- Journée nationale du sommeil
Tout savoir sur la sieste du footballeur
La semaine dernière, l’Institut national du sommeil proposait sa journée du sommeil. Où certains acteurs du foot sont peut-être allés faire un tour. Car la sieste s’est durablement installée dans le monde du ballon rond.
« Vers 13 heures, je rentre à la maison faire ma petite sieste de l’après-midi, une heure en général. La journée de travail n’est pas encore terminée parce que le repos, ça fait partie du travail. » Quand il livre son programme de joueur professionnel pour L’Obs, Blaise Matudi n’oublie pas son petit somme quotidien. Parce qu’il sait qu’il en a besoin. Et peut-être aussi parce que le PSG, son employeur, lui recommande, voire le contraint à respecter ce créneau. Car depuis quelques années, les clubs de football, qui n’ont étrangement pas très envie de communiquer sur le sujet, ne rigolent plus avec la sieste. Le SCO d’Angers l’impose par exemple à ses joueurs. En arrivant au Real Madrid, Rafael Benítez avait lui aussi fait de la sieste une obligation pour Ronaldo et compagnie.
La sieste, idéale pour le footballeur
Mais au juste, pourquoi emmerder les sportifs de haut niveau avec une sieste ?
« Elle permet de récupérer physiquement, mais aussi psychologiquement. On récupère beaucoup mieux quand on dort que quand on regarde la télé, c’est un état plus reposant que si votre cerveau est en marche » , éclaire le docteur François Bieuzen, spécialiste de la fatigue à l’INSEP et qui travaille avec des clubs français et étrangers dont certains évoluant en Ligue Europa. « C’est un moment de détente et de relaxation intéressant pour une personne qui enchaîne les efforts physiques » , explique pour sa part Jean-Jacques Menuet, médecin du sport qui conseille des joueurs de foot et qui exerçait auparavant au centre de formation d’Amiens.
D’accord, mais pourquoi les footballeurs seraient-ils davantage concernés que les autres sportifs ? « Ils sont plus sujets à des problèmes de sommeil, à cause de la pression à laquelle ils doivent faire face et des activités physiques en fin de journée, répond-il. Les cellules cérébrales ont du mal à se mettre au repos. Ça diminue la qualité du sommeil et de l’endormissement. En plus, ils sont trimbalés dans le monde entier, ils dorment moins bien à l’hôtel qu’à la maison. »
Rattraper le manque de sommeil
Ainsi, la sieste deviendrait indispensable à ceux qui accumuleraient les rencontres disputées à 21h en championnat et en coupes d’Europe par exemple. Surtout pour des mecs comme Matuidi, incapable de s’endormir avant 5 heures du mat’ après une rencontre à cause du « stress accumulé avant et pendant le match, à l’adrénaline. » François Bieuzen confirme : « Les footeux ont un rythme de sommeil bien différent de la population lambda : en raison de leurs matchs et de leurs voyages, ils se couchent et se réveillent plus tard. » Sauf qu’il ne faut pas faire n’importe quoi n’importe comment.
Blaise Matuidi, encore lui, a tout faux en dormant « une heure en général » l’après-midi.
En effet, la sieste est utile seulement si elle dure un temps précis, en témoignent les propos de Jean-Jacques Menuet : « Il ne faut pas qu’elle dépasse 30 min. On parle alors de micro-sieste. Si on va au-delà de cette durée, on entre dans un cycle de sommeil. Ce qui entraîne deux conséquences : ce cycle ne se fera pas la nuit suivante, donc le joueur dormira moins bien, et comme ce cycle n’aura pas le temps de se terminer pendant la sieste, le joueur va se réveiller dans un état de conscience modifié, un état bizarre, un peu vaseux et moins vigilant… » Un état qu’on a déjà expérimenté, et qui ne prépare pas de manière optimale l’entraînement ou le match de fin de soirée.
20, 30 ou 90 minutes ?
Son confrère de l’INSEP n’est pas totalement d’accord :
« Oui, la sieste flash d’une vingtaine de minutes a des bénéfices certains. Mais il existe une autre sieste qui possède des vertus : celle de 90 minutes. Les footballeurs ont d’ailleurs la chance d’avoir du temps pour pouvoir l’expérimenter. » Et attention : cette autre forme de sieste, réalisable pendant un Bordeaux-Toulouse donc, servirait à bien plus qu’à la récupération. « Dans le monde scientifique, on s’est en fait aperçu qu’on avait une capacité d’apprentissage en dormant durant ce laps de temps » , indique-t-il.
Apprendre en pionçant ? « C’est un peu ça, acquiesce l’expert. Faire une longue sieste permettrait de mieux assimiler des nouveaux gestes techniques appris le matin par exemple. On peut s’en servir comme technique d’entraînement en quelque sorte. Il faut en revanche dormir dans de bonnes circonstances. Pas après une engueulade avec le coach, quoi… » L’ancien d’Amiens, lui, utilise déjà le somme pour travailler les roulettes de ses joueurs, mais pendant la sieste de 20 minutes : « On profite du temps de la sieste pour greffer dessus un contexte sportif. J’essaye de leur proposer quelque chose qui va plus loin que la relaxation. Je leur apprends à visualiser un match ou un geste technique pendant qu’ils s’endorment à l’aide d’une musique par exemple. »
Pas de longévité sans petit somme
Qu’en pensent les principaux concernés ? Pour eux, il semblerait que la sieste fasse désormais partie de leur rituel. À l’instar de Messi qui passe 12 heures quotidiennes dans son plumard, les tops players font extrêmement gaffe à leur sommeil. Ils jouent donc le jeu de la sieste à fond… pour la plupart. « Aujourd’hui, quasiment tous les pros considèrent la sieste comme une composante de leur entraînement. Et les clubs, parfaitement conscients de l’importance de la chose, mettent en place des temps libres pour qu’ils puissent faire leur sieste après le déjeuner. »
Est-ce que ces créneaux sont respectés ? « De toute façon, les joueurs font vite la différence, hein. C’est vraiment un gage de performance, personne n’y échappe. À part quelques phénomènes brésiliens bien connus qui n’en ont pas besoin, mais qui ne font généralement pas une carrière très longue ! » Même son de cloche chez le médecin du sport, qui note que « ceux qui se blessaient le moins au centre de formation d’Amiens étaient ceux qui faisaient le plus attention à leur sommeil. » Au moins, on est sûr que Matuidi aura une carrière aussi longue que Ronnie… À condition qu’il modifie la durée de sa sieste.
Par Florian Cadu