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Toulouse : effacer le traumatisme guingampais
Toulouse a rendez-vous à Annecy en demi-finales de la Coupe de France, ce jeudi. La dernière apparition des Violets à ce niveau de la compétition remontait à 2009, déjà face à un club de Ligue 2. Et ça s’était mal passé.
En football comme ailleurs, l’histoire ne retient que les vainqueurs. Si l’on part du principe que cet adage est avéré, on peut supposer que remporter des titres est d’autant plus important pour les équipes dont le palmarès est pratiquement vierge. Une description qui colle plutôt bien à la peau du Toulouse FC. Le club de la Ville rose a beau s’être offert un joli lifting depuis son rachat par le fonds d’investissement américain Red Bird Capital Partners, à l’été 2020, le Stadium a beau être désormais bien plus garni et bruyant qu’au cours des années 2010, ses dirigeants savent pertinemment que la meilleure façon de marquer durablement l’imaginaire collectif serait de soulever un trophée. Cela tombe bien, les Violets ne sont plus qu’à une marche du Stade de France. Ce jeudi (20h45), ils affrontent Annecy, pensionnaire de Ligue 2, en demi-finales de la Coupe de France. La dernière fois que le TFC s’était aventuré aussi loin dans la compétition, c’était en 2009. Parallèle amusant, son adversaire dans le dernier carré était déjà une formation de l’échelon inférieur, en l’occurrence Guingamp. Quatorze ans plus tard, ce match est toujours associé, chez ceux qui l’ont vécu, à un souvenir indélébile : celui d’un traumatisme.
« Je pense qu’on se voyait déjà en finale »
Retour en arrière. Le mercredi 22 avril 2009, l’île du Ramier est en ébullition au moment où Toulousains et Guingampais font leur apparition sur la pelouse. Chez les supporters haut-garonnais, l’optimisme est de mise. À vrai dire, on le serait à moins. Bâtie sur une défense de fer, portée par le talent brut de Moussa Sissoko ou d’Étienne Capoue et emmenée par son serial buteur André-Pierre Gignac, leur équipe regarde les cadors de la Ligue 1 dans le blanc des yeux, livrant une bataille farouche pour les places européennes. Quelques semaines plus tôt, la troupe d’Alain Casanova a plié le futur champion de France bordelais (3-0), avant d’éparpiller le PSG (4-1). Elle endosse donc logiquement le costume de favori pour rejoindre Rennes – vainqueur à Grenoble la veille (0-1) – en finale. En tout cas, on imagine très mal cette machine redoutable dérailler face à l’En Avant, qui stagne dans le ventre mou de la Ligue 2. « Tous les voyants étaient au vert, se remémore Pantxi Sirieix, titulaire dans le onze du Téfécé. On avait la chance de recevoir, c’était encore plus à notre portée. Tout était fait pour qu’on aille en finale. » Le stade affiche complet, la soirée promet d’être inoubliable. Elle vire au cauchemar. Méconnaissables, les coéquipiers d’Étienne Didot sont logiquement menés à la pause (but d’Eduardo) par des Costarmoricains décomplexés. L’EAG se retrouve cependant réduit à dix en début de seconde période, Gignac égalise à un quart d’heure du terme et l’on se dit alors que le match est en train de basculer. Jusqu’au coup de poignard de la 90e minute : tout juste entré en jeu, Badara Sène dévie de la poitrine la trajectoire d’un coup franc botté par son coéquipier Wilson Oruma. Le ballon ricoche sur la base du poteau et termine au fond des filets de Cédric Carrasso. Toulouse est crucifié (1-2), le Stadium est frigorifié.
Au moment de chercher des explications à un tel raté, la piste la plus plausible consiste à suggérer que les Violets auraient sous-estimé leurs adversaires. « On ne les a pas pris de haut, rétorque immédiatement Sirieix. La plupart des gens ont pensé qu’on avait galvaudé ce match, mais très franchement, pas du tout. » L’ancien milieu préfère souligner que Guingamp « s’est sublimé. Ils nous avaient rendus fous. Dans le lot, il y en a sans doute eu deux ou trois qui ont fait le match de leur vie. » Thierry Uvenard, lui, émet une autre hypothèse. « Cette demie, on l’avait peut-être déjà gagnée dans nos têtes avant de la jouer, suggère le fidèle adjoint d’Alain Casanova. Je pense qu’on se voyait déjà en finale. Pendant les semaines précédentes, le club commençait déjà à préparer le déplacement à Paris pour les supporters, pour les femmes des joueurs… Même si c’est normal d’anticiper un déplacement comme celui-là, c’était revenu aux oreilles du staff et, sans doute aussi, des joueurs. Inconsciemment, ça a dû jouer sur leurs performances. » Et le technicien de 59 ans de forcer le trait : « Le car était déjà prêt, le chauffeur était au volant et il n’attendait plus qu’une chose, c’était de partir pour Paris. Après coup, on se dit qu’il aurait mieux valu éviter de mettre ça dans la tête des joueurs. »
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Cicatrice, regrets éternels et virage manqué
Après la demie, Sirieix ne rentre pas chez lui, où l’attendent pourtant plusieurs de ses proches. Il loue une chambre dans un « boui-boui vers Labège », dans la périphérie toulousaine, et y passe la nuit à tourner en rond. « Je ne voulais pas aller directement chez moi, parce que j’aurais tout explosé. Je ne voulais voir personne », se souvient l’emblématique numéro 14 toulousain, qui reconnaît que cette défaite cruelle est la « seule cicatrice » de sa carrière. Un traumatisme visiblement partagé. Désormais entraîneur des féminines de Thonon-Évian GG, Thierry Uvenard a justement eu l’occasion d’aborder une autre demi-finale de Coupe de France mi-mars, face au PSG (1-0). Avant la rencontre, il a lu à ses joueuses un message signé Bryan Bergougnoux, coach de la section masculine et qui portait le maillot violet en 2009. « Bryan a parlé du match contre Guingamp. Il avait écrit : “C’est l’un des plus grands regrets de ma carrière, alors je vous en supplie, que vous passiez ou pas, faites surtout en sorte de n’avoir aucun regret à la fin de la bataille.” Il y pense encore. Je sais que cette demie a marqué les supporters toulousains, mais elle a aussi beaucoup marqué les joueurs », insiste l’ancien Havrais.
Un mois plus tard, le Téf’ boucle la saison de championnat à la quatrième place du classement, devant Lille et le PSG. Le bilan comptable est exceptionnel pour un club qui, un an plus tôt, a lutté jusqu’au bout pour son maintien : 64 points, seulement six défaites, le meilleur buteur (Gignac, 24 réalisations) et la meilleure défense (27 buts concédés) de l’exercice… Néanmoins, la tache laissée par l’échec guingampais est trop grande pour passer inaperçue. Elle rappelle que ce soir d’avril 2009, le Toulouse FC a sans doute raté un virage important dans son histoire récente. Parce qu’il avait une opportunité en or d’aller en finale et, peut-être, de remporter sa deuxième Coupe de France, après celle de… 1957. « Dans toute mon histoire avec le TFC, il ne me manque que ça, regrette Sirieix, qui a décroché le trophée avec Auxerre en 2003. On a vécu de belles saisons en championnat, on a même connu des campagnes européennes. Mais c’était vraiment le moment de marquer l’histoire du club, et on est passés à côté. » Par la suite, les Haut-Garonnais ont échoué à deux reprises en demie de Coupe de la Ligue, en 2010 et 2016, ratant encore l’occasion d’emmener le peuple toulousain au Stade de France. Mais c’était respectivement face à l’OM de Didier Deschamps (1-2 AP) et contre le Paris tout-puissant de QSI (2-0), ce qui remet beaucoup de choses en perspective. Une autre chance se présente donc ce jeudi. Attention, cette fois, à ne pas la laisser filer.
Par Raphaël Brosse
Tous propos recueillis par RB.