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Tout à faire, Thierry
Henry est une victime. Victime de son club, de sa situation, des blessures, des suspensions, du portefeuille de Rybo, de sa morale en yo-yo, du mauvais temps, des mauvaises frites de la cantine. Monaco est dans un trou, et mine de rien, c'est un sacré motif de satisfaction : car si tout est noir pour le club, rien n'est réellement de sa faute à lui.
Robin Deakin n’était pas un boxeur comme les autres : c’était le plus nul d’entre tous. À observer ses traits aujourd’hui, c’est d’ailleurs un miracle de constater que tout est encore là : les yeux, le nez, la bouche, les pommettes… et les deux oreilles, élégamment dressées en chou-fleur par la dureté des coups reçus. Car en douze ans de carrière, l’Anglais né dans l’Essex (à Tilbury) présente un bilan de victime de cour d’école. Après une brillante carrière en amateur et une victoire lors de son premier combat en 2006 chez les professionnels, Robin perdit les 53 suivants. 54 matchs, 53 défaites. En 2012, le British Boxing Board of Control lui retire même sa licence pour raisons de santé, le gamin enchaînant les défaites par K.O et probablement pas aidé par une malformation congénitale lui conférant deux pieds bots.
Robin était devenu l’un de ces ouvriers que les coachs internationaux engagent comme punching-ball pour relancer leur poulain de retour de blessure ou en manque de confiance. Il avait fait de la défaite sa spécialité, qu’importent les moqueries et les risques cérébraux. Justin Bieber l’avait même défié en duel. Tiens, allons démonter la bête de foire ! Conséquence, à l’époque, après une quarantaine de défaites, personne n’avait songé à critiquer ses deux nouveaux coachs, Mike et Dave Jennings, gérants d’une salle de sport et censés remplacer le père de l’athlète. Après tout, la mission était perdue d’avance, alors pourquoi les blâmer ? Cette question amène la suivante : pourquoi donc le faire avec Thierry Henry ?
Victime de la situation, non l’inverse
Tout comme Robin Deakin cumulait les tares physiques, mentales, et un évident manque de talent intrinsèque, l’ASM est actuellement dans une spirale négative dont la majorité des causes sont indépendantes de son entraîneur. C’est le principe de celui qui touche le fond pour mieux rebondir, à la difficulté près qu’il s’agit ici d’un Rocher. Simple constat, pas d’interprétation : rarement Monaco n’aura autant cumulé les éléments à son encontre. De fait, à part en 2011 et la période pré-rachat par Dmitry Rybolovlev lorsque Marco Simone reprenait les rênes d’une lanterne rouge de L2, c’est du jamais-vu. Pêle-mêle : Henry débarque pour son dépucelage dans un club où les seuls tauliers encore en place sont hors de forme, et alors que son patron a été placé le 7 novembre dernier sous contrôle judiciaire dans une affaire d’escroquerie. Avant d’être accusé, selon les nouvelles révélations des Football Leaks, d’avoir personnellement touché une grande partie du montant du transfert de Kylian Mbappé au PSG.
Henry, pour ses premières sorties européennes, cale évidemment contre un club belge, ironique clin d’œil à son passé récent. Et avant d’affronter un PSG dans la forme de sa vie, le dernier bilan médical publié sur le site de l’ASM fait état de quatorze joueurs indisponibles, dont plusieurs types légèrement primordiaux : Subašić, Glik, N’Doram, Aholou, Lopes, Golovine, Jovetić… Le club a même été obligé d’aligner son quatrième gardien, Loïc Badiashile, en Ligue des champions. Ah, et sans oublier les suspendus de la journée, Raggi et Youri Tielemans. Tout va mal, tout est noir. Tout est terrible, inextricable. Au point que le coach explique en conférence de presse avoir reçu « pas mal d’appels » de soutien de ses pairs dernièrement. Tournons la chose autrement : si tout va mal, que peut-il se passer de pire ?
Attendre que l’orage passe
Au mieux, Thierry Henry égalera ce soir le bilan de Didier Deschamps lors de son arrivée sur le Rocher à l’été 2001, à savoir deux nuls, trois défaites… et une victoire pour son sixième match de Ligue 1, contre Troyes (2-0). À l’époque, le club était avant-dernier du classement. Tout comme maintenant, 17 ans plus tard. Au pire, Monaco perdra ce dimanche soir contre Paris – scénario qui paraît d’ailleurs foutrement plus probable. Ceci anticipé, que reste-t-il à faire ? Courber l’échine, attendre que l’orage passe, et cicatriser les trous dans la carlingue au rouge à bobos. Dans le foutoir monégasque, si peu de choses dépendent finalement de lui que le bonhomme dispose d’un crédit suffisant pour, sauf catastrophe, lui permettre de finir la saison. Même coach Vahid ne pourrait secouer que des cadavres dans l’état actuel des choses.
Reste à baisser la tête, travailler, comme le font les gens dans le dur. Et puis attendre qu’un jour… C’était un 31 août 2015, pour Robin Deakin. Après 53 raclées consécutives, le bonhomme s’impose aux points face au Letton Deniss Kornilovs dans une petite salle de l’Est londonien, ayant fait fi de l’avis des médecins qui le sommaient d’arrêter de boxer. Au terme de quatre rounds qui le laissent le nez en sang, il se lâche au micro : « Fucking comme on ! I’m back winning ! Toutes ces personnes qui m’ont appelé le pire boxeur d’Angleterre peuvent bouffer leurs mots, ils m’ont juste fait frapper plus fort. Je m’entraîne comme un champion, et ce soir, je l’ai été. Mes nouveaux coachs ont été géniaux. Mon prochain objectif, c’est de récupérer ma licence. » Dans la foulée, il défiait Rio Ferdinand de venir lui en coller une au menton sur un ring. 55 matchs, 53 défaites, et deux victoires. Courage Thierry, l’espoir n’est jamais mort. Surtout quand il ne dépend pas que de soi.
Par Théo Denmat