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Top 8 : surprises en barrages
À l'issue des quatre barrages européens pour le Mondial au Brésil, on pourrait assister à l'impensable : la première phase finale d'une grande compétition pour l'Islande, en cas de performance contre la Croatie. Un truc qui surprendrait au moins autant que les huit surprises de l'histoire relevées à pareil stade de la compétition.
Coupe du monde 1974 : le Zaïre
4, un chiffre synonyme de libération pour le peuple d’Afrique noire. En matière d’esclavage d’abord, puisqu’il a fallu attendre quatre putain de siècles pour voir le commerce triangulaire cesser. Et en matière de ballon rond ensuite, puisque toute la population d’Afrique subsaharienne aura patienté 44 ans entre le premier mondial uruguayen de 1930 et celui de 1974 pour voir un de ses représentants invité parmi les géants, en l’occurrence le Zaïre. La politique de Mobutu, qui voyait la faiblesse de son équipe nationale comme un affront personnel, de rapatriement des exilés repartis chez les anciens colons belges a donc payé. Le tout en battant en barrage, avant un tour final décisif contre la Zambie et le Maroc expédié, le Ghana, double finaliste de la CAN en 1968 et 1970 comptant dans ses rangs le Ballon d’or africain de 1971 passé par le Werder de Brême, Ibrahim Sunday. Les Ghanéens l’emportent sur la plus petite des marges à l’aller. Mais au retour, comme pour le match de boxe Ali – Foreman, l’affaire tourne au « Rumble in the jungle » et les Black Stars explosent en plein vol face aux Leopards (4-1). Avant que ceux-ci ne se délitent à leur tour une fois en RFA, contre l’Écosse (0-2), la Yougoslavie (0-9) et le Brésil (0-3).
Coupe du monde 1974 : le Chili
Même temps, autre style de qualification. Si l’obtention du ticket chilien pour la phase finale 1974 n’est pas en soi un énorme coup de tonnerre de par le vécu de la Roja, troisième en 1962, elle l’est par la forme. Pour aller en Allemagne, le Chili doit outrepasser un bel obstacle lors du barrage de novembre 1973 : l’URSS d’Oleg Blokhine. Et c’est dans un contexte sulfureux de guerre froide et de tout frais coup d’État à Santiago, qui a vu Augusto Pinochet installé par les Américains pour renverser Allende le socialiste, que se profile cette rencontre. La première manche se déroule sans encombre à Moscou, avec un score nul et vierge à la clé. Mais au retour a lieu une scène irréaliste, avec les seuls Chiliens présents sur la pelouse de l’Estadio Nacional et victorieux 1-0 devant 40 000 personnes, un trio arbitral, mais aucun adversaire, donc. Pourquoi ? Les Soviétiques ne veulent pas voir leurs footballeurs aller jouer dans un stade où sont torturés et exécutés des milliers d’opposants politiques par le nouveau régime en place. Même le fantôme de Lev Yashine a été interdit de séjour. Ou comment prendre une leçon de la part d’un pays alliant la vocation de pacifiste à la profession d’armurier.
Coupe du monde 1990 : l’Égypte
L’Égypte et le football ou une histoire faite de hauts trop puissants – les trois titres consécutifs à la CAN entre 2006 et 2010 – ou de gros ba(d)s – les 74 morts dans le drame de Port Saïd. Au milieu de tout ça ? Des coups d’éclat et des absences. Et en matière d’absence en Coupe du monde, l’une des trois seules nations africaines à avoir atteint le top 10 Fifa en connaît un rayon. Car de 1934 à 1990, aucun onze des Pharaons ne s’est hissé parmi les meilleurs. Et ceux-ci ont fait forts pour stopper la spirale négative il y a tout juste 24 ans, face à l’Algérie. Alors encore riches de Lakhdar Belloumi, Rabah Madjer ou Kader Ferhaoui, les Fennecs sont redoutés sur le continent, eux qui rafleront quelques mois plus tard la CAN 1990. Mais après un score nul et vierge à Constantine, l’Égypte garde toutes ses chances. D’où une manche décisive disputée au Caire devant 120 000 personnes en furie. D’ailleurs, bien que la vidéo soit très courte, on devine le bordel suscitée par la qualif’ égyptienne après le brouhaha généré par le seul but, signé de la tête par le meilleur buteur de l’histoire du pays, Hossam Hassan.
Coupe du monde 1998 : l’Iran
Si personne n’a oublié la rencontre chargée de symboles entre les USA et l’Iran à Gerland lors de la Coupe du monde 1998, rares sont ceux à se rappeler de la façon dont les hommes de Tomislav Ivic sont allés arracher leur ticket. Les modalités de l’époque leur imposent de rencontrer, une fois un premier tour brillamment bouclé, le meilleur représentant d’Océanie, qui est sans surprise l’Australie. Des Soocceroos alors dotés de joueurs et d’un manager côtés en Premier League, que ce soit avec Harry Kewell, Mark Viduka, Stan Lazaridis, Mark Bosnich ou Terry Venables sur le banc. D’ailleurs, les voilà dans le bon wagon après la première des deux confrontations, où tous font fi de l’accueil maison des 128 000 spectateurs de l’Azadi stadium de Téhéran pour ramener un nul, 1-1. Tout se poursuit comme sur des roulettes quelques semaines plus tard pour le jeu décisif, où l’Australie mène 2-0 à l’heure de jeu à Melbourne. Mais dans le dernier quart d’heure, Medhi Mahdavikia et consorts réalisent l’impensable en claquant deux pions. Et voilà comment le légendaire Ali Daei a pu étrenner sa belle moustache sur les prés français avant de signer au Bayern.
Euro 2000 : la Slovénie
Si l’Ukraine n’a pas été foutue de se qualifier contre la Slovénie en 1999 pour l’Euro belgo-néerlandais, avec ce qui reste comme sa plus belle génération et sa doublette terrible Shevchenko-Rebrov, comme pourrait-elle changer le cours de chose contre les Bleus ? Quatorze ans plus tôt, l’Ukraine est donc une grosse côte, qui pousse la France dans ses derniers retranchements dans le groupe 4 des éliminatoires, ne terminant qu’un petit point derrière Zizou and co et les tenant deux fois en échec. Alors barragiste, elle doit faire qu’une bouchée de la toute jeune Slovénie. Sauf que le match aller est catastrophique : réduite à 9 contre 11, l’Ukraine perd 2-1 après avoir mené grâce à sa vedette milanaise. Au retour, le terrain est enneigé et l’arbitre donne un coup de pouce supplémentaire à l’Ukraine en offrant un penalty généreux à vingt minutes de la fin. La Slovénie, emmenée par Zlatko Zahovic, fait alors de la résistance et arrache sa qualification à dix minutes du terme, sur une frappe croisée de Pavlin, causant quelques maux de tête à Kiev.
Euro 2004 : la Lettonie
2004, année héroïque pour la Lettonie, coïncidant avec l’entrée de l’UE des 65 000 km² de cet état balte et son unique participation à une phase finale d’une compétition majeure de football, l’Euro portugais. Et ce, après avoir réalisé un exploit à la portée significative, en renversant le troisième de la Coupe du monde 2002, la Turquie. Savant mélange de vieux loups et nouveaux talents, cette dernière avance sur de son fait fin 2003 face à la petite Lettonie et ses grands noms tels Verpakovskis, Astafjevs ou Isakovs. Autrement dit des mecs qui pèsent autant en matière de ballon rond que l’Espagne est effrayante dans le monde de l’ovalie. Après une victoire 1-0 dans son stade champêtre, la Lettonie se rend à Istanbul où cette fois, Hakan Sukur, est enfin aligné aux côtés des Nihat, Rustu et Emre. C’est d’ailleurs le géant du Bosphore qui score le deuxième pion rédempteur à l’heure de jeu, plongeant les Lettons au fond du trou dans une atmosphère brulante. Ceux-ci ne devront leur salut qu’à une réduction du score précoce, seulement une minute après, désarçonnant les troupes de Senol Gunes avant une égalisation à l’anglaise à dix minutes du terme.
Coupe du monde 2006 : l’Australie
Si les Ukrainiens sont des billes en matière de barrages (trois échecs en autant de présences), une nation a fait mieux qu’eux : l’Australie. Avant 2006, les Socceroos sont un peu aux barrages ce que Poulidor est au Tour de France : des mecs à qui le Graal tend les bras, avant de se refuser au dernier moment. Et ce ne sont pas l’Écosse en 1986, l’Argentine en 1994, l’Iran en 1998 et l’Uruguay en 2002 qui diront le contraire. Enfin presque, puisque fin 2005, l’Uruguay est à nouveau barragiste sud-américain contre le meilleur d’Océanie. Recoba, Zalayeta, Lugano ou Forlán sont donc confiants. Sauf que la guigne s’abat sur la Celeste lorsqu’à la 20e minute du match aller, le pichichi de la saison 2004-2005 et Soulier d’or européen avec Villarreal sort sur blessure. Malgré la défaite sur la plus petite des marges à Montevideo, voilà la chance des Australiens ! Et voilà comment Guus Hiddink a réussi à faire d’une génération une belle épine capable non seulement de vaincre l’Uruguay aux pénos au retour, mais aussi de se hisser en huitièmes de finale du Mondial 2006 contre l’Italie, qui n’aurait jamais dû passer d’ailleurs. Saloperie de Fabio Grosso.
Coupe du monde 2010 : la Slovénie
Les Slovènes sont des terreurs en barrages. Après l’Ukraine en 2000 et la Roumanie deux ans après, les Dragons ont réalisé en 2009 leur plus belle performance en la matière, en éjectant la hype de la fin des années 2000, la Russie. Vladimir Poutine le judoka est même de la partie en novembre 2009 pour voir de plus près ces phénomènes nommés Arshavin, Zhirkov ou Semak. Durant 87 minutes, tout va pour le mieux pour le onze de Guus Hiddink, avec un avantage confortable grâce au doublé du milieu d’Everton, Bilyaletdinov. Durant 87 minutes, moment choisi pour Pecnik de marquer à bout portant après un arrêt d’Akinfeev. On comprend alors, au vu de la joie des Slovènes et des mines déconfites russes, que la donne change carrément. Et le cauchemar a bien lieu au retour, avec un arbitre à côté de ses pompes faisant preuve de clémence et excluant Kerzakhov et Zirkhov. Avec le but de Dedič, le compte est bon et la surprise est là. Car comme le rappelle Arsène Wenger, « la Slovénie, c’est seulement 2 millions d’habitants ! » Sous-entendu, on attend toujours le Botswana ou le Lesotho à la table des grands.
par Arnaud Clement