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Toulouse, recruter plus pour gagner moins

Par Arthur Stroebele
5 minutes
Toulouse, recruter plus pour gagner moins

Antoine Kombouaré est entré dans l’histoire du Téfécé : avec huit défaites de rang, le Kanak égale le record absolu de déconvenues consécutives du club en Ligue 1 qui remonte à 2005. Mais même s’il est à la rue, l’entraîneur paye surtout un recrutement estival désastreux qu’il convient d’analyser. Tant ce mercato symbolise tout ce qu’il ne faut pas faire pour se pérenniser dans l’élite.

C’est à dix minutes de la fin que les supporters toulousains ont dit « Assez ! » Assez de ce spectacle affligeant, qui leur est servi depuis plusieurs mois. Assez de représenter la risée de la Ligue 1, pourtant pas d’un niveau fou actuellement. Assez, enfin, de voir leur club mourir à petit feu sous les yeux d’une direction amorphe. Sur la pelouse, les Toulousains ne réussissaient rien face à Reims (0-1) et se dirigeaient vers une risible huitième défaite consécutive en championnat. Alors, les Indians Tolosa ont déserté le virage Brice Taton pour se diriger vers la tribune présidentielle et s’expliquer avec Olivier Sadran, présent dans les travées.

Une cohue rare, à Toulouse. Qui a entraîné des débordements parfois violents entre supporters, stadiers et vigiles. La soirée s’est conclue dans une ambiance délétère, cristallisant un peu plus la rupture – désormais irréversible – entre deux camps : ceux qui aiment le Tèf, et ceux qui le dirigent. Malgré une énième défaite au bout, la fin du match aurait-elle pu se passer différemment ? Le déroulement de la rencontre laisse à penser que oui, car tout a basculé sur une incroyable erreur individuelle de la recrue Agustín Rogel. Qui représente, à l’insu de son plein gré, à peu près l’ensemble de ce que les supporters reprochent aux dirigeants depuis des années : l’amateurisme.

Disgustín’ Rogel

Il faut remonter à la mi-juillet, pour comprendre l’arrivée de Rogel sur les bords de la Garonne. Christopher Jullien s’est engagé quelques semaines auparavant au Celtic, et Toulouse se retrouve orphelin d’un défenseur central fort physiquement. Les pistes se succèdent, et le TFC jette finalement son dévolu sur un inconnu uruguayen qui évolue en Russie au Krylia Sovetov. 1,90 m, 84 kilos et surtout 2,5 millions d’euros : déjà à cette époque, la somme paraît démesurée. Aujourd’hui, elle paraît délirante.

À l’été, les premières vidéos font état d’un joueur pataud doté d’une lenteur particulièrement handicapante et d’une agilité tout au mieux bien cachée, sinon absente. Pour le site lesviolets.com, Alain Casanova voyait alors en lui un futur « bon joueur de Ligue 1 » . Désormais, tous les doutes sont levés : après cinq matchs disputés, cet Agustín Rogel est peut-être l’un des pires défenseurs que Toulouse a connus dans son histoire moderne. Sa glissade devant Rémi Oudin ce samedi soir n’est pas qu’une maladresse, elle couronne une suite de prestations qui laissent sans voix.

Radar à flops

Bizarrement, il flotte désormais dans les travées du Stadium un air de « Tout le monde savait » . Non pas que le public toulousain soit plus malin que les autres, mais force est de constater qu’il voit passer des Agustín Rogel chaque année. Et que par réflexe, il a développé un radar à flops. Un radar qui n’avait, cependant, pas immédiatement épinglé Nicolas Isimat-Mirin. En raison de son passé en Ligue 1, d’abord. Mais aussi grâce à un palmarès prestigieux, qui le dépeint comme triple champion des Pays-Bas avec le PSV. Pourtant, nul doute que NIM est à classer dans la catégorie des ratés du dernier mercato. Sans la grave blessure de Rogel lors de la première journée de championnat à Brest, l’ancien Monégasque ne serait en réalité jamais venu. Une fois arrivé, Isimat-Mirin devait solidifier une défense friable et peu expérimentée : après quatre mois de compétition, la vérité est qu’il s’est mis au diapason des autres et ne rassure personne. Ou alors, quand il est sur le banc.

Même la recrue la plus prometteuse sur le papier, William Vainqueur, ne donne aucune satisfaction. L’ancien Marseillais est loin d’être le leader annoncé, et coule aussi vite dans l’entrejeu que ses partenaires. Que dire enfin de Wesley Saïd, achat le plus onéreux de l’histoire du club (huit millions d’euros) ? Un bras de fer avec Dijon plus tard, le résultat est famélique : deux petits buts, une passe décisive et une place de titulaire loin d’être assurée. Jean-Victor Makengo et Efthýmis Kouloúris, quant à eux, ne font même plus partie des plans d’Antoine Kombouaré bien que les deux hommes se soient montrés intéressants dans les premières semaines de compétition. Tristesse, quand tu les tiens…

Rater son intersaison, tradition violette

En définitive, si investir des sommes conséquentes n’est pas vraiment un problème au Tèf, il reste à voir sur qui on place l’argent. Et par qui, surtout. Parce que le recrutement ne semble ni suffisamment réfléchi ni anticipé, comme ce début de saison 2019-2020 le montre : il repose, par moments, sur des joueurs directement proposés au club. Comme ce fut le cas, d’ailleurs, pour les signatures de Makengo et Vainqueur. Si encore l’urgence du classement était inédite, les dirigeants toulousains auraient pu crier à la malchance. Sauf que le TFC flirte avec la deuxième division depuis une demi-décennie, et les erreurs de casting reviennent chaque été comme un mauvais feuilleton que les Toulousains aimeraient bien zapper. Au hasard : Firmin Mubele, Stéphane Mbia, Corentin Jean, Giannelli Imbula, Uroš Spajić, Aleksandar Pešić, Dragoș Grigore, Dušan Veškovac, Dominik Furman…

Une composante du club est à l’origine de ce désastre industriel : la cellule de recrutement, composée de Dominique Arribagé, Jean-Joël Perrier-Doumbé, Pantxi Sirieix et Ali Rachedi. Des hommes proches du président Sadran, qui chaque année plombent davantage l’avenir du club en Ligue 1. Au point, cette fois, de l’avoir complètement saboté. Reste à savoir qui des joueurs recrutés ou de ceux qui les ont fait signer sont les plus responsables de cette petite mort toulousaine… La réponse, s’il y a, ne changera néanmoins pas beaucoup la suite de la saison des Violets : elle semble bien partie pour ressembler à la fin d’une longue agonie, entamée il y a maintenant des années. Le fil a beaucoup été tiré, il semble désormais cassé. Saleté d’été…

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