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Tout va bien !
Avant le match contre l'Argentine, l'équipe de France était fière de sa solidité défensive. Puis elle a pris trois buts d'un coup, mais n'en a pas grand-chose à faire puisqu'elle en a marqué quatre. Eh oui, les Bleus sont très forts pour ce qui est de positiver. Et c'est plutôt une bonne nouvelle.
C’est facile et confortable de voir le verre à moitié vide. Plus exigeant de le voir à moitié plein. Mais il faut être un optimiste forcené pour continuer à affirmer que tout va bien, alors que le godet vient de se renverser devant tout le monde. Ce tour de force, Didier Deschamps et l’équipe de France sont pourtant en train de le réaliser, et haut la main. Il y a encore dix jours, les Bleus étaient une équipe ennuyeuse à mourir regardée par des masochistes et des gens qui ne badinent pas avec le concept d’amour du drapeau. Mais même si la France avait une animation offensive proche du néant, au moins, elle ne prenait pas de but. Un seul sur les trois matchs de poule, et sur penalty. La défense tricolore méritait donc son pouce levé. Ça, c’était pour le verre à moitié plein. Un samedi après-midi frappé du sceau de la folie a suffi pour faire exploser la porcelaine et tout le reste de la vaisselle, verrerie comprise. Ce jour-là, la France a battu l’Argentine 4-3. C’était beau. Magnifique, même. Et complètement fou. Mais dans « 4-3 » , il y a « 3 » . C’est-à-dire le nombre de buts marqués par l’équipe adverse. Et quand, comme l’a fait la France, on a passé deux semaines à vanter sa solidité défensive en expliquant que c’était la marque des équipes qui vont loin dans la compétition, ça la fout mal. Enfin, en théorie. Car le rush d’adrénaline lié à la victoire a été tellement puissant que les trois pions encaissés sont finalement passés comme une lettre à la poste.
Pour le plaisir
Les Bleus ont pris trois fois plus de buts en un seul match que lors des trois premières rencontres de la Coupe du monde. Mais l’important, c’est que lors de ce même match, ils en ont marqué plus que depuis leur entrée en lice face à l’Australie. Alors pourquoi chipoter ? L’équipe de France a une force, c’est de voir la vie du bon côté. « La positive attitude » , comme l’a dit Rami hier. Offensivement, c’est enfin le feu. Et contre l’Argentine, la France a claqué quatre buts en quatre tirs cadrés. À partir de là, personne n’a envie d’entendre un rabat-joie ajouter qu’elle en a également pris trois en seulement quatre tirs cadrés. En plus, analyser les buts argentins avec un miroir déformant n’est pas très compliqué : la frappe de Di María est divinement placée ; Mercado dévie un tir en ayant une chance monumentale ; Agüero marque uniquement parce que les Bleus n’étaient plus concentrés. En suivant ce raisonnement, facile de minimiser la gravité de la situation.
« Il y a du plaisir même dans l’effort défensif » , confiait Giroud entre deux matchs du premier tour, quand la défense française était le seul motif de satisfaction à des kilomètres à la ronde. « On fait le boulot pour le partenaire d’à côté, il est là le plaisir aussi, ce n’est pas forcément mettre un crochet ou une frappe en lucarne. » Personne n’en doute. Mais samedi, justement, le public bleu-blanc-rouge a goûté à des crochets et à une frappe en pleine lucarne. Et il s’est rappelé à quel point c’était bon. Un plaisir dix fois supérieur à celui de l’effort défensif.
Un peu foufou
En un match, la France a mis un grand coup de savate dans le peu de certitudes qu’elle pensait avoir acquises lors des poules, et elle le vit très bien. Dans le fond, cette histoire est celle du flacon et de l’ivresse. Peu importe le premier, pourvu qu’on ait la deuxième, paraît-il. Samedi, tout un pays est devenu ivre, même si le prix à payer était de se faire très peur. Et le scénario du match a inspiré quelques réactions amusées aux joueurs après coup. « Ça a été un peu compliqué de trouver le sommeil » , riait Thauvin le lendemain. « C’était un match un peu foufou, c’était un kif d’être sur le terrain » , ajoutait Griezmann. Méthode Coué jusqu’au bout pour Adil Rami, qui mettait des œillères au moment d’analyser la journée mouvementée vécue par Varane et Umtiti : « La défense de l’équipe de France fonctionne très bien. »
C’est faux, mais ça importe peu tant que le garçon ne sombre pas dans le déni de réalité. Rami garde sa « positive attitude » , et c’est en grande partie pour ça qu’il fait partie de ce groupe. Quand quelqu’un s’emballe un peu trop, on a l’habitude de lui conseiller de boire un grand verre d’eau fraîche pour calmer ses ardeurs. Mais même après l’avoir descendu d’une traite, Rami serait capable de dire qu’il est plein. Dans le fond, tant mieux pour les Bleus. Car il y a un autre dicton qui dit que le Ciel aide ceux qui s’aident eux-mêmes.
Par Alexandre Doskov, à Istra