- Ballon d'or
Tout Paris attendait Benzema
Ce lundi, Karim Benzema est devenu le cinquième Français à remporter le Ballon d'or. Le Madrilène a été sacré au cours d'une cérémonie prestigieuse au théâtre du Châtelet, à Paris. Récit d'une soirée mémorable.
« Qu’est-ce qu’il se passe ici ? », interroge une touriste étrangère, alors que son blondinet de fils, qui porte un survet’ du Barça, fait mine de ne pas savoir. Sans doute était-elle surprise de voir un tel attroupement, agglutiné contre des barrières, sous la flotte, avec une F1 entourée d’une dizaine d’ingénieurs au bord de la route. Rien à voir avec un quelconque Grand Prix de Paris, ce lundi le quartier du Châtelet était dédié à la cérémonie du Ballon d’or, mais surtout à Karim Benzema. Les centaines de badauds massés autour du théâtre du Châtelet n’attendaient que lui, ou presque. Lucia et Irene, deux étudiantes espagnoles, de passage à Paris dans le cadre du programme Erasmus, sont perchées sur le rebord d’une fenêtre qui offre une meilleure vue sur le tapis rouge. « Je préfère Kylian Mbappé », lance l’une. « Moi aussi », plussoie l’autre. Heureusement, Rodrigo, qui les accompagnait, les contredit : « Ce soir, c’est Karim Benzema. » Plus loin, et plus proche de l’action, des dizaines d’adolescents rivalisent d’ingéniosité pour s’offrir un point de vue. Certains n’hésitent pas à grimper sur la fontaine du Châtelet. Seul un membre de cette audience a eu la malice de se ramener avec un escabeau.
Ronaldo, Damso et Nabilla
À mesure que la pluie s’intensifie, les invités débarquent au compte-gouttes. Les arrivées d’Andriy Shevchenko et de Jean-Pierre Papin ne font pas particulièrement crier la foule, au contraire de celle de Damso. À l’applaudimètre, le rappeur belge termine au pied du podium de la soirée, derrière Zinédine Zidane, Sadio Mané, accueilli très chaleureusement, et, évidemment, l’homme de la soirée, Karim Benzema. Dans son cosplay de Tupac, l’attaquant suit l’arrivée de la délégation du Real Madrid, composée de Luís Figo, Ronaldo Nazário, Zizou, Florentino Pérez et… Nabilla. C’est donc à 19h57 que le futur lauréat foule le tapis rouge, en compagnie de Thibaut Courtois, vainqueur du trophée Yachine et seulement septième du classement du Ballon d’or. « Karim ! Karim ! Karim ! », scande le public, tandis que le Français paraît bien stressé et concentré, comme à quelques minutes d’une finale de C1.
Le show peut enfin commencer, devant des journalistes du monde entier. « Karim Benzema est très populaire en Chine. Bien sûr Lionel Messi et Cristiano Ronaldo sont devant, mais Benzema est juste derrière ce duo. Il y a des millions de fans de football qui suivent la cérémonie », explique Yazhuo Xiao, de l’agence la plus importante du pays, Xinhua News. Même son de cloche au large de la mer de Chine orientale comme le confie Hideo Tamaru, journaliste japonais de l’agence Kyodo News : « Il n’est pas au niveau de popularité de Messi ou Ronaldo, mais les gens qui suivent le football européen savent qui il est. S’il joue aussi bien lors de la prochaine Coupe du monde au Qatar, sa popularité pourrait augmenter. » « Le nom Ballon d’or en lui-même est très connu parce que beaucoup de joueurs japonais en parlent comme du trophée qu’ils rêvent de remporter. En plus, une Japonaise, Homare Sawa, a remporté l’équivalent en 2011, donc c’est assez populaire », poursuit le Nippon, qui en profite pour vanter la cote de popularité de l’OM au Japon, « grâce à Hiroki Sakai ».
« Le Ballon d’or du peuple »
Tout le monde est incité à se taire, à éteindre son téléphone, et à écouter le chauffeur de salle. « C’est une cérémonie, mais c’est avant tout une émission de télévision », lance-t-il à quelques minutes du début du direct, incitant le théâtre à s’échauffer en applaudissant. Karim Benzema, Kylian Mbappé, Robert Lewandowski, Kevin De Bruyne, Thibaut Courtois, Ada Hegerberg, Ederson garnissent le premier rang, et l’orchestre est bien rempli. Toutefois, plus on remonte les étages du prestigieux théâtre, moins les sièges sont occupés. Dès la corbeille, on peut voir quelques feuilles de réservation qui n’ont pas accueilli celui ou celle qu’elles attendaient. Au deuxième balcon, c’est franchement dégarni, alors que l’amphithéâtre, tout en haut, est réservé aux journalistes. Parmi les 200 accrédités, 60% d’étrangers, ressenti 95% d’Espagnols. Le direct se passe bien, Didier Drogba a très chaud pendant les pauses et se ventile avec ses fiches, Kylian Mbappé fonce sur son smartphone à chaque coupure pub, pendant que Benzema et Mané restent stoïques, les yeux rivés sur la scène.
Peu avant 22 heures arrive enfin le moment fatidique où Zinédine Zidane annonce, tout sourire, que son « petit frère », Karim, est le vainqueur du Ballon d’or. Les applaudissements sont copieux, quelques youyous et des « Karim, Karim, Karim » descendent de ce qui commence à ressembler à des tribunes. Le récipiendaire ne peut pas en placer une, alors que son clan relance les célébrations. Le Brondillant parvient finalement à faire son discours, qu’il ponctue avec une punchline : « C’est le Ballon d’or du peuple. » « Il n’y a rien de politique. C’est par rapport à d’où je viens, à mes fans. C’est parce qu’ils y ont participé. Ils me soutiennent quand il y a des obstacles. J’ai envie de partager avec eux », a-t-il expliqué ensuite en conférence de presse. Une fois la vidéo hommage terminée, Didier Drogba et Sandy Heribert referment cette cérémonie.
Le direct coupé, Thibaut Courtois est le premier à monter sur scène pour féliciter le vainqueur, suivi de Jean-Pierre Papin, pendant que Kylian Mbappé se marre avec Christopher Nkunku juste en bas des marches. Les photographes se ruent sur scène et immortalisent un moment d’éternité. Et prennent quelques photos de légendes : Pérez-Benzema, Zidane-Benzema, Courtois-Pérez-Benzema, mais surtout un quintet Ronaldo-Figo-Zidane-Benzema-Pérez qui vaut son pesant de cacahuètes. Après avoir répondu aux questions des journalistes, le Madrilène reprend son minivan, direction Roissy et l’avion qui le ramène à Madrid dans la foulée. Le Ballon d’or était arrivé sur une F1, il est reparti dans les bras d’une autre F1.
Par Léo Tourbe, au Théâtre du Châtelet