Tu as toujours mis en doute les circonstances officielles de la mort de Topo. Pourquoi ?
Ce n’est pas un simple accident. En réalité, El Topo s’est retrouvé au milieu d’une course poursuite entre trois bandits et une voiture de police qui les traquait. Les images sont sur internet, je n’invente rien. Les témoins présents au moment du drame ont dit que la voiture de police allait trop vite. J’ai appris ensuite qu’elle roulait à 180 km/h. 180 Km/h !!! Il aurait pu y avoir encore plus de victimes. Lors de la première audience au tribunal, le taxi dans lequel il a péri s’est excusé auprès de moi et de mes enfants de n’avoir rien pu faire pour éviter le drame. Aujourd’hui, il se sent toujours coupable alors qu’il n’y est pour rien… Moi, j’en veux aux autorités locales qui ont décidé de camoufler le drame en accident. L’acte de décès n’est même pas daté correctement… Ils n’ont rien fait pour éclairer la mort de Topo. Les autorités brésiliennes ont toujours menti sur les circonstances de l’accident, car elles savent qu’elles sont responsables de sa mort. Elles n’ont même pas eu le courage de m’avertir de sa mort à l’époque… Mes collègues qui sont allés reconnaître Topo à la morgue et qui ont récupéré ses affaires ont trouvé les armes des bandits que la police recherchait à l’intérieur du sac de Topo. Pourquoi et comment elles se sont retrouvées là ? C’est un mystère. La police n’a jamais aidé, il n’y a eu aucun accompagnement de leur part… Au Brésil, vu qu’on travaillait pour deux rédactions différentes, on ne dormait pas dans le même hôtel. Le mien était à 20 minutes du sien. Topo dormait dans le quartier où il y avait tous les supporters argentins. Quelques heures avant l’accident, il était allé suivre une conférence de presse à l’Arena Corinthians, puis m’avait rejointe à mon hôtel. Après avoir diné ensemble, il m’a dit qu’il voulait aller travailler pour préparer sa journée du lendemain. Je voulais qu’il reste avec moi ce soir-là, mais il a insisté pour récupérer ses affaires. C’est la dernière fois que je l’ai vu vivant… Aucun fonctionnaire de la FIFA ne s’est mis en contact avec moi. Malgré la minute de silence qu’avait respectée la sélection argentine lors de la dernière conférence de presse avant la demi-finale, la FIFA n’a jamais mentionné son nom, ni proposé son aide. Ils ont été insensibles. Je n’ai reçu aucun soutien de sa part. Zéro.
Vu que tu ne dormais pas dans le même hôtel que Topo, comment tu as appris sa mort ?
Je n’arrivais pas à le joindre au téléphone. La veille, il m’avait dit de le rejoindre à son hôtel pour aller au stade ensemble. C’est ce que je fais, mais une fois sur place, il n’était pas là. Comme il passait ses journées à envoyer des mails sur la tablette, j’ai donc décidé d’allumer la mienne pour lui envoyer un mail. J’étais en train de lui écrire le message quand j’ai reçu une alerte de tweet du Cholo Simeone. C’était un tweet dans lequel il me présentait ses condoléances. C’est comme ça que j’ai appris sa mort… Il est mort le jour de l’anniversaire d’Agustin, notre fils…
Depuis sa mort, des personnalités comme Messi, Maradona, Iniesta ou Pékerman ont posé avec le hashtag #Justiciaparatopo. Quel est le but de ce mouvement ?
La vérité. Je veux que la justice brésilienne, les autorités locales rouvrent le dossier sérieusement. Cela fait bientôt 6 mois qu’il est mort, et j’attends toujours un coup de fil ou un geste de leur part. Je ne lâcherai pas… Au Brésil, les délinquants n’ont pas payé un centime pour se défendre, mais moi, si je veux que justice soit rendue, ça me coûte 160 000 dollars… Peu importe combien ça me coûtera, j’irai jusqu’au bout… Je veux que les institutions brésiliennes m’écoutent et prennent en compte le drame familial qui est le mien et celui de mes enfants. J’ai tout perdu, je n’ai rien à gagner dans cette histoire. Tout ce que je veux, c’est que justice soit faite pour que mes enfants et moi puissions nous reconstruire en paix. J’aurais dû me marier en décembre avec Topo… Tous les jours, je dois expliquer à Agustin, mon fils, que son père a été tué dans un accident de voiture. Tous les jours, je dois lui expliquer qu’on ne peut pas se venger en tuant les responsables. « Pourquoi j’ai plus de papa ? Pourquoi je ne peux pas tuer ceux qui ont tué mon papa ? » Qu’est-ce que tu veux répondre à ça ? J’essaie de lui expliquer calmement les choses, mais des fois, c’est très dur, parce qu’il est très jeune… Je lui ai promis que justice serait faite, et c’est pour ça que je me suis engagé dans ce combat.
Si l’on excepte le manque de considération de la FIFA, est-ce que le monde du football t’a aidé ?
River Plate est l’institution qui m’a le plus soutenue. Topo était un spécialiste du club. Il était aussi apprécié des dirigeants. Il y a quelques mois, River à d’ailleurs rebaptisé la salle de presse du nom de Topo. Ils m’ont aussi aidé économiquement, notamment pour les frais d’avocat brésiliens. Je leur serai éternellement reconnaissante pour ce qu’ils ont fait pour ma famille.
Ce soir, le Barça et l’Atlético se sont mis d’accord pour médiatiser le hastag #justiciaparatopo. Ça a été difficile de les convaincre ?
En réalité, je n’avais rien demandé. Ce sont des collègues catalans de Topo (il a vécu 4 ans à Barcelone, ndlr) qui ont demandé au club de faire quelque chose. Xavi, Iniesta et les Argentins du groupe, Messi et Masche, ont fait en sorte que le club donne facilement son accord. Je suis très flattée du geste des joueurs et des dirigeants du Barça. Je suis aussi très reconnaissante envers l’Atlético. Avant le match, El Cholo m’a appelé pour me dire qu’il mettait à disposition tout l’Atlético Madrid pour que l’exposition médiatique soit la plus importante possible. Ce dimanche soir, les deux équipes montreront une pancarte avec l’image de Topo et le hastag #justiciaparatopo. On veut que tous les gens qui suivent le match dans les tribunes ou à la télé relaient ce hastag-là sur les réseaux sociaux pour pousser la justice brésilienne à rouvrir l’enquête sur les circonstances du drame. C’est tout ce que je souhaite. La vérité et la paix.
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