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Top 8 : Croates de France
Si Français et Croates se retrouvent en finale ce dimanche, c’est peu dire qu'ils se connaissent déjà bien, tant la Ligue 1 a vu évoluer en son sein quelques-uns des éléments croates les plus prometteurs de leur génération. Passage en revue de ceux qui nous ont le plus fait vibrer.
Josip Skoblar
Josip Skoblar, l’emblème de la sélection yougoslave sur le maillot, n’en reste pas moins croate. C’est dans le comté de Zadar qu’il est repéré pour rejoindre le gros club local. Alors à Belgrade, l’attaquant est prêté à Hanovre où il plante 17 fois en 18 matchs. Le président marseillais Marcel Leclerc sent le coup et fait tout pour ramener le joyau sur la rade. Mais ce que l’histoire retiendra, c’est ce record de 44 buts marqués en une seule saison, celle de 1970-1971, le tout sans se charger d’un seul penalty. Skoblar pose alors son empreinte avec des chiffres à faire tourner la tête – 158 buts en 194 matchs, deux championnats et deux coupes. Une belle claque dans la gueule du foot français, et au passage un poing dans la tronche de Domenech. Si c’est pas excitant.
Alen Bokšić
Alen de verre. Tel est le surnom qu’on aurait pu attribuer à un joueur d’une élégance rare, mais à la physionomie musculaire si fragile. Pourtant, paradoxalement, ce sont les blessures à répétition qui lui ouvrent les portes de Marseille en 1992. Acheté à Split par les Phocéens, puis aussitôt prêté au voisin cannois pour garnir un effectif dans lequel un certain Zidane fait l’objet de toutes les attentions, il ne dispute à cause des blessures qu’un unique match. Un retour à l’envoyeur plus tard, Papin et Xuereb partis vers d’autres cieux, Völler arrive en renfort, et Alen gagne une place de choix à ses côtés. La doublette crève l’écran. Le Croate, à 21 ans, 29 pions et 45 matchs, explose tous les compteurs dans un saison dantesque qui s’achèvera par le gain de la première C1 du foot français. Une pareille performance ne sera pas réalisée par le canonnier croate qui quitte la France, le baluchon sur le dos pour l’Italie à l’hiver 1994.
Danijel Subašić
L’AS Monaco ne s’imaginait pas avoir entre ses mains un portier bientôt irremplaçable. Mais en 2012, le projet sportif édicté par l’investisseur russe Dmitry Rybolovlev est de déguerpir de Ligue 2 pour élargir son champ de vision en première division. Force est de constater que Subašić avait du répondant. Gardien numéro 1 aux yeux de Ranieri comme de Jardim, cette toile d’araignée capte la moindre impureté qui souhaiterait franchir la ligne de but. Peu importe la concurrence avec Romero en club ou celle de Pletikosa en sélection jusqu’en 2014. Tout lui réussit, car il n’entre pas dans la case des gardiens fantasques, mais plutôt dans celle des références à leur poste, appliqué et impérial sur sa ligne, « sans superflu » comme confiait Simon Pouplin en 2015. Preuve en est, depuis cette Coupe du monde, son engagement est moteur. Il se fait progressivement un nom aux yeux du monde, et c’est tout à son honneur, mais en France, on avait déjà bien cerné le monstre.
Dado Pršo
Ce gaillard d’1,90m en a connu des misères. Son parcours l’amènera tout de même à faire la demande de nationalité en France comme un signe de reconnaissance. Lui, l’enfant de Zadar, ne fait que fuir un pays plongé dans un conflit sanglant en 1993. Quelques tuyaux lui permettent de dégoter une place à Rouen, en D2 française, où il se mure, prend du poids et perd le goût au football. Puis vient la rencontre avec sa future femme et l’expérience à Saint-Raphaël qui lui vaut d’être repéré en 1996 par deux scouts de l’AS Monaco. La suite n’est qu’une longue publicité à l’honneur d’un rêve français. La révélation aux côtés de Trezeguet en équipe de jeunes et un prêt réussi chez les Ajacciens plus tard, Pršo devient l’une de ces gueules bien connues de première division. Son quadruplé face à La Corogne en Ligue des champions sonnera comme un remerciement lors de son ultime saison en Principauté. Un plaisir non feint.
Aljoša Asanović
Lui aussi était estampillé pur produit du Hajduk Split. Asanović fit partie de ces terreurs de la génération yougoslave des années 1990 que leur région natale a vendu aux quatre coins du continent comme des petits pains. Dès son arrivée au FC Metz, le robuste milieu offensif et sa patte gauche ravageuse conquièrent très vite le public de Saint-Symphorien. Par 13 fois, il plante lors d’une saison pleine. Toutefois, son président Carlo Molinari regrette un type « qui ne faisait aucun effort pour s’intégrer » . La rupture à l’été 1992 est consommée à tel point qu’elle fait les affaires de Cannes, lui offrant un pont d’or. Celui qu’on appelait le « coude de feu » – « Vatreni Lakat » en version originale – pour sa faculté à galoper les coudes levés, connaîtra ensuite des fortunes diverses. Un an de pige plus tard en Provence, son club descend en D2, il se barre en Camargue rejoindre la bande à Nicollin où son manque de caractère ne lui permet toujours pas de s’imposer. Son passage en France sera finalement à l’image de sa carrière : une coquille pleine de promesses succulentes, mais apparemment vide.
Ivica Šurjak
Le tout Paris se le rappelle. Ce soir de 15 mai 1982, le Parc des Princes est en délire. Michel Platini a inscrit son second but dans la prolongation. Les Verts tiennent leur septième Coupe de France. Une dernière offensive est lancée côté parisien et cet encore frêle ailier gauche natif de Split a encore du jus. Sur le premier but de Toko, c’était son centre qui avait fait mouche. Une heure après, petit numéro d’équilibriste, il glisse un centre enroulé d’une aisance diabolique, pour trouver un Rocheteau intraitable. 2-2. Borelli ne peut s’empêcher de lâcher un sprint de malade mental le long du terrain. Le PSG gagnera son premier trophée aux tirs au but. Ce sera pourtant le dernier match sous le maillot parisien pour Ivica. Une seule saison à 12 buts lui suffira à poser la première pierre de l’édifice parisien, avant que le Mundial espagnol ne le pousse à changer d’air. Direction l’Udinese. Quant au PSG, orphelin de cet ailier malicieux et dribbleur, il se chargera de dénicher dans la même sélection un 10 entièrement dévoué à sa cause. Magic Sušić est né.
Dejan Lovren
Si aujourd’hui il tend à se considérer comme l’un des meilleurs défenseurs du monde, c’est que l’eau a coulé sous les ponts. L’histoire de Lovren en France et à Lyon est faite de hauts et de bas. Arrivé du Dinamo Zagreb dans le vestiaire de l’OL début 2010, le garçon de 20 ans galère à s’adapter. Le poids des 8,5 millions d’euros qu’Aulas misa sur sa tête galvanise les attentes, tandis que Claude Puel s’entête à faire voyager son larron aux quatre coins de la défense des Gones. Sa deuxième année sur les bords du Rhône le voit se stabiliser à son poste de prédilection, en tant que défenseur central. Problème, Dejan, stoppeur rugueux, brille autant par ses matchs de roc que par ses trop nombreuses expulsions (3 lors de sa dernière saison en 2013). Pire, il en perd l’envie et le fait savoir à la presse croate. « Le club tue ma sérénité » , avoue-t-il. Le divorce avec Lyon se fait sans ambages. À 10 millions le départ pour Southampton, Aulas, à court de liquidités, pouvait presque exulter.
Ivan Santini
3 juillet 2018. Un nouveau crève-cœur pour le peuple caennais qui pleure son héros. Santini signe à Anderlecht retrouver une Jupiler League qui lui avait souri un temps à Courtrai. Déjà, les Caennais pouvaient regretter de ne pas voir leur artilleur partir briller en Russie. Peu importe, Santini reste une jolie parenthèse en terre normande. Une première saison à 15 buts durant laquelle il a plané au-dessus des défenses de Ligue 1 et voilà le Stade Malherbe bien heureux d’amortir les 2,5 millions payés au Standard de Liège pour rafler le colosse de Zadar. L’exercice 2016-2017 s’est conclu à un point des barrages de Ligue 2 et les dirigeants sentent poindre la Santini-dépendance. Si sa deuxième année dans le Calvados démarre en mode diesel, Santini, bûcheur, bosse inlassablement, plante 12 buts dont un dernier pour l’amour du style face à son compatriote Subašić. La signature Santini : placement, instinct, frappe enroulée à souhait. Pour le bonheur des yeux.
Par Alexis Souhard