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Tous les cris les SAS
Stade athlétique spinalien contre FC Metz : c'est l'affiche de ces 32es de finale de Coupe de France en Lorraine. Un derby qui permet au club d'Épinal de sortir de l'ombre et de se rappeler à notre bon souvenir, entre D2, éphémère statut pro, joueurs mythiques et glorieuses épopées en Coupe.
D’extérieur, la ville d’Épinal évoque assez spontanément l’une de ses activités principales d’un temps révolu : les gravures mettant en scène un sujet populaire, dessiné dans un style naïf et volontairement optimiste, des dessins prisés dans les campagnes françaises jusqu’au début du XXe siècle, par une population encore assez largement illettrée. L’activité a disparu, mais l’expression est restée. Aujourd’hui, l’image d’Épinal désigne la manière dont certaines choses, lieux ou paysages nous font penser à l’ancien temps, avec un côté nostalgique appuyé. La vie étant parfois bien faite, Épinal offre souvent début janvier la parfaite image d’Épinal de tout bon fan de foot : une nouvelle année qui commence avec un tour de Coupe de France, une confrontation entre joueurs pros et amateurs, un vieux stade enthousiaste, un terrain pas toujours très praticable et l’exploit des amateurs survoltés, galvanisés par l’événement, qui boutent de la compétition l’équipe des pros. Une énième version de David terrassant Goliath, qui fera la une de L’Équipe le lendemain, les scènes de joie dans un vestiaire avec le jeu de mots qui va bien en titre. Une image d’Épinal qui s’est parfois jouée à Épinal même par le passé, plus exactement dans le vieux stade de La Colombière. Le plus bel exploit réalisé ces dernières années par le Stade athlétique spinalien (SAS) dans la compétition, c’était en janvier 2013 contre l’Olympique lyonnais : une qualification aux tirs au but (Bakary Koné manquant le sien, déjà…), après un match héroïque qui s’était achevé sur un 3-3. Exploit suivi d’un second en 16e de finale face à Nantes (1-1, 4-3 tab) avant l’élimination en 8e sur le terrain de Lens (défaite 0-2).
« On avait aussi réussi à mettre en difficulté le PSG quelques années auparavant » , se souvient l’actuel entraîneur Laurent Bénier. C’était en janvier 2008, les Parisiens avaient fini par l’emporter 2-0, non sans trembler en effet. Alors, quand il s’agit d’évoquer la nouvelle confrontation face à une Ligue 1 qui attend le SAS, ce dimanche contre le voisin messin, le coach n’a pas de mots assez forts pour exprimer sa motivation. « On va entrer sur le terrain avec les dents qui traînent par terre ! Le stade devrait être bien plein, malgré la météo. Il a neigé ces derniers jours, mais le service communal va faire ce qu’il faut pour préparer le terrain comme il faut. Et puis si la pelouse est difficile, faut se dire que ce sont les conditions idéales pour créer l’exploit… » Laurent Bénier est un historique du club. Formé à Sochaux au début des années 80, il a évolué à Épinal de 1983 à 1989, puis de nouveau en 1995 et jusqu’au dépôt de bilan trois ans plus tard. « Une période terrible, se souvient-il. Tous les joueurs sont partis, il a fallu repartir de zéro ou presque, au niveau DH… » À l’époque, il est l’un des seuls à rester au chevet de son club de cœur, devenant entraîneur-joueur, puis entraîneur tout court et enfin directeur technique à partir de 2009. Il y a quelques jours, il a de nouveau été nommé sur le banc, en lieu et place de Fabien Tissot, qui s’occupait de l’équipe première depuis plus de cinq ans. Il fallait créer un électrochoc, alors qu’Épinal est actuellement bon dernier du championnat National, avec 9 points de retard sur le premier non-relégable.
Une des victimes de la Super D2
« Faut pas se dire déjà que c’est foutu, assure pourtant Bénier. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Tout le monde est impliqué au club pour essayer de jouer le maintien, des joueurs au staff. » Et puis, si descente il y a, il n’y aura pas drame pour autant : le SAS est habitué à faire l’ascenseur. C’est presque dans son ADN de se situer à la lisière entre le monde du football amateur et celui des pros : un peu trop gros pour le CFA, un poil trop juste encore pour le National. Fondé pendant la Seconde Guerre mondiale, il a connu quelques belles périodes pendant son histoire, mais jamais vraiment d’âge d’or. Pendant 5 ans entre 1974 et 1979, il se fait une place en deuxième division, avant de replonger dans les années 81, jusqu’en D4 même, et de remonter patiemment pour retrouver la D2 en 1990. C’est à ce moment que le SAS décide de prendre le statut professionnel pour la première fois de son histoire. Manque de bol, c’est aussi dans ces mêmes années que le football va pas mal muter. Avec l’arrêt Bosman et ses conséquences bien sûr, mais aussi pour ce qui est de l’organisation du foot en France, avec la réorganisation de la D2 en une poule unique (la fameuse Super D2) et la création du championnat National. Épinal fait partie des 14 clubs relégués à l’issue de la saison 1992-1993 !
Weiss, Di Rocco, Seguin et la fromagerie Ermitage
S’il remonte peu après, notamment grâce au soutien du maire de l’époque, très fan de foot, un certain Philippe Seguin, il finit donc par quasi disparaître en 1998, avec une dernière saison cauchemardesque sportivement en D2 et un dépôt de bilan qui fera redémarrer l’équipe première en DH. S’il n’a jamais pu vraiment se hisser au niveau de ses glorieux voisins que sont Nancy et Metz, Épinal est tout de même un club qui compte dans le paysage footballistique français, avec quelques souvenirs épiques : les maillots en jaune et bleu avec Casino et la fromagerie Ermitage en sponsor, les buts de Patrick Weiss et d’Alex Di Rocco, la victoire historique 2-0 contre l’OM en 1995 en D2 dans un stade de la Colombière en fusion… Mais Laurent Bénier n’est pas du genre à regarder dans le rétro : il préfère évoquer l’avenir des « Boutons d’Or » – le surnom des joueurs d’Épinal – et se veut résolument optimiste. « On reste le club de référence dans les Vosges, avec plus de 500 licenciés. Notre niveau actuel correspond à la taille de la ville (un peu plus de 32 000 habitants, ndlr), mais on ne s’interdit pas de viser un retour en L2, un jour, si on a une bonne génération de joueurs pour y parvenir. Si déjà on pouvait réussir à s’installer en National, ce serait déjà bien. C’est pas facile le National… Ce sont des déplacements et des contraintes dignes de la L2, mais sans l’argent pour. » En attendant de replonger dans ce difficile quotidien, place à ce match de prestige contre Metz.
Par Régis Delanoë