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Toulouse et le mystère de la coupe perdue
Mais où est donc passé l'unique trophée du Toulouse FC : la Coupe de France 1957 ? Volée, égarée, jetée par mégarde ? Une semaine avant de partir à la conquête d'une nouvelle ligne sur le palmarès, enquête dans la Ville rose.
Il convient tout d’abord d’éclaircir un doute, celui qui entoure le palmarès du club toulousain. Contrairement à une rengaine médiatique récurrente depuis le retour du club en Ligue 1, et comme l’affirmaient les Indians Tolosa le 20 mars dernier pour les 86 ans du club : « Il n’y a qu’un seul TFC » et son histoire commence en 1937. La parenthèse de la fusion avec le Red Star à la fin des 1960, puis l’épopée de l’Union sportive toulousaine dans la foulée, avant de revenir au TFC actuel ne constituent que des péripéties dans l’histoire du club. Dans la mémoire collective toulousaine, le seul fait de gloire remonte donc à cette illustre victoire en Coupe de France le 26 mai 1957 contre Angers (6-3).
Combien de petits Toulousains ont écouté leur père, grand-père ou grand-oncle raconter cet après-midi ensoleillé à Colombes, l’enchaînement de buts toulousains sous les yeux du président René Coty et, enfin, le graal : le capitaine René Pleimelding soulevant la « Vieille Dame » ! Une finale historique pour les Toulousains, mais pas que pour eux. Elle fut également la plus prolifique de l’histoire de la compétition avec 9 buts, qui plus est arbitrée pour la première fois par un arbitre étranger, un Anglais, Mr. Clough. Elle marqua aussi l’histoire du PAF en étant la première à être télévisée par l’ORTF. Si l’on rajoute à tous ces éléments le meurtre à la mi-temps de ce match (Ali Chekkal, ancien vice-président de l’Assemblée algérienne et partisan d’une troisième voie dans le conflit entre le France et l’Algérie est assassiné par un membre du FLN par arme à feu), cela fait beaucoup d’événements autour de cette victoire toulousaine. Mais pendant longtemps, de cette victoire, seule et unique ligne au palmarès du club au plus haut niveau professionnel, le club n’a gardé aucune trace physique : à Toulouse, la Coupe de France a disparu rapidement.
Coupe d’invisibilité
Pour remettre la main, non pas sur le trophée, mais sur son itinéraire depuis le stade Yves-du-Manoir de Colombes jusqu’aux bords de Garonne, deux hommes sont incontournables. Le premier est le dernier survivant de cette équipe de 1957 : le gardien de l’époque, Guy Roussel, recordman du nombre de matchs joués avec le TFC en première division (plus de 300 entre 1955 et 1964). Contrairement au club, lui a gardé précieusement sa petite réplique de la Coupe de France dans son salon. Depuis chez lui, le dernier survivant de cette épopée prend le temps de prendre une chaise pour s’asseoir et se remémorer ce qui reste comme son fait de gloire sportif : « J’étais très jeune quand on a gagné la Coupe (21 ans lors de la finale), mais ça reste le sommet de ma carrière. Nous sommes restés sur Paris, car quelques jours plus tard, on devait jouer contre le vainqueur de la Cup anglaise, Aston Villa. Une rencontre internationale de prestige et à la surprise générale, on gagne 2 buts à 1 ! C’était les prémices de la coupe d’Europe. »
Toulouse Football Club – SCO Angers. Finale de la Coupe de France – 1957 Le gardien du @ToulouseFC : Guy Roussel pic.twitter.com/tGhPq51lpS
— Tolosa Old School (@OldTolosaFC) September 12, 2016
Les Toulousains ne reviennent à la gare Matabiau qu’une semaine plus tard et dans un relatif anonymat. Si bien que dans La Dépêche du Midi, il n’y a eu qu’un seul encart pour conter cette victoire. « À l’époque, le rugby était le sport roi, mais nous, on avait quand même gagné la Coupe de France, ce n’était pas rien ! Ça me gêne un peu de dire ça, mais on a un peu été ignorés quand même… Il a même fallu que quelqu’un du club insiste auprès de la mairie pour qu’on soit reçus au Capitole. Aujourd’hui, ce serait impensable », enchaîne le goal à la moustache caractéristique. Et ce trophée, alors ? Pour le toujours vif gardien de 87 ans, « la coupe est bien arrivée au siège du club, pas de doute là-dessus ». « À l’époque, on n’accordait pas autant de valeur aux trophées que maintenant, je crois, continue-t-il. J’ai passé 15 ans au club (9 comme joueur et 6 comme entraîneur-adjoint de Cahuzac et Jeandupeux au début des années 1980, NDLR), c’était chez moi, et c’est vrai que cette coupe, je ne l’ai jamais revue dans les locaux du club. C’est bien dommage d’ailleurs… »
« Comme s’il manquait un élément clé de notre histoire »
Beaucoup d’anciens de cette époque du club ne sont plus de ce monde et ne peuvent donc percer le mystère de sa disparition. Mais aujourd’hui, un seul homme peut encore remonter le fil de cette histoire : Didier Pitorre. Bénévole au club, Didier, c’est un peu la mémoire du TFC, l’historien « officiel » du club. Passionné et collectionneur de père en fils, il possède d’ailleurs le maillot rouge et blanc du TFC de 1957, une pièce rare de sa grande collection autour du club. Selon lui, « beaucoup de Toulousains ont pu voir cette Coupe dans les années suivantes, non pas au siège du club, mais derrière les arcades du Capitole, dans la vitrine du magasin de cartouches de chasse Tunet, un partenaire du club à l’époque ». Mais après cette période d’exposition au grand public, on perd rapidement sa trace dans les années suivantes : « Est-elle revenue au club ? Quelqu’un l’a-t-il dérobée ? Un membre du club l’a-t-il récupérée ? Perdue au milieu d’un carton lors d’un changement de siège du club ? Le mystère reste total, et cela a nourri pas mal de fantasmes à Toulouse. C’est comme s’il manquait un élément clé de notre histoire. Moi aussi, j’ai essayé de faire des recherches sur cette Coupe et de contacter des anciens du club, des membres des familles des anciens présidents… Mais rien n’est ressorti de tout ça. »
Alors, pour les 80 ans du club en 2017, soixante tours du soleil après ce fameux titre, et pour accompagner l’exposition chaperonnée par Didier autour de maillots du club, le TFC a demandé au comité de la Coupe de France, présidé par Jean Djorkaeff, une nouvelle réplique de ce trophée. Et c’est donc celui-là que l’on retrouve aujourd’hui dans le bureau du président Comolli. Si le trophée de 1957 semble donc bel et bien perdu à Toulouse, il ne l’est peut-être pas pour tout le monde. Le plus simple serait sans doute pour le Téf’ de ramener 66 ans après une nouvelle Coupe de France au Capitole : celle qui lui tend les bras ce 29 avril 2023 à Saint-Denis. Une « Vieille Dame » que les supporters violets attendent depuis bien trop longtemps maintenant. Pour enfin (re)garnir l’armoire à trophées toulousaine, avec une « vraie » coupe cette fois-ci.
Par Benjamin Laguerre, à Toulouse
Tous propos recueillis par BL.