce n’est pas Zlatan qui est assis sur le banc, c’est le banc qui est sous Zlatan » . Que rajouter ?

Justement, en matière d’acteurs, les supporters ne représentent-ils aussi pas une bonne matière littéraire ?

J’admire les vrais supporters. Ceux qui sont derrière leur équipe également dans la douleur. Il s’agit de la grande différence avec les fans d’artistes ou de groupes musicaux, qui globalement ne partagent pas les moments difficiles de leurs idoles. Les supporters encouragent leur club en toute circonstance. Ils ont une vie de famille, un travail, etc, et ils arrivent à un tel niveau d’engagement et d’investissement. J’ai un ami qui fait partie des « 300 » , cette bande qui suit le PSG partout. Parfois, j’accompagne Pierre sur les rencontres qu’il couvre, et je les croise constamment. On a un peu oublié cela. Il fut un temps où tu rasais les murs quand tu portais les couleurs bleu et rouge. Je trouve dommage cette tendance actuelle qui consiste à cataloguer tous les supporters et tous les ultras comme des casseurs potentiels. Il s’agit d’une extrême minorité. Je l’ai dit, je vis à coté du Parc, les soirs de matchs, je me rends bien compte de la différence. Certes, il existe moins de violence et de tensions. Il est aussi indéniable que la ferveur a disparu.

Pour en revenir à votre vie avec Pierre Ducrocq, dans Voici vous avez déclaré : « Mon compagnon est un ex-footballeur. Si je n’ai pas choisi un patineur sur glace, ce n’est pas par hasard. » Ce n’est pas un peu facile de tomber ainsi dans la contre-caricature ?

Je formulais une boutade. Je voulais illustrer avec mon cas personnel comment, selon moi, nous étions passés d’un excès de domination masculine à une féminisation des hommes. Après, évidemment que beaucoup de gars qui ne sont pas footballeurs, voire le contraire exact, arrivent à être tout autant sécurisants et masculins. Au-delà de son statut de footballeur, ce qui m’a plu chez Pierre, c’est son caractère. Il avait déjà cette réputation lorsqu’il était pro. Il était têtu, un peu rentre-dedans. Sans faire de la psychologie de comptoir – la fille qui n’a pas eu de père -, peut-être que je recherchais cela, quelqu’un de protecteur, de rassurant.

C’est sa confrontation avec Ravanelli lors du Clásico en 1997 qui vous a séduite ?

Ce serait un peu forcer le trait et chercher loin. Toutefois, pour vous donner un exemple, la première année où Pierre s’est retrouvé à commenter des matchs, il couvre une rencontre du PSG à l’étranger. Paris marque, et Bruno Salomon, qui partage l’antenne avec lui, exulte sans se rendre compte que dans la tribune de presse, la plupart soutenait forcément plutôt l’autre équipe. Il se rassoit un peu penaud, et Pierre dit au micro : « Ne baisse pas les yeux, si on vient t’embêter, je serai là pour te protéger » . Je crois que cela le résume bien…

Et donc votre vie de couple, c’est Monsieur devant beIN ou Canal et vous qui lisez sur le canapé à coté ?

Heureusement non. On s’intéresse plutôt à ce que fait l’autre. Pierre m’aide à comprendre, avec son expertise, le monde du foot. En ce moment, j’entends dire partout que Zlatan est en dessous, lui m’explique que même en baisse de régime, il demeure largement au-dessus du reste de la L1. Il me questionne souvent sur les livres qui traînent sur mon bureau, sur ce qu’écrit untel, ce que défend un autre. Je l’emmène souvent au théâtre. Je suppose qu’il n’a jamais été aussi souvent au théâtre de sa vie.

Maintenant que vous croisez peut-être un peu plus de footeux, vous avez changé votre regard sur eux ?

Ce que j’ai découvert, c’est à quel point il s’agit d’un univers professionnel. Je ne percevais pas toutes les implications de leur vie de salarié du sport. Ils sont toujours dans le jus. Qu’il s’agisse de profiter de la victoire ou d’encaisser la défaite, pas le temps, il sont déjà dans le prochain match. C’est un travail qui demande beaucoup de compromis, même s’ils peuvent s’éclater et gagner énormément d’argent. Personne ne mesure vraiment le boulot que cela exige : le rythme des entraînements, des matchs, à quel point cela empiète sur la vie de famille, les week-ends qui n’en sont plus, tout le reste… On ne songe à eux que comme des jeunes millionnaires sur les terrains. Maintenant que je suis souvent en tribunes, quand quelqu’un sort un truc comme : « Même moi, je l’aurais mis » , j’ai vraiment envie de lui rétorquer : « Vas y descend et prouve-le ! »

Et leurs épouses, les fameuses WAGS, que vous inspirent-elles ?

Je pense d’abord que j’ai beaucoup de chance d’arriver après la fin de sa carrière. Les épouses ou compagnes de footballeurs sont vues comme des jolies filles qui s’exposent les soirs de matchs. Et qui ne travaillent pas. Comment voulez-vous poursuivre une vie professionnelle, à moins de s’appeler Beckham, quand vous devez constamment changer de ville, d’adresse, voire de pays. Rien que dans sa vie de footballeur pro, Pierre est ainsi passé par Paris, l’Angleterre, Strasbourg, la Grèce… Bref, au départ, comme beaucoup, j’en avais une vision un peu simpliste. Elles se dévouent en fait totalement à soutenir leur mari. Finalement, pour avoir fréquenté certaines, les choses s’inversent seulement une fois la carrière pro de leur mari terminée. Elles peuvent alors essayer de construire la leur, quand leur bonhomme arrête la sienne. Ce qui est terrible, c’est qu’en fait, tous les grands footballeurs ont besoin d’avoir ce type de femme à leur coté. Vous en retirez presque l’impression qu’il s’avère impossible de devenir un grand joueur en étant célibataire.

Vous décrivez un monde très conservateur…

C’est effectivement le cas. Au bon sens du terme, je dirais. Ils sont perçus comme des jeunes gens très bling-bling qui sortent beaucoup, et qui sont accros aux nouvelles technologies. Concrètement, ils s’appuient souvent sur des schémas familiaux très classiques pour gérer une vie qui, finalement, n’a rien de normal.

Ils sont plus sains que des ex-président du FMI ?

À coup sûr. C’est un lieu commun de les imaginer fréquenter des prostitués dans chaque ville où ils mettent les pieds. Ils le font assez peu et quand cela arrive, ils se font choper, par la justice ou les tabloïds. Contrairement à d’autres dont les noms ne sortent jamais… Après, ils en ont peut-être moins besoin. Tu vois beaucoup de petites groupies de footballeurs à la sortie des vestiaires. Le monde du foot a un peu changé de ce point de vue. Quand je me trimbalais à 17 ans à travers la France pour encourager les Girondins, les jeunes filles étaient très rares…
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