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Trémoulinas, l’an ukrainien
Aujourd’hui heureux locataire du couloir gauche sévillan, Benoît Trémoulinas a, le temps d’une demi-saison, occupé celui du Dynamo de Kiev. Une expérience ratée au niveau sportif, mais dont l’ancien Bordelais ne garde que des bons souvenirs en dehors des prés.
Six saisons durant, Benoît Trémoulinas cavale sur le flan gauche du stade Chaban-Delmas. En soi, le natif de Bordeaux réalise son rêve de gosse, lui l’amoureux des Girondins et l’habitué du Haillan. Formé au centre de formation du club au scapulaire dès son neuvième anniversaire, il gravit les échelons un à un jusqu’à prendre possession du poste de latéral de l’équipe première en 2007. Une idylle qui prend fin en 2013 : « J’avais besoin d’un nouveau défi. J’avais l’impression que je stagnais à Bordeaux. Ce n’était pas forcément concernant le niveau. J’avais tout simplement besoin d’un coup de fouet. »
Dragué par de nombreuses écuries de Bundesliga – un championnat « toujours porté vers l’offensive, où les stades sont toujours remplis » -, il choisit pourtant l’exotisme rafraîchissant de l’Ukraine. « Le Dynamo de Kiev a été le seul club à vraiment s’être montré intéressé par ma venue, rembobine l’international français, posé sur la pelouse du centre d’entraînement sevillista. Ils n’ont pas arrêté de m’appeler depuis la fin mai. Je me suis laissé le temps de la réflexion pendant les vacances et, à la mi-juillet, j’ai décidé de m’engager avec eux. »
Ball-trap, karting et vie d’épicurien
Son arrivée dans la capitale ukrainienne intervient ainsi au beau milieu de la saison – à l’instar de la Russie, le championnat local s’étale sur tout l’été, hiver rigoureux oblige. Un calendrier qui ne sied pas du tout au manque de préparation de la recrue française à 6,5 millions d’euros : « J’étais arrivé à Kiev sans préparation, enfin juste avec une dizaine de jours dans les jambes. Et direct, je commence le championnat. Forcément, après un bon début de saison, je me suis écroulé physiquement… Et ça, le coach Oleg Blokhine n’a pas voulu du tout le comprendre. »
Si bien qu’après des débuts encourageants et en tant que titulaire, le Girondin trouve rapidement place sous la guérite. Pour ne plus jamais la quitter. Un échec sportif, donc, qui entraîne une disparition du panorama médiatique français le temps de quelques mois pour Benoît Trémoulinas. Pourtant, « c’est un club qui joue l’Europe tous les ans. Pour moi, c’était un gage pour rester visible auprès du sélectionneur » . Appelé en équipe de France en 2012, son exode ukrainien le pousse inexorablement loin des listes de Didier Deschamps.
Reste que, malgré un temps de jeu en berne, le Français découvre une ville, et par extension un pays, qui l’émerveille. « Bien sûr, je ne parlais pas ukrainien, sourit-il.
On avait un interprète qui était là 24 heures sur 24, aux frais du club. Les gens me prennent pour un fou quand je le dis, mais avec ma compagne, on était très bien à Kiev. Les premiers mois ont été très difficiles parce qu’il fallait s’acclimater, comprendre comment les gens fonctionnaient… Une fois cette adaptation passée, on s’est régalés. » Épicurien, comme il se définit, il découvre avec sa compagne les bonnes tablées de Kiev et, surtout, « découvre des choses que je n’aurais jamais fait en France » : « Par exemple, j’ai fait du karting dans des parkings de centres commerciaux, j’ai tiré à l’arme à feu en pleine forêt et dans des hangars. Attention, c’était encadré par des mecs de l’armée, ils étaient diplômés pour faire ça ! Je me suis aussi essayé au ball-trap. » Bref, Trémoulinas relativise son échec sportif à travers une expérience de vie enrichissante. Et encore, la guerre n’a pas encore éclaté sur la place Maïdan qu’il entrevoit depuis son balcon…
« Je serais resté à Kiev sans problème »
En janvier 2014, après des semaines de mise au ban, c’en est trop pour Benoît Trémoulinas. Il presse son agent de lui trouver une porte de sortie : Saint-Étienne ramasse le gros lot et, pour un prêt de six mois, lui rend sa chasuble de titulaire. Une nouvelle positive pour l’intéressé, d’autant plus que la guerre éclate dans les semaines suivantes. « Quand je suis revenu en France, il n’y avait pas encore eu de gros problèmes, juste des manifestations. On ne se sentait pas en insécurité, les gens dans la rue étaient plutôt pacifistes » , jure-t-il, ajoutant que son retour « n’a été dicté que par le sportif » .
Une moitié de saison en vert lui suffit pour retrouver son niveau et, mieux, les Bleus. Pourtant, sitôt la saison terminée, il rentre à Kiev, faute d’un accord trouvé avec Sainté : « Quand je suis revenu, Rebrov était entraîneur. Il voulait me garder, j’ai même joué quelques matchs de championnat. Je serais resté sans problème. » Et ce, jusqu’au coup de téléphone de Monchi, directeur sportif du FC Séville. « On a discuté avec le président de Kiev et il m’a laissé partir sans aucun problème » , jure celui qui n’a disputé que 17 petits matchs sous le maillot du Dynamo avant de retrouver la lumière.
Par Robin Delorme