ACTU MERCATO
Trapp contender
Le nouveau gardien du PSG a 25 ans, a signé pour cinq ans le jour de son anniversaire, s'est déjà mis Laure Boulleau dans la poche, et Salvatore Sirigu n'est pas des plus ravis de son arrivée. Logique quand on sait que le portier allemand a les qualités pour s'imposer à Paris et l'envie de le faire .
Natif de Merzig, une ville de 30 000 habitants, tout proche de la frontière française, Kevin a 15 ans lorsqu’il débarque à Kaiserslautern après avoir fait ses gammes dans les petits clubs du coin. Un an plus tard, on lui apprend qu’il doit s’entraîner avec Gerald Ehrmann. Une légende locale. Ancienne doublure de Toni Schumacher à Cologne, Gerry a ensuite tenu les bois de Lautern pendant 301 matchs, de 1984 à 1997, avant de devenir entraîneur des gardiens. À son palmarès de formateur, Roman Weidenfeller et Tim Wiese notamment. Avec un cahier des charges à l’ancienne : « la volonté de gagner, l’intransigeance, le courage de prendre des risques, la responsabilité, la détermination » . Évidemment, le pauvre Kevin est tout penaud, et bien nerveux à l’idée de cette rencontre. Pourtant, Gerry deviendra son mentor et fera de lui un gardien de haut niveau, à grand renfort d’exercices spécifiques. Un des exercices préférés d’Ehrmann : le gardien se met à genou, il lui envoie une balle en lucarne, qu’il doit aller chercher. Variante : une haie, par-dessus laquelle le gardien doit sauter en allant chercher la balle en lucarne. Et quand il n’a pas de haie, il trouve quand même une solution. « Un jour, on n’avait pas de haie. Ehrmann a pris un vélo qui était posé là » s’est souvenu Trapp il y a quelques années dans SPOX. « Gerry mise beaucoup sur la détente et le dynamisme. Il pousse les gardiens à aller au-delà de leurs limites, ce qui est rare chez les jeunes. »
Des débuts tout doux
Avec un tel régime, Trapp gravit tranquillement les échelons jusqu’à l’équipe première, dont il se retrouve numéro 3 derrière Tobias Sippel et Luis Robles, tout en gardant les cages de la réserve. Il goûte pour la première fois à la titularisation le 9 août 2008 au premier tour de la DFB-Pokal contre Carl Zeiss Jena, avec une défaite 2-1 à la clé. Rebelote la saison suivante, avec cette fois une victoire 1-0 face à l’Eintracht Braunschweig. De quoi avoir faim de match. Fin juillet 2010, Trapp l’avoue sans problème : « Je veux jouer en Bundesliga. » Sa chance interviendra finalement le 12 mars 2011. Sippel grippé, Robles parti à Karlsruher SC, Kevin apprend à quelques heures du coup d’envoi qu’il va avoir sa chance contre Fribourg. Et le petit jeune s’en sort très bien, multipliant les parades pour permettre aux siens d’arracher le match 2-1 dans les arrêts. Lui sera seulement homme du match. L’intérim durera finalement neuf matchs, pour une note finale moyenne de 2,78 selon Kicker – mieux que Neuer alors à Schalke, certes sur 34 matchs. Reste alors à confirmer. Il est de fait promu numéro un devant Sippel. Mais tout n’est pas aussi idyllique que prévu. Lautern se bat contre la relégation, Kevin apprend le haut niveau dans la douleur, ses performances ne sont pas forcément flamboyantes. Après 23 journées sans relief, une blessure musculaire met fin à sa saison, Sippel reprenant son bien. Le club finira par descendre. Sauf que lui est repêché par l’Eintracht, qui lui met le grappin dessus contre 1,5 million d’euros.
Valeur sûre
Premier match à Francfort le 19 août 2012. Encore et toujours un match de Pokal, cette fois contre Aue. Parce que rien n’est jamais simple, il prend un rouge au bout de 19 minutes. Un simple contretemps. Trapp prend la place du sémillant Oka Nikolov et participe grandement à l’épopée de l’Eintracht vers les sommets (relatifs) de Buli. D’ailleurs, Armin Veh, le coach de l’époque, dira à ce propos sur RP Online : « Les 1,5 million qu’on a investis dans Trapp ont pour nous plus de valeur que les 40 millions qu’a investis le Bayern dans Javi Martínez. » Pas faux : Trapp boucle l’exercice meilleur gardien de Buli, avec une moyenne hallucinante de 2,40. Pour comparaison, le second, René Adler, est à 2,67, Neuer, septième, à 2,95. Les saisons suivantes seront certes un peu moins extraordinaires, mais toujours très bonnes : 2,93 en 2013-2014, 2,80 l’année dernière, quatrième derrière Fährmann, Bürki et Leno, mais devant Neuer.
Trapp, c’est très fort. Excellent sur sa ligne, il a détourné 7 (donc 4 lors de la saison 13/14) penaltys en Buli, sur 17 tentatives. Autre héritage de la formation Ehrmann, le portier est impérial dans les airs, un domaine dans lequel Sirigu pèche. Et là où l’Italien boxe, l’Allemand capte. Niveau leadership, c’est aussi du tout bon : capitaine l’an dernier, il n’a jamais hésité à l’ouvrir. Trapp a aussi un bon petit côté Neuer : à l’aise techniquement (il a d’ailleurs joué et marqué en tant qu’attaquant avec l’Eintracht avant de signer à Paris), il n’hésite pas à sortir de ses buts de temps en temps. Quelques fois pas toujours à bon escient d’ailleurs. Sinon, son jeu au pied n’est pas des plus merveilleux, mais il a progressé dans le domaine, et pied droit pied gauche sans trop de problème. Trapp quitte donc la Buli avec un bilan des plus honorables (37 matchs avec Kaiserslautern, 46 buts encaissés, 8 clean sheets ; 96 matchs avec Francfort, 141 buts encaissés, 28 clean sheets). Selon Opta, il a également le meilleur ratio d’arrêt/match depuis ses débuts, à 3,66, parmi les gardiens avec plus de 100 apparitions. Armin Veh l’a d’ailleurs dit à Sport 1: « Il s’est incroyablement développé et c’est pour moi l’un des meilleurs gardiens du pays, l’un de ceux qui peuvent succéder à Neuer. »
Et maintenant ?
Pourquoi n’a-t-il toujours de sélection avec la Nationalmannschaft, demandent alors les sceptiques ? La concurrence, pardi : Neuer, Weidenfeller, mais aussi Adler et Zieler, ou encore Leno et Ter Stegen. Rappelons tout de même que le portier du Barça n’est même pas champion du monde. Trapp, lui, évoluait à Francfort, pas forcément très médiatisé, et sans Coupe d’Europe pour se montrer : jurisprudence Jourdren. Mais Kevin n’est pas trop trop nul lui, même Laurent Blanc le dit : « Je pense beaucoup de bien de Kevin, bien évidemment. C’est un gardien moderne, qui anticipe beaucoup, à l’image de l’école de gardiens de but allemande qui est, en ce moment et à mon avis, l’une des meilleures au monde. C’est un jeune joueur, avec un fort potentiel, qui va apporter beaucoup de motivation, et une concurrence dans ce secteur de jeu-là. » Ehrmann est lui aussi persuadé de la réussite de son poulain : « Je crois naturellement Kevin capable de faire le saut à Paris. Il a grandi en tant qu’homme, il a continué à progresser lors des trois dernières saisons. Je suis totalement convaincu qu’il peut y réussir, a-t-il commenté pour Sport 1. Le PSG, c’est autre chose. On ne peut pas lui en vouloir parce que c’est une opportunité. Et la Champions League est très attractive. » Beau gosse, Kevin s’est lui déjà mis Laure Boulleau dans la poche, en attendant le Parc. Seule petite ombre au tableau : Paris lui a refilé un maillot jaune. Et Trapp déteste le jaune, par superstition. Explication à Bild : « Pour mon premier match à l’Eintracht, j’étais en jaune. Rouge au bout de 20 minutes. La deuxième année, pas de jaune, je fais 48 matchs. Cette année, le jaune était de retour, et je me suis blessé (à la cheville). Maintenant, le jaune, c’est fini. » Alors pour conjurer le sort, Kevin a chanté Atemlos (durch die Nacht) d’Helene Fischer devant ses nouveaux coéquipiers pour sa présentation. Une chanson de titre. Il y a un an, la pop-star teutonne fredonnait l’hymne avec la NM pour fêter le sacre mondial à Berlin. Trapp a soif.
Par Charles Alf Lafon