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Tournée manège
Si partir en tournée à l’étranger était une coutume estivale, les clubs européens n’attendent plus la pré-saison pour le faire. En mai, à peine leur saison terminée, plusieurs équipes se sont envolées hors de leurs frontières pour jouer des matchs amicaux et vendre leur marque à l’international. Inutile de parler du terrain, l'essentiel était ailleurs.
Beitar Jérusalem-Atlético de Madrid, Guangzhou Evergrande-Borussia Mönchengladbach, Minnesota-Hertha Berlin, DC United-Betis Séville, Simba SC-FC Séville, New York Cosmos-Sankt-Pauli. Ces matchs amicaux ne font pas partie du calendrier estival de pré-saison, mais ont tous eu lieu au mois de mai dans un anonymat presque complet. Étrange quand on sait que les saisons sont longues et chargées pour les clubs du Vieux Continent, habitués à partir en vacances sitôt leur dernier match terminé. Mais prévus de longue date, ces rendez-vous sont une occasion en or pour signer de nouveaux partenariats, fidéliser des supporters étrangers et s’acheter une notoriété. Que ce soit aux États-Unis, en Chine, en Israël ou même en Tanzanie, tourner à l’étranger n’est plus seulement une affaire d’été.
Les Colchoneros à Jérusalem
Le 16 mai dernier, l’Atlético de Madrid terminait sa saison à Levante sur un match nul anecdotique. Mais le répit a été de courte durée, puisque quatre jours plus tard, les Colchoneros s’envolaient pour Israël afin d’y affronter le Beitar Jérusalem. L’Atlético était davantage présent pour une histoire de partenariat que de compétitivité. Et pour cause, en novembre 2017, Idan Ofer a investi discrètement 50 millions d’euros dans le club avant de racheter les parts du conglomérat chinois Wanda qui détenait 17% de l’entreprise espagnole. Homme d’affaires israélien et propriétaire du holding Quantum Pacific, Ofer est alors devenu le deuxième actionnaire du club derrière le directeur général et le président du club madrilène.
Avec une fortune estimée à 3 milliards d’euros, le businessman a énormément investi dans le club madrilène et a noué un partenariat avec Plus500, sponsor principal du club fondé par cinq anciens étudiants de l’institut technique d’Haïfa. Le club madrilène a également ouvert un centre de formation à Beer-Sheva grâce aux contacts de son actionnaire israélien. Lors de son voyage, l’équipe de Diego Simeone en a donc profité pour en visiter les installations et promouvoir le club, dans un pays où le football manque cruellement de héros depuis le départ de Yossi Benayoun, joueur du Beitar. Sur le terrain, la défaite de l’Atlético, les insultes racistes des ultras du Beitar et la blessure de Diego Costa n’ont finalement eu que très peu d’importance.
Les aventures du FC Séville en Tanzanie
Lors du voyage du Borussia Mönchengladbach en Chine, l’essentiel était également ailleurs que sur le terrain. Quatre jours seulement après la dernière journée de Bundesliga, le club allemand s’en est allé affronter le Guangzhou Evergrande après six jours de tournée. Outre les séances photo avec les locaux et la visite de la province de Guangdong, région chinoise la plus éprise de football, l’objectif était de promouvoir le club auprès d’un marché chinois toujours plus avare de football européen. Cette tournée chinoise, la seconde en deux ans, s’est d’ailleurs organisée grâce aux liens noués entre PPTV, diffuseur de la Bundesliga en Chine, et la Ligue allemande de football (DFL). Ce partenariat a permis à la rencontre d’être diffusée en prime time dans toute la Chine, assurant une manne financière non négligeable à l’approche de la saison prochaine.
?Ausblick und Adrenalinkick auf dem Canton Tower – Für #dieFohlen ging es heute hoch hinaus! #ChinaTour2019 pic.twitter.com/ScqKyP59zq
— Borussia (@borussia) 22 mai 2019
C’est aussi grâce à un partenariat que le FC Séville s’est rendu en Tanzanie le 23 mai dernier pour y affronter le Simba SC, cinq jours après la dernière journée du championnat espagnol. Si la Liga a déjà des bureaux en Afrique du Sud et au Nigeria, elle a signé en 2017 un accord avec SportPesa, plateforme kenyane de paris en ligne. Avec cette alliance, l’objectif était clair : rapprocher le championnat espagnol de l’Afrique, un territoire stratégique où une grande partie de la population s’intéresse au football. Après un étonnant match amical entre le Nigeria et l’Atlético de Madrid l’an passé au Nigeria, c’est le club andalou qui s’est fait la vitrine du football ibérique, bien aidé par une victoire spectaculaire sur le sol tanzanien (5-4). Son ennemi le Betis Séville a également quitté le territoire espagnol une fois la saison terminée, direction les États-Unis pour y affronter DC United puis le Chattanooga FC. Annoncée en mars dernier, cette tournée avait également des airs de virée commerciale et marketing. Le club sévillan s’est avant tout rendu à Washington pour les besoins d’Audi, partenaire commercial du Bétis et de DC United, dont le stade porte le nom de la marque allemande.
Wisconsin, Salomon Kalou et Jack Daniel’s
Aux États-Unis, le Betis a failli croiser la route du Hertha Berlin et de Sankt-Pauli, car les deux clubs allemands se sont également rendus aux États-Unis une fois leur saison finie. Le club de Bundesliga orchestrait la deuxième tournée américaine de son histoire après celle de 1970 et dix matchs en 24 jours. Cette fois-ci, le club de Berlin n’en a joué que deux, l’un dans le Minnesota et l’autre dans le Wisconsin. L’objectif était multiple pour le Hertha Berlin : gagner des fans, signer de nouveaux partenariats, flairer de nouveaux marchés et incarner un Berlin cosmopolite et tolérant. Sur place, les joueurs ont pu se rendre compte que la route de la démocratisation du foot allemand était encore longue. Lorsqu’ils se sont rendus dans une école allemande, nombre d’enfants ont avoué qu’ils n’avaient jamais vu un match de Bundesliga de leur vie. Ensuite, quelques heures avant le match contre Forward Madison, Salomon Kalou et ses coéquipiers se sont prêtés au jeu des selfies auprès d’étudiants locaux. Mais ces derniers semblaient davantage alertés par la masse grouillante de photographes que par la notoriété des coéquipiers de Karim Rekik.
Le voyage de Sankt-Pauli aux États-Unis est sans doute plus étonnant que celui du Hertha Berlin, même si c’est la deuxième année consécutive que le club se rend aux États-Unis pour accroître la « marque » Sankt-Pauli et la publicité autour d’elle. L’équipe s’y est rendue pour affronter une autre équipe légendaire, celle des New York Cosmos. L’occasion parfaite pour le club de faire entendre son message de tolérance et de diversité. Les joueurs et le staff ont ainsi posé avec des drapeaux LGBT+ devant la Trump Tower de Manhattan, un sacré clin d’œil provocateur à l’égard du président américain.
From Sankt Pauli with love, @realDonaldTrump! ? ❤️?????#fcspgoesUSA pic.twitter.com/WhU2SX7PY9
— FC St. Pauli (@fcstpauli) 22 mai 2019
Mais comme le Hertha Berlin, Sankt-Pauli était également en tournée pour renforcer ses liens avec ses sponsors et ses partenaires installés aux États-Unis. Après un second match contre le club new-yorkais du FC Buffalo, une délégation du club s’est rendue au siège de Jack Daniel’s dans le Tennessee, puisque la marque de whisky américaine va parrainer le club allemand prochainement. Un nouveau partenariat étonnant qui montre que même les clubs de seconde zone tentent désormais de s’exporter à l’étranger, souvent moins intéressés par le terrain que ses à-côtés. Qui n’a jamais cédé à une tournée générale de Jack Daniel’s ?
Par Maxime Renaudet