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Touchée, la Masia serait-elle en train de couler ?
Vitrine internationale du barcelonismo, le centre de formation du FCB ne sait plus sur quel pied danser. L'interdiction de recrutement, partie visible de l'iceberg, est loin d'être la pire conséquence des peines infligées par la FIFA au FCB : car oui, sa Masia se meurt à petit feu.
À peine une minute après son entrée sur la pelouse du stade olympique de Rome, Rafinha se tord de douleur. Fauché par le sécateur Radja Nainggolan, il prend illico la direction de l’infirmerie. Un jour plus tard, le diagnostic est implacable : une absence d’au minimum six mois pour un ligament croisé en compote. Une mauvaise nouvelle qui prend des proportions démesurées du côté de la cité de Gaudi. Plus que la perte d’un enfant de la Masia, le Barça estime ne pas être soumis aux mêmes règlements que ses concurrents. Dans un tel cas de figure, tout club espagnol peut actionner l’article 124.3 de la RFEF. « Cet article de la Fédération permet, sous certaines conditions exceptionnelles, dont les graves blessures, d’inscrire un joueur qui ne fait pas partie du cadre des transferts internationaux parce qu’il ne s’applique qu’en Espagne. La FIFA ne peut rien faire » , jure Toni Freixa, candidat malheureux aux dernières présidentielles blaugrana. La direction du FCB, moins optimiste, se prépare elle à recruter en janvier, sitôt l’interdiction terminée, et à piocher dans son centre de formation. Une Masia toujours dans de sales draps.
« On ne touche pas à la Masia »
Symbole de la suprématie blaugrana, la Masia n’est autre qu’une ancienne résidence de paysans. Un édifice construit en 1702 qui a traversé les mutations de la mégalopole barcelonaise sans sourciller. Le Camp Nou construit à ses côtés, elle devient même pendant un temps le centre névralgique du FC Barcelone. Ce n’est qu’en 1979, après des travaux de remise aux normes, qu’elle héberge les jeunes pousses culés et gagne ses galons. Vingt-deux ans plus tard, et pour cause de modernisation du club, la Masia déménage au sein de la flambant neuve Ciutat Esportiva de Sant Joan Despi. Autant de détails historiques qui la classent au premier rang du patrimoine barcelonais. Un patrimoine qui est complété par les nombreuses pépites qu’elle a fait germer. Xavi Hernández, Andrés Iniesta, Carles Puyol, Leo Messi ou encore Cesc Fàbregas ont tous été bercés par les diktats prêchés au sein de la Masia. Lorsque, le 2 avril 2014, la FIFA rend effective ses sanctions à l’encontre du FCB pour un recrutement illégal de dix mineurs entre 2009 et 2013, le ciel tombe sur la tête de sa direction. Et les soucis commencent à s’entasser devant la porte de sa cantera.
Partie visible de l’iceberg, l’interdiction de recrutement est contournée par l’appel de la sanction. Contraint au rôle de spectateur lors des périodes hivernale et estivale du mercato de 2015, le Barça sort plus d’une centaine de millions d’euros à l’été 2014. Son attractivité reste telle qu’Arda Turan et Aleix Vidal n’hésitent pas à se mettre six mois en retrait avant de s’étrenner en tant que Blaugrana. Des transferts toujours aussi onéreux qui, selon un pan de la nébuleuse du Camp Nou, tendent à enlever son protagonisme à la Masia. Plus joueurs d’appoint que réelles options, les canteranos ne bénéficient plus de la même importance. Une thèse que réfute Xavi dans les colonnes de Marca : « La Masia ne peut pas toujours sortir des générations comme celles que nous venons de connaître. Le Barça est un club formateur, mais également de vainqueurs. La limite entre les deux est poreuse. » Poreuse, tout comme l’est la position affichée par la direction barcelonaise. En conflit ouvert avec la FIFA, elle décide d’afficher en mondovision son mécontentement avec un tifo géant : « On ne touche pas à la Masia. »
La fin annoncée des « nouveaux » Leo Messi
Cette prise de position de la direction de Josep Bartomeu étonne autant qu’elle dérange. Car, selon El Pais, de nombreux dirigeants reconnaissent les torts du club dans l’imbroglio qui l’oppose à la Fédération internationale. Les règlements n’ont pas été respectés et le club doit payer, soit. Un autre problème est le traitement que réserve cette sanction aux mineurs en question. Depuis avril 2014, les joueurs mineurs en question n’ont plus le droit de s’entraîner ni de vivre avec leurs compagnons de cantera. Une situation qui a poussé le Hollandais Adenkanye, le Japonais Kubo, les Français Ruiz et Chendry, l’Américain Lederman ainsi que les Coréens Paik, Jang et Lee à rentrer dans leur pays respectif. D’autres, comme le Camerounais Patrice, ne souhaitent ou ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine. Le père du jeune Américain, dans les colonnes du New York Times, s’interroge sur le bien fondé « d’une règle qui a été faite pour protéger les enfants » : « Mais si, comme nous l’avons décidé, nous souhaitons venir vivre à Barcelone pour notre fils, pourquoi nous le refuser ? » Une question à laquelle la FIFA n’a toujours pas répondu et qui pourrait coûter sa peau à la Masia.
Par Robin Delorme, à Madrid