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Top 1000 : les meilleurs joueurs du championnat de France (510-501)
Quel est le meilleur joueur de l'histoire du championnat de France depuis sa création en 1932 jusqu'à 2022 ? Statistiques, palmarès, trajectoires personnelles, classe, dégaine, empreinte laissée : autant de critères qui nous ont permis d'établir notre classement très subjectif des mille joueurs les plus marquants de Division 1 et de Ligue 1. Le credo d'un feuilleton qui va durer précisément 100 jours.
#510 - Carlos Valderrama
Carlos Valderrama
Montpellier (1988-1991)
Carlos Valderrama est de ces footballeurs qui n’auront jamais évolué dans les plus grands clubs, mais qui seront tout de même parvenus à placer leurs noms dans les livres d’histoire. Et pour cause, El Pibe à la frisette blonde a toujours navigué sans plan de carrière, mais bien à l’instinct (et au porte-monnaie), trimbalant son extraordinaire pied droit entre Colombie, USA, mais surtout France.
Une technique hors norme qui, entre 1988 et 1991, lui a permis de charmer Montpellier. Son arrivée à la Paillade, le meneur de jeu la doit à son agent et compatriote Manuel Garcia, qui s’occupait déjà du défenseur brésilien Júlio César. Les discussions finissent de convaincre Louis Nicollin, qui offre au meneur de jeu un salaire de 13 millions de francs sur quatre ans, financé par le Conseil général de l’Hérault : « Quand on m’a parlé de ce club, j’ai demandé : « Mais où se trouve cette ville ? » Personne en Colombie ne connaissait Montpellier. Moi, mon rêve était de jouer en Europe, et je n’ai pas voulu rater cette opportunité » , racontait Valderrama, devenant alors le premier Colombien à s’exiler hors de son pays. La curiosité se met en marche, et ne tarde pas à séduire la Mosson. Car si le « Gamin » peine à trouver le chemin des filets (5 buts en 91 apparitions), ses fulgurances balle au pied font lever les supporters pailladins à chacune de ses sorties. Tout cela sans jamais parvenir à s’adapter au mode de vie français, tel qu’il l’avouait à Actu Foot : « Ma femme n’avait jamais vu de sa vie une machine à laver. Nous habitions à proximité du stade à Saint-Georges-d’Orques, et heureusement, il y avait des gens là-bas pouvant nous aider comme Jean-Louis Gasset. J’ai dû aussi apprendre à conduire et passer mon permis en faisant des exercices de conduite sur le parking du stade de la Mosson ! La première voiture que j’ai eue m’a causé quelques soucis, car c’était un modèle qui parlait dès qu’il y avait un problème, et je ne comprenais absolument rien, puisque c’était en français. Une fois c’était parce que je n’avais pas la ceinture ou alors quand la portière était mal fermée. Le concessionnaire m’a vu débarquer confus quelques fois. »
Trois saisons de spectacle, de hauts et de bas, ponctuées par un joli succès en Coupe de France au printemps 1990 face au RC Paris, sans jouer (expulsé en demies contre Saint-Étienne, Carlos était suspendu pour la finale). Le premier trophée du MHSC depuis 1929 : « Carlos est arrivé avec une connotation préférentielle de la part du président, et il a fallu que je l’intègre rapidement, car c’était une valeur marchande et un investissement important, détaillait son entraîneur Pierre Mosca dans nos colonnes. Je me souviens, contre Metz, c’est la première fois que je le sors de la compo. Colère folle de Loulou qui me convoque dans son bureau ! « Comment, tu ne fais pas jouer Carlos ? » Il s’est engagé devant du monde : « Si tu ne fais pas jouer Carlos, je te vire. » Ok, tu me vires, mais personne ne me dit qui je dois faire jouer, c’est moi l’entraîneur. J’ai tenu tête. Ce jour-là, contre le bon Metz, pas celui de maintenant, on a gagné 4-0. » Moins flamboyant et ne parvenant pas à se détacher d’un mal du pays tenace, Carlos Valderrama quittera finalement l’Hexagone l’année suivante, pour se relancer à Valladolid et entamer une ultime tournée des Amériques. « C’est un garçon adorable à tout point de vue, chaque année je reçois ses vœux, et je trouve ça assez exceptionnel de la part d’un joueur qui se trouve de l’autre côté de l’Atlantique. J’en garde un souvenir extraordinaire » , nous racontait « Loulou » en 2013. Montpellier non plus n’a pas oublié son gamin.
#509 - Alain Moizan
Alain Moizan
Monaco (1977-1980), Lyon (1980-1982), Saint-Étienne (1982-1984), Bastia (1984-1986), Cannes (1987-1988)
Recruté en provenance d’Angoulême, avec qui il évoluait en D2, et sans avoir jamais connu l’élite jusque-là, Alain Moizan n’est ni plus ni moins que le joueur le plus utilisé par Lucien Leduc lors de la saison 1977-1978, qui voit l’AS Monaco remporter le championnat. Le milieu de terrain franco-sénégalais dispute les 38 matchs et signe l’une des saisons les plus abouties de sa carrière. Indéboulonnable sur le Rocher, il occupe même de temps en temps le poste de défenseur central. L’international français se paye ensuite le luxe d’une saison à sept buts avec l’Olympique lyonnais en 1980-1981 (permettant à l’OL de se hisser à la sixième place), avant de baisser progressivement de régime. Après la Principauté et le Rhône, Moizan jouera du côté de la Loire (Saint-Étienne), de la Corse (Bastia) puis des Alpes-Maritimes (Cannes). Et puisque les mots de Delio Onnis valent mieux que 10 000 autres : « Moizan, il était inconnu au bataillon, il venait de seconde division. Vitalis aussi. Ils sont devenus ce qu’ils sont devenus : de très grands joueurs. »
#508 - Lionel Letizi
Lionel Letizi
Nice (1994-1996), Metz (1996-2000), PSG (2000-2006), Nice (2007-2011)
Avec près de 400 matchs au compteur, Lionel Letizi a longtemps fait partie des meubles de la première division. Son histoire avec ce championnat commence en 1994 avec une rencontre face à Bordeaux pour le portier formé à Nice. « C’était bizarre, rembobinait-il pour Le Parisien. À l’époque, il y avait Huard, Zidane, Lizarazu en face. Des mecs que je ne voyais qu’à la télé. On avait perdu, mais ça reste marqué. J’avais 21 ans et l’entraîneur (Albert Emon ) n’hésitait pas à donner leur chance aux jeunes. C’est la période où Barthez, Coupet et Dutruel ont commencé à sortir. » Il ne pouvait pas en être autrement pour ce fils et petit-fils de gardiens de but : il devait enfiler les gants. Personne ne l’a jamais forcé, mais c’était sa destinée.
Bien sûr, on se souvient de son passage contrasté au Paris Saint-Germain, où il a d’abord chipé la place de Dominique Casagrande, avant de souffler le chaud et le froid, avec notamment des soucis au dos et une blessure à la rotule. Un coup titulaire, un autre doublure, il finira par voir son pote Jérôme Alonzo lui passer devant. Mais c’est à Metz lors de la saison 1997-1998 qu’il vit ses meilleurs moments, malgré le titre perdu au profit de Lens. « C’est la meilleure de ma carrière. J’avais été bon sur les 38 matchs que j’avais joués. Personne n’attendait Metz à cette place, racontait-il à So Foot. Sur le coup, on était très contents de cette saison. Les années passant, on se dit qu’une seconde place, ça ne compte pas comme un titre. Mais pour un club comme Metz, faire une telle saison, c’était quasiment inespéré. Ça ne s’est plus représenté. Donc je suis fier d’avoir participé à cette aventure. » Plutôt fidèle à la L1, malgré une très courte parenthèse en Écosse, Letizi retournera à Nice pour boucler la boucle. Chez les Aiglons, il sera d’abord chargé d’encadrer le jeune Hugo Lloris, avant de grignoter un peu de temps de jeu après le départ de son poulain à l’OL, puis de voir débarquer David Ospina pour retrouver le banc de touche. Une carrière bien remplie, mine de rien.
#507 - Stéphane Dalmat
Stéphane Dalmat
Châteauroux (1997-1998), Lens (1998-1999), Marseille (1999-2000), PSG (2000), Toulouse (2004-2005), Bordeaux (2006-2007), Sochaux (2007-2010), Rennes (2010-2012)
C’est Édouard Cissé qui le dit : « En matière de talent, Stéphane Dalmat est le meilleur joueur que j’aie vu hormis Ronaldinho. C’était un phénomène. » Cette affirmation a de quoi faire tiquer, surtout au regard du parcours chaotique du milieu de terrain ayant joué pour onze clubs différents (dont huit de D1/L1). Et pourtant, elle n’est pas si délirante. Arrivé à Châteauroux sans être passé par un centre de formation, le natif de Joué-lès-Tours fait souffler un vent de fraîcheur sur son passage, faisant preuve d’une grande aisance technique des deux pieds et d’une réelle qualité de percussion. Le potentiel qu’on lui décèle paraît énorme. Il ne parviendra cependant jamais à l’exploiter pleinement. « Tous les transferts, les ceci, les cela, ça m’a fait bizarre, reconnaît l’ancien Interiste dans un entretien à So Foot. On m’a expliqué ensuite que le système fonctionnait comme ça. Le foot, c’était donc m’entraîner, puis jouer le samedi devant 30 000, 40 000 personnes, s’éclater, prendre du plaisir, gagner, avoir l’adrénaline. Je n’avais pas la mentalité qui aurait pu me faire passer de très bon joueur à très grand joueur. »
#506 - Teemu Tainio
Teemu Tainio
Auxerre (1998-2005)
Au milieu des années 2000, le football finlandais ne tient qu’en trois noms : Sami Hyypiä, homme de base à Liverpool, Jussi Jääskeläinen, dernier rempart du grand Bolton, et Jari Litmanen, monument vivant, au crépuscule de sa carrière. Pourtant, au centre de ce trio légendaire, un quatrième nom est parvenu à placer son mètre 75. Lui, c’est Teemu Tainio, pensionnaire de la belle AJ Auxerre et figure incontournable d’une Ligue 1 encore romantique.
Le Fennoscandien tape dans l’œil de Guy Roux, à l’occasion d’un match qualificatif pour l’Euro espoir 1998, entre la Finlande et la France. Le 7 juin 1997 à Vaasa, le relayeur charme en effet un recruteur auxerrois en déplacement au Hietalahti Stadium, pour débarquer dans l’Yonne l’année suivante, à 18 ans, au sortir de son service militaire. « J’hésitais entre l’AC Milan et Manchester United, qui insistaient pour me faire venir, racontait l’intéressé pour Nordisk Football. Je ne connaissais pas vraiment Auxerre, mais en me renseignant, j’ai vu qu’ils faisaient un gros travail avec les jeunes. J’ai donc complètement changé d’avis et j’ai rejoint l’AJA. » S’ensuivront alors sept saisons d’excellents services, pour 204 rencontres disputées. Un travail de l’ombre, auquel se joindront quelques jolies réalisations : un lob astucieux à Rennes, une volée surpuissante face à Guingamp, ou un missile pleine lucarne contre l’OM, après avoir humilié Daniel van Buyten.
Aux côtés de ses compères dégarnis, Amdy Faye, Yann Lachuer, Lionel Mathis ou Bruno Cheyrou, le Tornion (la « Tour » en VF) maîtrise l’entrejeu, pour maintenir Auxerre au plus haut et faire vivre à l’Abbé-Deschamps ce qui reste encore aujourd’hui ses derniers frissons. Jamais loin du top 5 en championnat, cette AJA fait effectivement sensation, glanant la Coupe de France en 2003 et 2005, s’invitant en Ligue des champions à l’automne 2002 et jouant les challengers réguliers dans les autres coupes d’Europe. Des aventures dans lesquelles Teemu Tainio joue un rôle majeur, loin de tout ce qu’il pouvait s’imaginer. « En arrivant à Auxerre, jamais je n’aurais penser remporter un titre. Finalement, je me retrouve avec deux Coupes de France, s’émouvait-il dans les colonnes de L’Yonne républicaine. Idem pour l’Europe. Finalement, je fais une campagne pleine en Ligue des champions. Tout cela, je le dois à Guy Roux. C’est qui a eu l’idée de me replacer en milieu défensif alors que j’étais attaquant. Il a su déceler mes réelles capacités. Ces années étaient sublimes. » Teemu ému, et on le comprend.
#505 - Josip Katalinski
Josip Katalinski
Nice (1975-1978)
Dans la deuxième moitié des années 1970, le Gym se met à la sauce yougoslave avec Vlatko Marković comme entraîneur, Nenad Bjeković au poste d’attaquant et, bien sûr, Josip Katalinski en défense. En trois ans sur la Côte d’Azur, le libéro originaire de Sarajevo fait parler sa rigueur, son impact physique dans les duels ainsi que dans le domaine aérien, sa qualité de relance et sa belle frappe de balle (28 buts avec les Aiglons, tout de même). Vice-champion de France en 1976, Skija n’apprécie guère ce qu’il se passe au début de la saison suivante, poussif sous les ordres de Jean-Marc Guillou, qui occupe la triple fonction d’entraîneur-joueur-capitaine. Alors, le défenseur moustachu donne rendez-vous à un journaliste de Nice-Matin et vie son sac : « Les défenseurs niçois ne sont pas rapides. Guillou a encore aggravé la situation. Sur chaque ballon en profondeur, c’est la catastrophe. Guillou est l’entraîneur. Il joue où il veut, mais il faut bien se rendre compte que ça ne marche pas » , balance-t-il. Avant d’ajouter : « Je ne peux pas toujours sauver Nice. » Une sortie qui lui vaut une mise à l’écart… d’un jour. Car l’OGCN ne peut pas se passer plus longtemps de son roc venu des Balkans.
#504 - Bruno Germain
Bruno Germain
Nancy (1982-1986), Matra-Racing (1986-1988), Toulon (1989), Marseille (1988-1991), PSG (1991-1993), Angers (1993-1994)
En un peu plus de dix ans de carrière, Valère Germain a porté les couleurs de quatre clubs de l’élite (Monaco, Nice, Marseille et Montpellier). Plus que deux écuries et il égalera le total de son père, Bruno. Ce défenseur ou milieu particulièrement accrocheur et hargneux se fait d’abord remarquer à Nancy. Son passage par Toulon est très bref – pris en grippe par les supporters locaux, il leur adresse un doigt d’honneur synonyme de départ prématuré -, et c’est non loin de la Rade, à Marseille, que l’international français (une sélection) vit ses plus belles années. À l’OM, il remporte trois championnats successifs et reste solidement ancré dans l’entrejeu en dépit de la concurrence. En 1991, l’ancien Orléanais fait partie, avec Bernard Pardo et Laurent Fournier, du package de trois joueurs que Bernard Tapie envoie à Paris pour récupérer Jocelyn Angloma en échange. Mais s’il s’impose très vite dans la capitale, Germain pense toujours très fort à son ex. « Je signe à Paris et je reviens quelques mois après à Marseille en étant capitaine du PSG, se souvient-il pour La Provence. On fait 0-0. Je marque un but de la tête qu’on me refuse pour un hors-jeu qui n’existait pas. Dans n’importe quel autre stade, j’aurais râlé, mais là, c’était au Vélodrome. Comme j’avais le cœur marseillais je n’ai rien dit, je me suis simplement replacé. » Le sang ciel et blanc.
#503 - Jaguaré
Jaguaré
OM (1936-1939)
Si Jaguaré Bezerra de Vasconcellos n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer. Le Brésilien en a fait voir de toutes les couleurs au championnat de France. Il reste encore aujourd’hui le seul portier de l’OM à avoir marqué en championnat. C’était en 1938, contre Sète, sur penalty. Un match au cours duquel il doit aussi faire face à deux penaltys adverses. Aucun des deux ne termine au fond des filets, puisque Jaguaré, toujours enclin à essayer d’intimider les attaquants, pousse Balmanya, puis Danzelle à se rater. Champion de France en 1937 au nez et à la barbe de Sochaux, puis deuxième derrière les Lionceaux en 1938 et derrière Sète en 1939, l’OM se souvient surtout des frasques du gardien carioca, capable d’envoyer sa casquette dans les pieds d’un adversaire pour le déstabiliser. Le podcast officiel de l’OM partageait quelques anecdotes sur ce personnage hors du commun : « Certains jours, on le voyait dans les bureaux du club, l’air sombre et malheureux. « Aujourd’hui, Jaguaré pas heureux », soupirait-il. Avertis, les dirigeants ouvraient aussitôt leur tiroir-caisse, et selon leurs offres, Jaguaré était moyen ou sensationnel. […] Il poussait même l’audace jusqu’à faire des paris en plein match (avec ses adversaires). Un jour, à Roubaix, sur un coup franc à la limite des 16 mètres, il fit écarter le mur de ses partenaires et hurla : « Je parie 2000 francs qu’il ne la met pas ! » L’histoire n’aurait rien d’extraordinaire si le tireur n’avait pas été un certain (Henri) Hiltl, qui n’en ratait pas un seul à l’époque. Ce jour-là, Hiltl, irrité, tira sur la barre transversale. » Move like Jaguaré.
#502 - Florent Laville
Florent Laville
Lyon (1994-2003)
Il n’est pas le premier nom sorti quand il s’agit de se rappeler les héros lyonnais de 2002, il est même peut-être souvent oublié. Florent Laville était un défenseur solide, rugueux et plutôt du genre à mouiller le maillot sur un terrain de foot. Pour son baptême du feu en 1994, il se retrouve au marquage de Jürgen Klinsmann, ça marque et ça forge tout de suite le gamin formé à l’OL, son club de toujours. Il participe d’ailleurs à l’ascension de Lyon dans ces années 1990 jusqu’au fameux premier titre de 2002, Jacques Santini le faisant même entrer face à Lens, le match du sacre, pour lui permettre de participer à la fête. « Je brillais plus par ma camaraderie, par l’âme du vestiaire que par des gestes techniques, assumait-il dans une interview à Olympique et Lyonnais. J’étais dans l’ombre, dans l’humain. J’étais un pur produit de l’OL, je n’ai jamais triché. Je pense que les supporters l’ont ressenti. Je me donnais à fond. Je ne pouvais pas faire mieux avec mes qualités. » Peut-être, mais le championnat de France a aussi besoin de ces joueurs.
#501 - Marama Vahirua
Marama Vahirua
Nantes (1999-2004), Nice (2004-2007), Lorient (2007-2010), Nancy (2010-2011)
L’une des célébrations les plus iconiques de l’histoire de la première division, et tellement plus encore. Arrivé en France métropolitaine en 1997, auteur de son premier pion dans le championnat d’un poteau rentrant pour maintenir le FC Nantes en D1 sur la pelouse du Havre lors de la dernière journée en 2000, le Tahitien (et sa pagaie) explose la saison suivante, au cours de laquelle il séduit par son insouciance et se fait surtout une spécialité d’exploiter chaque bout de match pour faire trembler les ficelles, du haut de ses vingt ans. Bilan en championnat ? Quinze apparitions pour 626 minutes sur la pelouse et sept pions, soit un toutes les 90 minutes, et un huitième titre de champion du FCN auquel il aura grandement contribué, inscrivant notamment la seule réalisation lors du match du titre à la Beaujoire face à Sainté : « Je ne réalise pas ce qui se passe, rembobine-t-il pour le site Foot d’avant. J’ai 20 ans. Je ne réfléchis pas. Tu vois tout le monde courir, tu es fier de devenir champion de France. Je deviens le premier Tahitien de l’histoire à être champion de France. J’étais vraiment fier d’avoir offert le titre à mon équipe. Je ne réalisais pas que ce moment était historique pour le football tahitien et le FC Nantes. » Sans oublier cette année-là, entre autres, ses cinq pions en quatre parties de Coupe de France, qui ne suffiront pas à emmener les Canaris au stade de France une troisième fois consécutive.
Qu’importe, la légende de Marama est née : « L’année du titre avec Nantes, j’étais le joker, posait-il dans ces colonnes en 2017. Frédéric Da Rocha vient me voir avant un match à Rennes (le 4 mars 2001). C’était le derby et c’était tendu encore à l’époque. Il me dit : « Si tu marques, je me fais prendre par un taureau. » Je suis remplaçant, j’entre pour le dernier quart d’heure, je crois. Je n’ai pas beaucoup de ballons, et à un moment, Fred Da Rocha a la balle, je fais un appel, il me met une galette et je marque. En rentrant aux vestiaires, il se cachait et je lui ai demandé quel taureau il voulait. Tout le monde riait parce que finalement, c’est lui qui me fait la passe. Il y avait une ambiance incroyable à l’époque, c’est pour ça qu’on a été champions, on ne se prenait pas au sérieux. » C’est d’ailleurs quelques jours après que sa fameuse célébration voit le jour, comme il le narre pour Foot d’avant : « À l’époque, j’appelais ma mère chaque soir après les matchs. « La prochaine fois, quand tu marques, je veux que tu dises que c’est pour ta maman », me disait-elle. « Je ne vais pas le faire à tous les matchs », lui ai-je répondu. Un jour, j’ai marqué en Coupe de France contre Auxerre, et d’un coup, c’est venu. Je me suis dit : « Tiens, je vais faire ça ». C’est l’emblème de Tahiti. Le soir même, j’ai reçu plein d’appels. « Tout le monde est fier ici, c’est la célébration parfaite », m’a confié mon père. Peu de temps après, Micka Landreau est venu me voir. « C’est notre signe, tu vas le garder jusqu’au bout, ça va nous offrir le titre de champion de France », a-t-il insisté. Cette célébration était associée à la victoire dans le vestiaire. »
Et cette signature, le polyvalent attaquant de Papeete a aussi pu la faire apprécier au stade du Ray, où il marquera lors du derby fou remporté à Monaco en octobre 2004 (3-4), signera sa meilleure saison comptable en championnat (dix caramels en 2004-2005) et apprendra à vivre avec Fred Antonetti. « Quand je suis arrivé à Nice, j’avais 24 ans, en pleine explosion, nous expliquait-il. Je venais de Nantes où on était formatés à un style de jeu et une ligne de conduite bien précis. J’arrive à Nice, le coach me dit : « Ici c’est cool, fais ce que tu veux » et chaque fois que je m’entraînais un peu trop, le coach Gernot Rohr venait me voir pour me dire de me reposer l’après-midi, d’aller à la plage, d’aller au restaurant de son ami ! Il me faisait me sentir comme chez moi. Le week-end, je cassais tout, j’ai fait ma meilleure saison […], je faisais des gestes de ouf parce qu’il me mettait en confiance. » Son plus beau duo, en revanche, naîtra au Moustoir, avec Kevin Gameiro (neuf buts construits ensemble entre 2008 et 2010), sous les ordres de Christian Gourcuff : « J’éprouvais le même sentiment en marquant qu’en faisant une passe. À Nice, il y avait Baky Koné, j’adorais le mettre en orbite, Gameiro aussi à Lorient. C’était un plaisir de trouver la passe que personne n’avait vue. Marquer, c’est la finalité. Passer, c’est toi l’artiste. » Un artiste qui n’aura été expulsé qu’une seule fois en Ligue 1, en 321 apparitions (pour 71 banderilles).
Par Quentin Ballue, Jérémie Baron, Adel Bentaha, Raphaël Brosse, Clément Gavard et Steven Oliveira, avec toute la rédaction de SF