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Tragédie grecque

Par Alexandros Kottis
Tragédie grecque

Douze ans après son sacre européen en terres portugaises, la Grèce a réussi un nouvel exploit en restant en dehors du premier Euro à 24 équipes. Une campagne de qualifications désastreuse, ponctuée par deux défaites face aux îles Féroé et trois changements d’entraîneurs. Ou comment passer du mont Olympe aux égouts de Paris.

6 points en 10 matchs, et la dernière place du groupe F. C’est le triste bilan de l’équipe grecque dans les éliminatoires pour l’Euro français. Une performance d’autant plus risible que la formation hellène se trouvait dans un groupe composé de la Finlande, de l’Irlande du Nord, de la Hongrie, de la Roumanie et des îles Féroé, des équipes sur le papier largement à sa portée. La réalité du terrain en a décidé autrement : une seule victoire et, battue deux fois par les îles Féroé, la Grèce ne verra pas l’Hexagone.

Ruines antiques

Lorsque Claudio Ranieri débarque à Athènes, en juillet 2014, l’enthousiasme est de taille. Et pour cause, jamais un entraîneur aussi réputé n’a dirigé la sélection grecque. Au lendemain d’un Mondial brésilien encourageant, où la Grèce échoue aux portes des quarts de finale au terme d’une épique rencontre face au Costa Rica, la progression ne peut que se poursuivre sous la houlette du coach italien. Et pourtant. Quatorze mois plus tard, Ranieri a remporté son premier titre de champion avec Leicester, et la sélection joue sur un champs de ruines. Recruté pour donner à la Grèce une identité de jeu tournée vers l’offensive, et renouveler un effectif vieillissant, le coach italien n’aura dirigé la sélection grecque qu’à quatre reprises dans les éliminatoires, pour un piteux bilan de trois défaites et un nul.

Si la décision prise par la Fédération de le limoger s’entend par les mauvais résultats, le manque de patience interpelle et reflète la frilosité du football grec. Son remplaçant, l’Uruguayen Sergio Markarian, n’aura pas réussi à inverser la tendance au cours des éliminatoires, et quittera lui aussi ses fonctions après seulement cinq mois. Après un intérim de Kostas Tsanas, c’est désormais l’Allemand Michael Skibbe qui est en charge de reconstruire. La Grèce a donc connu plus d’entraîneurs en dix-huit mois qu’au cours des quatorze années précédentes, puisque seuls Otto Rehagel (2001-2010), puis Fernando Santos (2010-2014) s’étaient partagé le poste. Deux entraîneurs qui avaient su établir une cohérence et emmener la Grèce en phase finale de cinq compétitions internationales en une décennie.

La Renaissance n’a pas eu lieu

L’âge d’or de la sélection grecque, matérialisé par la participation à trois Euros consécutifs (2004, 2008, 2012) et deux Coupes du monde (2010, 2014), s’est appuyé sur des effectifs soudés autour de joueurs charismatiques, dont Giorgos Karagounis en est le plus grand symbole. Joueur le plus capé de l’histoire grecque (139 sélections entre 1999 et 2014), leader technique et véritable aboyeur, le milieu offensif n’a eu de cesse de tirer son équipe vers le haut. Son départ, combiné à celui de Katsouranis (116 sélections entre 2003 et 2015), a laissé un vide que la nouvelle génération peine à combler. Pourtant, l’effectif de la sélection grecque semble supérieur qualitativement aux années précédentes.

Karnezis est titulaire dans les buts de l’Udinese, et l’arrière-garde est composée de défenseurs évoluant dans les plus grands championnats européens. Les centraux Papastathopoulos et Papadopoulos sont titulaires en Allemagne, respectivement au Borussia Dortmund et au Bayer Leverkusen, Manolas est inamovible à la Roma, et Holebas est parti s’aguerrir en Premier League après avoir lui aussi passé une saison dans la capitale italienne. Au milieu, l’éclosion de Fortounis, meneur de jeu de l’Olympiakos et annoncé dans les plus grands clubs européens, ne s’est pas encore traduite en sélection malgré une présence dans le onze titulaire récurrente. Il devrait former un entrejeu solide et technique avec Andreas Samaris, qui sort d’une deuxième saison pleine sous les couleurs de Benfica, avec plus de trente rencontres disputées. C’est également dans la capitale portugaise que s’épanouit l’attaquant Kostas Mitroglou. Prêté par Fulham, l’avant-centre a inscrit plus de vingt buts cette saison, suffisant pour convaincre le club lisboète de lever l’option d’achat. Mais à l’instar de ses compatriotes, sa réussite en club ne se traduit pas sous le maillot bleu de l’Ethniki, avec lequel il n’a inscrit que 9 buts en 47 sélections.

Préférence étrangère

Pour la sixième année consécutive, et pour la 43e fois de son histoire, l’Olympiakos est devenu champion de Grèce au terme d’une saison – une nouvelle fois – sans suspense. Seul au monde, le club du Pirée accumule les trophées nationaux, écrasant la concurrence que devraient incarner le Panathinaïkos, l’AEK ou le PAOK. Mais les équipes d’Athènes et de Salonique se font plus remarquer par la violence de leurs supporters et des luttes de pouvoir internes que par leur compétitivité, et leur choix de garnir leur effectif de joueurs étrangers interpelle. Quel est l’intérêt d’aller chercher des joueurs moyens aux quatre coins du monde s’ils empêchent l’éclosion de jeunes talents sans pour autant élever le niveau du championnat ? Et lorsqu’il s’agit de recruter des joueurs réputés en fin de carrière, peu nombreux sont ceux qui honorent leur réputation. Pour un Djibril Cissé, devenu dieu au pays des dieux, combien de Rivaldo tombés dans l’oubli ? Ce n’est pas un phénomène propre au championnat grec, mais force est de constater que l’exil toujours plus précoce de joueurs nationaux vers d’autres championnats, meilleurs soient-ils, ne favorise pas l’amélioration de la Super League et de la sélection.

Parmi les cinq premiers clubs du championnat cette saison, le PAOK compte treize joueurs étrangers, l’AEK quinze, le Panathinaïkos et l’Olympiakos vingt. Seul le Panionios accorde une large place aux joueurs nationaux, avec seulement deux joueurs non grecs dans l’effectif. Une politique de longue date instaurée par le plus vieux club du pays, permettant l’éclosion des meilleurs joueurs grecs de l’histoire (Mavros, Saravakos, Anastopoulos…), et accentuée depuis le début de la crise. Mais l’importance accordée à la formation par les Rouge et Bleu ne peut suffire à renouveler le vivier et à rendre la sélection compétitive. Le choix de placer Michael Skibbe à la tête de la sélection en octobre 2015, malgré une expérience relative et un palmarès limité, traduit là encore le manque de confiance accordé aux coachs locaux. Mais dans un pays qui a fait roi Otto Rehagel, sa nationalité joue pour lui. L’Allemand est désormais à la barre du Piratiko pour lui permettre de repartir en conquête. À moins qu’il ne le fasse couler un peu plus.

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