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Trastevere, dans l’ombre des géants de Rome
Loin du tumulte provoqué par le Derby della Capitale, le Trastevere Calcio fait sa vie dans les hautes sphères de la Serie D. Niché dans le quartier du même nom sur les bords du Tibre, le club créé en 1909 peut notamment se targuer d'avoir résisté au fascisme dans les années 1920 ou encore d'avoir vu grandir un certain Francesco Totti.
Réussir à exister. Cet après-midi-là, alors que dans quelques heures a lieu le choc entre la Roma et le Milan au stadio Olimpico, une petite centaine de curieux se rend dix kilomètres plus au sud, via Vitellia, pour assister au match du S.S Trastevere. Né en 1909, soit neuf ans après la Lazio, le club niché dans le centre de la Ville Éternelle est alors essentiellement axé sur le cyclisme et la course à pied. Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale que les gamins du quartier forment une équipe de foot, qui intègre le FIGC en 1925. L’actuel président, Pier Luigi Betturi, raconte : « En 1927, lorsque le régime fasciste cherche à donner à Rome une équipe forte avec le nom « Roma », voulant faire fusionner l’Associazione Sportiva Roma et Trastevere, le club s’est fortement opposé à ce projet. Le fait de ses racines antifascistes d’une part, mais aussi car garder son nom lui était cher. »
Une identité forte qui n’a jamais été reniée dans l’histoire, car malgré les multiples changements de noms (cinq au total), le nom du quartier n’a jamais disparu : « Le quartier de Trastevere a toujours été un quartier fier, qui a toujours été dans l’opposition à tous les régimes. D’abord au régime pontifical, puis ensuite au roi d’Italie, le fascisme bien sûr, sans oublier le parti Democrazia Cristiana et enfin à la première puis à la seconde République. L’histoire du club est liée à celle de son quartier. » En plus d’un siècle, le club n’a jamais connu d’âge d’or. Sa saison la plus glorieuse fut en Serie B lors de l’édition 1946-1947. Deux ans auparavant, alors qu’il était dans le championnat romain de guerre, il fait quand même la Une du Corriere dello Sport après une victoire 2-1 face à la Lazio. Déjà une preuve de sa préférence entre les deux ténors.
La Roma et Totti dans les gênes
Il faut être véritablement aveugle pour ne pas voir que les fans de football habitant Trastevere ont le cœur qui bat pour la Roma. Le S.S Trastevere joue dans un rouge sang qui ressemble beaucoup à celui de sa cadette, au point que lors des rencontres des catégories de jeunes, les dirigeants doivent parfois sortir les chasubles lorsque les deux équipes se rencontrent. Une tendance confirmée par Betturi : « Trastevere est un quartier romanista. Il n’est pas étonnant de voir que les couleurs du Trastevere Calcio ressemblent fortement à celles de la Roma d’ailleurs. Très souvent, les supporters du Trastevere sont supporters de la Roma et inversement. Après, nous avons quand même un socle dur qui ne supporte que notre club, et qui ne va pas voir les matchs de la Roma. À la différence de la Roma et surtout de la Lazio, qui représente une région, nous représentons d’abord un quartier. »
Le mimétisme est tel que personne n’est surpris quand on s’aperçoit qu’un certain Francesco Totti est passé dans les rangs du club avant de rejoindre « sa » Roma. S’il ne rejoint que le Smit Trastevere en 1984, un an après ses débuts au Fortitudo Luditor, le jeune Francesco disputera bien son premier championnat sous les couleurs de Trastevere à l’âge de 8 ans. Depuis, le lien entre Totti et Trastevere ne s’est jamais rompu, à en croire Betturi : « C’est un motif d’orgueil qu’il soit passé par chez nous. Il nous répond toujours quand on a besoin. Lorsqu’il y a eu le tremblement de terre d’Amatrice en 2015, on a proposé à Totti de faire un maillot spécial et de le vendre au bénéfice des victimes. Sans surprise, ça a été un grand succès. » Une légende, jusqu’au bout.
La dure réalité
Mais dans une ville qui comporte deux ténors qui jouent les premiers rôles en Italie, la question du développement de Trastevere se pose. Comment faire pour réussir à pointer le bout de son nez entre les deux mastodontes romains qui dominent chacun un vaste territoire ? Aucun problème selon Betturi, pour qui le souci est ailleurs : « Le problème à Rome, comme dans beaucoup d’autres villes d’Italie, se situe au niveau des infrastructures. Trastevere a un stade idoine pour jouer en division amateur. Il n’y a pas d’autres stades dans Rome autre que l’Olimpico qui puisse accueillir de rencontres professionnelles. »
Et ce n’est pas l’annonce du projet de futur stade de la Roma qui fera changer d’avis l’actuel patron de Trastevere : « Je connais bien l’histoire de la Roma, et je peux dire que le stade ne sera pas totalement prêt avant cinq ou six ans. Et puis l’Olimpico coûte trop cher, d’autant que la visibilité pour voir les matchs n’est pas idéale. On a une très bonne équipe de foot, le projet du club est de faire grandir des jeunes joueurs. Après, c’est inscrit dans notre projet de passer prochainement en Serie C et de devenir un club semi-professionnel, on a le stade pour. » Comme si, finalement, tout était fait pour que le Trastevere reste lui-même.
Par Andrea Chazy, à Rome