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- 36e journée
- Celta Vigo/FC Séville
Toto Berizzo, meilleur élève de Bielsa
Plutôt connu pour son jeu tout en physique et en hargne, Eduardo Berizzo s'impose comme un entraîneur tout en finesse. Arrivé cet été en Galice, il poursuit la mue d'un Celta de Vigo plus joueur que tueur. Normal, Toto se veut le meilleur élève de Marcelo Bielsa.
« Avant, on ne touchait pas autant le ballon et quand on faisait trop de passes, le Balaídos ne l’acceptait pas. Un entraîneur argentin était arrivé en 1972, Pedro Dellacha, et il voulait que nous jouions depuis derrière. Les gens ne le comprenaient pas et s’ennuyaient. » Manolo Rodríguez Alfonso est un témoin privilégié de la mue du Celta de Vigo. Capitaine avec le plus de matchs dans l’histoire du club galicien, il ne se cache pas à l’heure d’évoquer « une claire évolution dans le jeu » . Un temps sous la houlette de Luis Enrique, parti vers des cieux méditerranéens à l’été, les Celticos s’imposent peu à peu comme une place forte d’un football ultra-offensif et tout en toucher de Liga. Quoi de plus normal, puisqu’en juin, la direction a décidé de s’attacher les services d’Eduardo Berizzo. Un temps joueur de l’Olympique de Marseille, cet ancien central, plus rugueux que joga bonito, a su poursuivre le changement en profondeur du locataire du Balaídos. « Bielsa m’a montré que les choses se construisent grâce au travail, la préoccupation d’être toujours meilleur, d’être perfectionniste » , évoque celui qui se veut comme le meilleur élève du Loco.
« À O’Higgins, j’ai une liberté totale »
La première rencontre entre Marcelo Bielsa et Eduardo Berizzo remonte à 1980. Alors à la tête des moins de 14 ans des Newell’s Old Boys, l’actuel coach de l’OM répond positivement à l’invitation de la commune de Casilda pour son tournoi annuel. Face à ses minots, il rencontre l’équipe de Newberton : Toto Berizzo, qui y milite, tape dans l’œil du Loco qui le ramène illico à Rosario. Lancé dans le grand bain en 1988 par ce même Marcelo, Berizzo se distingue par son jeu tout en hargne et en testostérone. Surtout, il reste à l’écoute de son gourou et ne coupe jamais le contact avec celui qu’il considère comme « un modèle » . Après une carrière de joueur qui l’a mené de Marseille jusqu’au Celta en passant par River Plate, Eduardo raccroche les crampons en 2006 après une dernière expérience à Cadix. Pas même le temps de jouir de cette retraite des prés qu’il accepte l’offre du sélectionneur national du Chili du moment, Marcelo Bielsa. De 2007 à 2010, il en devient son assistant : « Bielsa m’a enseigné que rien n’est appris, que tout est encore à découvrir. Il a été comme un guide, quelqu’un qui m’a éduqué et m’a appris à diriger. »
Fort de son passage sur le banc de la Roja sud-américaine, Eduardo Berizzo prend, six mois après la Coupe du monde sud-africaine, les rênes de l’Estudiantes de La Plata. Quatre mois et une série de mauvais résultats plus tard, il est remercié par le club argentin et rebondit dans le modeste fanion chilien d’O’Higgins. La faute à quelques tracas administratifs et un imbroglio quant à son diplôme d’entraîneur, il en prend officiellement les commandes en avril 2012 – alors qu’il y débarque en novembre 2011. Ses débuts sont tonitruants : finaliste du tournoi d’ouverture dès son premier exercice, soit le plus beau parcours de l’histoire du club, il le remporte dès 2013. Une réussite qu’il explique par « une liberté totale » : « O’Higgins est une équipe qui me permet de m’enthousiasmer. Tous les jours, nous trouvons de meilleures idées qui nous rendent meilleurs. Avoir cette liberté est très importante pour un entraîneur ou plus largement pour quelqu’un à l’intérieur d’une organisation. » Ces succès, accompagnés d’un jeu enivrant, lui octroient le respect et l’admiration des fans et même des pouvoirs locaux qui le distinguent par leur version de la légion d’honneur.
« Avec Bielsa, on parle de tout, mais pas de foot »
Après une Supercoupe remportée en 2014, il émoustille les plus grands clubs chiliens – l’Universidad Catolica et l’Universidad de Chile, donc. Malgré ces sollicitations, il fait le grand saut européen et s’engage avec son ancien club galicien. Joueur celtiña de 2001 à 2005, il en devient l’entraîneur suite au départ de Luis Enrique pour le Barça. « Le club a fait un pas en avant, diagnostique-t-il dès la pré-saison. Il s’est organisé autour de son centre de formation, ce qui n’était pas le cas avant. Je crois qu’aujourd’hui le Celta est un meilleur club qu’il y a dix ans. J’aime imaginer que cela va bien se passer. » Des paroles aux actes, ses poulains enquiquinent tous les gros de la Liga et s’imposent comme un prétendant à la C3. Mieux, ils reçoivent les félicitations d’Ancelotti et de Simeone. Quant à Marcelo Bielsa, Berizzo « parle toujours beaucoup avec lui, mais pas de foot » : « Si on parlait toujours de la même chose, on se fatiguerait. Il y a des joueurs qui ne parlent de football. Quand je lis les journaux, je ne m’arrête pas aux pages sport : je lis toutes les sections. » Peut-être est-il tombé sur les rumeurs qui l’annoncent en successeur du Loco sur la Canebière.
Par Robin Delorme, en Espagne