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Tottenham – Arsenal, à l’ombre de la haine
Ce n'est pas seulement le troisième qui reçoit le cinquième aujourd'hui, à White Hart Lane. C'est avant tout une histoire de suprématie londonienne entre Tottenham et Arsenal. Au cœur du derby le plus chaud d'Angleterre. Ou comment deux clubs peuvent se détester depuis plus de 90 ans.
Décidément, les Anglais ne font jamais rien au hasard. En début de semaine, les U21 de Tottenham se sont payé le scalp de leurs homologues d’Arsenal 4 buts à 2. La magie du calendrier fait que, cet après-midi à 17 heures, les deux grands frères se retrouvent pour en découdre dans ce qu’on appelle le North London Derby. Sans conteste le match le plus chaud du pays. Les deux clubs, mais surtout les fans, se vouent une haine tenace. Réelle. Emmanuel Adebayor peut en témoigner, lui, l’ancien Gunner, qui a souvent droit à des chants teintés d’amour de la part de ses anciens supporters : « Adebayor, Adebayor. Your Dad washes Elephants, and your Mother’s a W**re » ou le fameux « It should have been you, it should have been you, killed in Angola, it should have been you. » Bienvenue aux pays des Bisounours.
Malheureusement pour Adebayor, il n’a fait que prendre le train de la haine en pleine gueule. Après tout, les géniteurs du Togolais n’y sont pour rien dans cet océan de vulgarités. Les coupables sont probablement morts puisqu’il faut remonter à 1913 pour mettre à jour la génèse de cette rivalité. Avant la Grande Guerre, Arsenal ne joue pas encore à Highbury. Et lors du déménagement des Gunners – à quelques kilomètres de l’antre des Spurs, White Hart Lane – les deux camps se crispent. Trop proches pour s’aimer. Une fois les obus solidement installés dans les gueules cassées de tout le continent, le championnat d’Angleterre reprend ses droits. Mais en 1919, les instances du football décident de faire passer la première division de 20 à 22 clubs. Ils faut donc repêcher deux clubs en plus des deux promus Preston et Derby. Chelsea, 19e, sauve sa peau. Pas Tottenham, classé 20e. Dans le même temps, Arsenal, pourtant seulement 5e de deuxième division, réussit l’exploit d’être promu. Une promotion canapé qui porte la marque de Henry Norris, le président de l’époque des Gunners. Un mec qui avait le bras long. Depuis ce jour, les Spurs ont la rage.
Et les fans d’Arsenal inventent le Saint Totterigham’s day…
Pendant des décennies, les fans de Tottenham pouvaient au moins se consoler avec leur football léché et sexy matérialisé par Hoddle ou Gasgoigne. Pendant ce temps-là, les voisins d’Arsenal envoyait de l’ennui avec un jeu insalubre et puant la transpiration. Malheureusement pour Tottenham, les trophées ne sont pas au rendez-vous. Et la roue va définitivement tourner au début des années 90. Alors que les Spurs vont tutoyer la relégation pendant plusieurs saisons, les Gunners arrachent des titres avec George Graham, puis avec Arsène Wenger, tout en devenant la coqueluche du pays avec un jeu cosmopolite et chatoyant. Clairement, les deux clubs n’ont quasiment jamais été au top en même temps.
Entre les deux boards, c’est la guerre, et la haine est tenace et omniprésente. Ils sont d’ailleurs très peu à avoir joué un derby dans les deux camps : Laurie Brown, Sol Campbell – surnommé « Judas » par les fans des Spurs -, David Jenkins, Pat Jennins, Willie Young, William Gallas, Jimmy Robertson et Emmanuel Adebayor. À noter que les deux derniers sont les seuls à avoir marqué au moins un but pour chaque équipe dans le derby. Niveau rivalité, on est largement au-dessus d’un City-United ou d’un Liverpool-United. Tout le monde se hait et ne le cache pas. D’autant que sportivement, les Gunners sont largement devant dans les confrontations directes (64 victoires en championnat, 43 nuls et 48 défaites). Pour bien montrer cette supériorité, les Gooners ont inventé un concept : le Saint Totterigham’s day. Ce jouet a vu le jour au début des années 90 et valide le jour où les joueurs d’Arsenal sont assurés mathématiquement de finir devant leurs ennemis jurés. En 2007, le concept était même inscrit par le club sur le programme officiel du match Arsenal – Aston Villa.
Et pour les fans des deux camps, personne n’a oublié le millésime 2004. Arsenal, invaincu en championnat, décroche un match nul sur la pelouse des Spurs le 25 avril. Un point qui leur assure le titre de champion. Forcément, les fans et l’escouade d’Arsène Wenger se font plaisir sur la pelouse de White Hart Lane. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’Arsenal valide son titre de champion d’Angleterre chez son meilleur ennemi. Ce fût déjà le cas en 1971. Une autre époque puisqu’aujourd’hui, c’est Tottenham le mieux classé. La dernière fois que Tottenham a terminé une saison devant Arsenal au classement, c’était il y a 17 ans. C’était dans une autre vie. Arsène Wenger n’était même pas dans le game…
Par Mathieu Faure