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Torino : maintenant ou jamais ?
Cet après-midi, le Torino rend visite à son voisin turinois au Juventus Stadium. Voilà 19 années que le Toro n’a plus battu son grand rival. Oui, mais cette année, la formation granata est en pleine bourre. Et si c’était, enfin, l’occasion de stopper cet infini tabou ?
« Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître » , récitait Aznavour. Jamais ces paroles n’ont été aussi vraies pour une rivalité footballistique. Car les moins de vingt ans n’ont effectivement pas connu une chose : une victoire du Torino lors du derby turinois. La dernière date du 9 avril 1995. Depuis, les deux rivaux se sont affrontés à 15 reprises en Serie A, pour un bilan de 11 victoires de la Juve et 4 matchs nuls. Pire, le dernier but inscrit par le Toro lors du derby della Molle a été inscrit il y a plus de dix ans : il est l’œuvre de l’ami Benoît Cauet, le 24 février 2002, il y a douze ans pratiquement jour pour jour. Oui, on peut parler d’un tabou, d’un vrai. Il faut dire que lors des deux dernières décennies, le Torino n’a pas franchement eu les armes pour aller lutter avec son « encombrant voisin » . Pendant que la Vieille Dame luttait chaque année pour le Scudetto, le Toro, de son côté, tentait tant bien que mal de ne pas descendre en Serie B. Les Granata y ont finalement chuté au terme de la saison 2009-10, pour ne revenir que l’année dernière. Mais cette année, enfin, les choses changent. Le Torino est redevenu une réalité de ce championnat d’Italie. Les joueurs de Ventura sont septièmes, à égalité avec Parme, sixième, et donc virtuellement européen, puisque la sixième place donnera accès au tour préliminaire de l’Europa League. Or, pour retrouver un Toro en Coupe d’Europe, il faut remonter à la saison 1993-94, et une participation à la Coupe des coupes. Un temps que les moins de vingt ans…
Des victoires et une remontée
Mais cette année, c’est le changement. Enfin. Le Toro a décidé de se prendre par les cornes et de prouver qu’il n’était pas seulement un joli souvenir qui remontait aux années 40. Le recrutement pendant l’été a donc été malin, et les dirigeants ne se sont pas trompés en recrutant quelques joueurs d’expérience comme Farnerud, Bovo et Moretti, et des jeunes plein d’envie à l’image d’El Kaddouri et, surtout, Ciro Immobile. Un petit budget : seulement 10,8 millions d’euros dépensés, mais des sous bien investis. Le début de championnat n’est pourtant pas très encourageant : au soir de la douzième journée, le Torino pointe à la 14e place, à seulement trois points de la zone de relégation, et n’a engrangé que deux petites victoires en championnat. L’équipe est tenue en vie par Alessio Cerci, qui marque but sur but et permet à ses coéquipiers de rester hors des zones dangereuses. Mais le 24 novembre, c’est le tournant. Le Torino s’impose 4-1 à domicile contre Catane, avec une prestation collective très aboutie, et lance véritablement sa saison.
Dans les semaines qui suivent, les Turinois battent coup sur coup la Lazio, l’Udinese, le Chievo, Sassuolo et l’Atalanta. Des succès qui lui permettent de se rapprocher discrètement des places européennes, sans que personne n’y prête vraiment attention. La semaine dernière, l’équipe de Giampiero Ventura se déplace sur la pelouse du Hellas Vérone, pelouse hostile pour toute formation de Serie A. Elle va alors prouver qu’elle est arrivée à maturité, en s’imposant largement 3-1. Une victoire qui lui permet de revenir à hauteur de sa victime du jour, à égalité avec Parme, sixième, et à seulement trois longueurs de l’Inter, cinquième. Oui, ce Torino-là, loin des millions des grandes écuries italiennes, est en train de venir titiller les gros, se permettant même de distancer des équipes comme la Lazio ou le Milan AC au classement. Et si, il y a quelques semaines, personne ne le prenait au sérieux, désormais, tout le monde se méfie de cet adversaire. À commencer par la Juve.
Glik, l’homme qui voit rouge
Mais alors, quelles sont donc les forces de cette équipe turinoise que, finalement, bien peu de monde connaît ? Déjà, son duo d’attaquants. La paire Cerci-Immobile fait des merveilles depuis le début de la saison. Cerci a commencé très fort, puis a légèrement calé, et c’est désormais Immobile qui fait le job et qui empile les pions. Le joueur formé à la Juve en est désormais à 13, soit un de moins que Pepito Rossi, actuel meilleur buteur de Serie A. Pour celui qui peinait à confirmer après une énorme saison en Serie B à Pescara (28 buts en 2011-12 sous les ordres de Zeman, et aux côtés d’Insigne et Verratti), on peut parler là d’une véritable explosion. Ses statistiques sur les dernières semaines sont d’ailleurs ronaldesques : huit buts lors des huit dernières journées, et buteur lors de sept de ces huit matchs (il n’a pas planté seulement lors du Torino-Atalanta remporté 1-0 par les siens sur un but de… Cerci). La Juve a donc toutes les raisons de se méfier de lui, d’autant que la défense turinoise n’affiche pas une sérénité à toute épreuve depuis quelques semaines (cf les matchs face à la Lazio et au Hellas Vérone).
L’un des autres joueurs en forme, c’est Omar El Kaddouri. Le Marocain avait été découvert à Brescia avant d’être acheté par le Napoli. Là-bas, il n’a pas réussi à se faire une place, et a donc été cédé au Torino, où il est en train de confirmer tout le bien que l’on pensait de lui. Autour de ce trio, on retrouve des vieux briscards comme Kamil Glik, l’un des piliers de cette formation. Le Polonais va tout de même devoir faire attention à ses nerfs. L’an dernier, il a réussi l’exploit d’être expulsé lors des deux derbys turinois, à l’aller et au retour. Costaud. Bref, ce Torino a cette année les armes pour venir emmerder la grande Juve. Une Juve qui n’a pas franchement le droit à l’erreur après la victoire de la Roma, hier soir, face à Bologne. Tous les ingrédients sont réunis pour un gros derby della Molle. Comme pour chaque rendez-vous de ce genre en Italie, on a envie de dire : « Messieurs, régalez-nous. » Et d’ajouter : « Ciro, Alessio, à vous d’écrire l’histoire. »
Eric Maggiori