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Tripy Makonda : « La Ligue 1 peut échapper au PSG, on ne sait jamais avec eux »
Arrière gauche du Paris Saint-Germain entre 2008 et 2011, Tripy Makonda a commenté en direct l'élimination face au Real Madrid sur la chaîne Twitch de son club formateur. Moins de 24 heures après la désillusion, il en a gros sur la patate, mais prend le recul nécessaire entre ses différentes casquettes d'ancien joueur (du PSG), supporter (du PSG) et futur entraîneur (peut-être du PSG, qui sait) pour mieux comprendre ce qu'il s'est passé.
Comment as-tu vécu ce match ?Que tu sois supporter du PSG ou pas, quand tu vois la physionomie du match, et qu’en quinze minutes, ils mettent trois buts… tu ne comprends pas. C’est un coup de massue. À chaque fois que le PSG joue en Ligue des champions alors qu’il mène après l’aller, tu sais que tout est possible. Parce que tu l’as connu et tu sais que les leçons n’ont pas été retenues. Sur le coup, j’étais énervé, mais en tant que joueur, j’arrive à avoir un certain recul. La vie ne s’arrête pas parce que le PSG a perdu. Mais je veux comprendre ce qu’il s’est passé.
Comment peut-on dominer trois périodes sur quatre et finir par être éliminé ?Finalement, c’est la dernière qui compte, parce que c’est celle qui va sceller le résultat. C’est là que tu vois la différence dans la motivation : le Real était déterminé, et le PSG était davantage dans la gestion du match et n’a pas su gérer son temps faible. Le but de Benzema marque un tournant émotionnellement, comme le coaching de Pochettino. Quand tu compares l’entrée de Gueye avec celle de Camavinga de l’autre côté, tu vois laquelle a été la plus bénéfique. Tu sors un pilier comme Kroos, tu prends des risques avec un jeune dans un gros match à enjeux. Puis Gana Gueye de son côté qui n’est pas au top physiquement, qui a eu cette histoire avec Mbappé et s’est fait insulter… Tout ce côté humain doit être pris en compte.
Il y a des nouveaux joueurs chaque saison, et le problème mental persiste. Comment l’expliques-tu ?Sur l’action de Donnarumma, tout remonte. C’est comme lorsque tu es enfant, que tu vis un certain traumatisme et que des années plus tard, tu revis la même situation, tu as un blocage. Même si ce sont des joueurs qui sont là pour la performance, ça reste des êtres humains qui ont des séquelles. Ceux qui viennent d’arriver, eux, connaissent l’histoire du PSG. Chaque remontada, c’est la même chose. Dans ce PSG tu as Kimpembe, Marquinhos et Verratti qui sont marqués par ça, et tu as des joueurs qui l’ont vécu dans l’autre sens. La remontada barcelonaise, Messi et Neymar savent comment les joueurs parisiens l’ont vécue. Et c’est comme un flux qui se propage. Ce qui fait que, lorsque tu perds le fil du match, c’est toute l’équipe qui plonge sur des erreurs individuelles et des prises de décision. Il n’y a qu’à regarder le but du 2-1 : personne n’a la bonne attitude, ils sont en gestion de crise, mais font les mauvais choix. Tout le monde est spectateur.
Qu’est-ce qui manque au PSG aujourd’hui ?Quand Nasser dit dans sa première interview que le PSG va gagner la Ligue des champions, il s’est tiré une balle dans le pied parce qu’il rajoute une pression inutile. Il faut d’abord structurer et pérenniser ton équipe, déjà en matière d’entraîneur, staff et joueur. Quelle philosophie ? Quel ADN ? Quelles valeurs tu veux au sein de ton club ? Comment tu veux jouer ? Comment tu composes ton staff ? Pourquoi pas une structure psychologique ? Puis au niveau de la formation, quelle place tu lui offres ? Et ensuite le message que tu envoies aux supporters ? Le PSG peut être marketing et sportif, mais il faut que les valeurs soient les mêmes partout. Les valeurs parisiennes, c’est la créativité, l’excellence… Tu peux avoir des artistes, mais est-ce que tu empiles les artistes ? C’est une question de structuration, d’avoir une ligne directrice. Que chacun ne cherche pas à lutter pour ses propres intérêts, mais que tout le monde tire dans le même sens.
Est-ce que le problème n’est pas aussi l’attachement, ou plutôt le détachement de certains joueurs, au club ?Les joueurs sont énervés d’avoir perdu, c’est sûr. Mais ce n’est rien comparé aux supporters. J’ai des amis proches qui font les déplacements, qui paient 300 euros pour un match, se privent de manger pour un maillot… Et ils préfèrent voir le PSG que de remplir le frigo. Donc quand les joueurs entrent sur le terrain, ils doivent penser à ces gens-là. Faudrait-il mettre cette valeur club en avant, dans le recrutement ? Ça peut être quitte ou double. Quand on voit Kimpembe, son attachement au club est presque trop fort, et il finit par transformer l’échec en frustration plutôt qu’en révolte.
Le PSG actuel mérite-t-il Mbappé ?Je comprendrais qu’il parte, mais le PSG mérite Mbappé, parce qu’il est français, qu’il est jeune et que l’on a beau dire ce que l’on veut, le club reste une vitrine mondiale marketing et sportive. C’est intéressant pour nous et pour lui. À Paris, il a progressé et a étendu sa palette. On disait souvent qu’il disparaissait dans les matchs décisifs, mais ce n’est plus le cas. Il est beaucoup plus efficace, il a travaillé là-dessus avec la concurrence de Neymar et Messi, et a simplifié son jeu pour être plus tranchant et être le meilleur joueur de l’équipe. Aujourd’hui, c’est lui qui décide de la tournure du match. S’il reste au PSG, c’est pour qu’on lui propose autre chose. Il faut lui proposer des profils qui collent à son jeu, pour espérer un renouveau et de sortir du chaos. Mais le PSG ne concurrence pas le Real Madrid en matière de palmarès, et peut-être qu’après avoir vécu tout ça, il a envie de voir ailleurs.
Un grand ménage peut-il sauver le PSG ?Les choses doivent changer, c’est sûr. C’est bien que Leonardo parle, mais il faut des actes, derrière. Être dans un recrutement impulsif sans prendre en compte ce qui va ou ne va pas, ça va deux minutes. Il faut une équipe cohérente, ramener des personnes qui aiment le club et qui amènent de nouvelles compétences sur la durée, recruter sur la personnalité. Cette lutte de pouvoir m’énerve, parce qu’elle est néfaste pour le club. Changer d’entraîneur, ça pourrait améliorer les choses sur les premiers mois, apporter un vent de fraîcheur, relancer des joueurs. Mais ça peut être aussi de la poudre aux yeux, si tu n’as pas réglé les problèmes que tu as laissés derrière toi. Il faudrait agir avant de réagir. Et à un moment donné, ça va revenir.
Aujourd’hui, tu as des motifs d’espoir ? Aucun. Soit ils font une réunion, et là, ça pète : on se parle comme des êtres humains, ça fait mal, mais tu évacues la frustration. Soit les gens vont ruminer, et sur le terrain, ça va être n’importe quoi. Même le titre en Ligue 1 peut leur échapper, on ne sait jamais avec eux. Il reste encore des matchs compliqués, avec Monaco, Marseille et face aux promus. C’est là que le coach a son rôle. Il doit être directif et ne plus laisser place aux sentiments. Pochettino nous a beaucoup parlé de l’intelligence émotionnelle en début de saison, j’espère qu’il saura s’adapter à l’intelligence collective.
Propos recueilles par Anna Carreau