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  • Tactiques de légende – Le triplé de Manchester United EN 1999

Tout Sir Alex en trois lignes

Par Markus Kaufmann
Tout Sir Alex en trois lignes

4-4-2. Quatre derrière, quatre au milieu, deux devant. Trois lignes, pour trois étapes : après être devenu roi d'Écosse et chevalier d'Angleterre, Sir Alex devient enfin champion d'Europe en 1999. Sa recette ? Transformer une petite quinzaine d'individualités en une seule et même personnalité au mental d'acier, habillée sous la forme d'un 4-4-2. Une personnalité, un mental, et un jeu ?

De 1975 à 1985, une équipe anglaise arrive en finale de la C1 neuf fois sur onze. L’Europe, c’est l’Angleterre : Leeds, Liverpool, Nottingham Forest, Aston Villa. Et puis, le Heysel. Treize éditions consécutives sans participant en finale. À l’été 1998, alors que Wenger vient de remporter le championnat à coups d’européanisation et d’innovation tactique, Sir Alex part à la conquête du monde avec une équipe historiquement marquée Premier League : des joueurs venus du Commonwealth et de la Scandinavie. Yorke, Stam et Blomqvist débarquent, Roy Keane revient.

Un modèle de 4-4-2

Le 4-4-2 est souvent considéré comme le système « basique » du football. À coup sûr, il s’agit du système par excellence du football nordique, encore aujourd’hui. Le système naturel du football aérien, celui des grands. Les longs et hauts dégagements, la conquête des deuxièmes ballons, les deux lignes de quatre en défense… Un système qui a longtemps dominé le football. En 1999, on était encore en plein dans l’ère des doublettes d’attaquants : Owen et Fowler, Ronaldo et Zamorano, Raúl et Morientes… Aujourd’hui, il semble admis que deux avants-centres ne peuvent pas jouer ensemble. Comme si le fait de parler la même langue pouvait empêcher deux joueurs de communiquer. En 1999, Manchester avait Dwight Yorke et Andy Cole et leurs merveilleuses combinaisons. C’était une époque où l’ailier aussi était prince. La création venait des débordements, le danger venait des centres. Sur les ailes, pouvait-on trouver mieux que Beckham et Giggs ? Dans l’axe, enfin, pouvait-on faire plus fort et intelligent qu’une paire Paul Scholes – Roy Keane ?

Un modèle d’organisation

Sir Alex a toujours eu cette capacité extraordinaire de former des vraies équipes, des entités en soi, des groupes. Des ensembles de joueurs capables de penser comme un seul homme, qui ne perdent jamais pied, toujours conscients de ce qu’ils sont en train de faire, de ce qu’il y a en jeu, où et quand. Manchester United est toujours plus lucide, plus conscient, presque « au courant » . Mais si les Red Devils ne sont jamais déstabilisés, ils furent tout simplement surclassés par le Barça en 2009 et 2011, et par l’Athletic Bilbao en 2012, comme si les Espagnols jouaient un autre sport. Peut-on parler de « pauvreté » dans le jeu de Sir Alex ? La question se pose. Ferguson semble avoir ignoré toute sa carrière certains principes de contrôle du jeu. Peut-être que tout cela ne l’a jamais intéressé : construire dans l’axe, faire des passes en retrait, défendre avec le ballon… Après tout, avec des créateurs comme Scholes, Beckham ou Veron… Mais une fois partis, comme la saison dernière, que reste-t-il ?

Le 4-4-2 à plat n’est pas pour autant un système rigide, ou même pauvre. Et puis ces dernières saisons, Sir Alex a largement privilégié le 4-2-3-1. Il y a certes seulement trois lignes, des mouvements stéréotypés, aucun « trequartista » , mais des rôles bien définis. Car il s’agit bien là d’un football de rôle. Les milieux doivent conquérir, les ailiers déborder et centrer, les attaquants presser et appeler. Il y a toujours un ordre, comme l’ont bien compris Berbatov, Tévez, Chicharito et déjà Solskjær à l’époque. Un joueur, une mission. Les armes sont toujours nombreuses, il s’agit seulement de les mettre dans les conditions de faire feu. Pour définir ses joueurs, le premier mot à employer serait ainsi celui de « professionnels » . Giggs, Beckham, Cristiano… Disciplinés, intelligents, travailleurs. Sir Alex gérait ainsi son vestiaire comme personne : un maître de management, de pédagogie et d’organisation. Plutôt qu’un grand technicien, Sir Alex était peut-être surtout un grandissime contrôleur de gestion.

Une saison jouée dans les arrêts de jeu

Si Mourinho a façonné une Inter à son image en 2010, l’équipe s’approchant le plus de l’esprit de Sir Alex restera celle de 1999 : du début à la fin, ces Red Devils auront grandi dans les arrêts de jeu. Le fameux Fergie Time. Sur toute la saison, le sort de six matchs-clés aura été décidé ainsi, au dernier souffle. Première journée contre Leicester : les Rouges remontent un 0-2 grâce à deux coups de magie de Becks, dont un coup franc à la 94e. Février 1999, United s’empare de la tête du championnat face à Charlton : 1-0 à la 89e. L’un des symboles de cette saison est aussi la performance de Solskjær contre Nottingham : un quadruplé de la 80e à la 90e sans démonstration de joie. Le Norvégien réclamait du temps de jeu, et Ferguson réussira à l’impliquer jusqu’au dernier instant au Camp Nou. Dix jours avant la finale de la C1, Manchester avait aussi gagné la Premier League à la dernière journée en remontant un 0-1 face aux Spurs. Enfin, en quarts de FA Cup, Houllier affirmera que « le match a duré cinq minutes de trop » (deux buts à la 86e et 92e, victoire 2-1). Si Beckham, Sheringham et Solskjær y croyaient encore à la 90e face au Bayern, c’est grâce à une saison de victoires au dernier instant, et un mental indestructible : à partir du Boxing Day, les hommes de Sir Alex resteront invaincus trente-trois matchs consécutifs.

Le chef-d’œuvre du Camp Nou et le football à la Beckham

Des matchs de poule épiques contre les ogres d’Europe barcelonais et munichois, puis des qualifications difficiles contre l’Inter de Ronaldo et la Juve d’Ancelotti. Le tout en faisant appel à la « tactique Beckham » . Ceux qui répètent que le Londonien a dépassé le cadre du football ne croient pas si bien dire : c’est vrai, l’habileté du pied droit de David dépasse le jeu. Le système n’existe pas face à la qualité infinie d’une touche de balle. Becks est dangereux, toujours, peu importe le reste. Le monde pourrait s’arrêter de tourner, les ballons brossés de Becks continueraient à tomber là où le gardien adverse ne veut pas les voir. Comme sur cette passe du Beckham de Madrid : exceptionnellement, c’est la passe qui crée le mouvement, l’appel et le but. Du néant au tout. Durant la C1 de 1999, six des neuf derniers buts de Manchester proviennent de son pied droit. Pour la finale, sans Scholes ni Keane, Beckham joue dans l’axe avec Nicky Butt, Giggs à droite et Blomqvist à gauche. On connaît la suite et ce dernier but de Solskjær dans le toit des cages de Kahn. Lennart Johansson, président de l’UEFA, était dans les escaliers du stade au moment des buts, et déclarera sur la pelouse : « Mais qu’est-ce qu’il se passe ? Les gagnants pleurent et les perdants dansent ? »

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Par Markus Kaufmann

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