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Top 1000 : les meilleurs joueurs du championnat de France (30-21)
Quel est le meilleur joueur de l'histoire du championnat de France depuis sa création en 1932 jusqu'à 2022 ? Statistiques, palmarès, trajectoires personnelles, classe, dégaine, empreinte laissée : autant de critères qui nous ont permis d'établir notre classement très subjectif des mille joueurs les plus marquants de Division 1 et de Ligue 1. Le credo d'un feuilleton qui va durer précisément 100 jours.
#30 - Raí
Raí
PSG (1993-1998)
Il ne faut pas toujours se fier à la première impression. Et ça, Raí l’a rappelé après une première saison compliquée au Paris Saint-Germain où, malgré le titre de champion de France, le frère de Sócrates galère, squatte souvent le banc des remplaçants, se fait bouger par les défenseurs adverses, ne marque que très peu et est aussi rapide qu’une tortue. Loin, très loin de son étiquette de capitaine du Brésil et de meilleur joueur sud-américain qui lui était collée sur le front au moment de son arrivée dans la capitale après que Valdo et Ricardo avaient fait le forcing avec la direction parisienne pour le recruter. Sauf qu’après un Mondial 1994 qu’il a remporté en perdant sa place de titulaire après la phase de groupes, Raí retrouve son niveau et retourne le Parc des Princes : « Au début, on doutait de moi. Quand je ratais un dribble ou une passe, lorsque j’essayais de jouer mon football et qu’il ne passait pas, ce n’est pas le public que je défiais. Mais ce stade. Cette arène. Je ne voyais que lui et j’étais enfermé, peut-être même perdu. Je me suis dit : « Il faut que tu lui plaises. Il faut que je le séduise. » Oui, c’est un drôle de rapport qui s’est tout de suite installé avec le Parc… » Un Parc qui a vite changé d’avis envers celui qui avait pourtant envoyé une ouverture de 40 mètres en coup du foulard pour son premier ballon dans l’enceinte parisienne. En même temps, comment ne pas tomber sous le charme d’un homme aussi classe que le Brésilien. Brassard autour du biceps, Capt’ain Raí fait parler sa magie, son aisance technique, sa sérénité et ses coups de casques. Toujours avec classe. Les supporters – qui lui ont offert un chant à son nom sur l’air de Capitaine Flam – sont conquis par celui qui prenait des cours de civilisation française à la Sorbonne en même temps qu’il marchait sur l’Europe. Deuxième et dernier joueur à avoir soulevé un trophée européen pour un club français, Raí a fait pleurer tout un peuple lors de ses adieux émouvants au Parc des Princes sous les « Allez Raí, allez Raí, où tu es nous sommes là, car nous deux c’est pour la vie » . Un peuple qui ne l’a jamais oublié puisqu’il l’a élu meilleur joueur de l’histoire du club en 2020. Il n’est, en revanche, pas notre meilleur joueur de l’histoire du championnat de France. Mais il n’est pas loin d’être le plus classe. Et le plus charismatique.
#29 - Jean-Michel Larqué
Jean-Michel Larqué
Saint-Étienne (1966-1977), PSG (1977-1979)
Avec ses sept titres remportés brassard au bras sous la liquette de Sainté (1967, 1968, 1969, 1970, 1974, 1975 et 1976), Jean-Michel Larqué est un monstre sacré du championnat de France. Et avec ses plus de onze saisons professionnelles en Vert (321 matchs de D1) et sa place parmi les meilleurs buteurs du club (79 unités en D1) dans la période la plus faste du club du Forez avec les titres et les épopées européennes, Jean-Mimi est évidemment une légende dans son club formateur. « J’étais un milieu de terrain relayeur, nous narrait-il en 2018. À l’AS Saint-Étienne, j’étais celui qui, a priori, récupérait le moins de ballons et puis j’étais chargé des coups de pied arrêtés. J’ai toujours pris modèle sur Rachid Mekhloufi (voir #25). Il était aussi milieu de terrain, un peu plus offensif, il avait dix ans de plus que moi […], mais je me reconnaissais beaucoup en lui. J’ai essayé de l’imiter. […] Peut-être que j’aurais dû y rester (à Saint-Étienne), j’y avais connu des moments exceptionnels, et puis quand on y est resté 14 ans… J’entends certains qui, au bout de deux ou trois ans dans une équipe, disent : « J’ai fait le tour, je veux changer. » Si j’ai fait une erreur dans ma carrière, c’est peut-être d’avoir précipité mon départ de Saint-Étienne. J’aurais pu temporiser. On ne sait pas ce qui se serait passé ensuite, le résultat aurait peut-être été le même, mais si c’était à refaire, peut-être que je serais moins impatient. »
Car JML, qui compte également cinq coupes de France avec Saint-Étienne, quittera son cocon en 1977 – la faute à une brouille avec Robert Herbin – et bouclera sa carrière en première division avec une expérience d’entraîneur-joueur mitigée au sein d’un tout jeune PSG. La dernière représentation d’un joueur admirable, loué pour son aisance balle au pied et sa vision du jeu : « Je crois que de toute façon, pour être un joueur complet, il faut avoir de l’intelligence tactique. Quand il y a une décision ou une option à prendre, une passe à faire, c’est très bien de savoir ce qu’il faut faire, mais il faut pouvoir le réaliser. Il faut d’abord être un très bon technicien et avoir ensuite un peu d’intelligence de jeu, de qualité tactique. Mais j’ai toujours pensé que la différence se faisait par la technique. »
#28 - Maxime Bossis
Maxime Bossis
Nantes (1973-1985 puis 1990-1991), Racing (1986-1989)
On peut naître vendéen et devenir une légende nantaise, capitale de la Loire-Atlantique : Maxime Bossis en est la preuve, du haut de ses treize saisons à tenir la baraque de la défense jaune, de son palmarès de géant avec les Canaris (trois titres de champion, cinq places de vice-champion, une Coupe de France et une finale, quatre entraîneurs côtoyés dont José Arribas, Jean Vincent et Coco Suaudeau), ainsi que de son statut d’étendard du club et du jeu à la nantaise de l’époque. « Je suis un fan inconditionnel de Johan Cruijff, c’était mon modèle absolu, une sorte d’idéal, nous narrait-il en 2015 au moment de souffler ses 60 bougies. Et à 17-18 ans, à mes débuts, je me suis beaucoup inspiré de Marius Trésor et Henri Michel, que j’ai retrouvés ensuite sur le terrain en équipe de France ou à Nantes. […] Je suis arrivé (à Nantes) en 1972 à 17 ans. Je suis originaire de la côte Atlantique et, à ce moment-là, Nantes avait une très bonne image, c’était l’un des clubs phares du championnat de France. J’avais également été approché par Angers et Rennes lors des matchs de sélections avec la région. Saint-Étienne m’avait même proposé de venir faire un stage et si je n’étais pas allé à Nantes, je serais peut-être devenu un autre joueur. Un Vert. […] On (la génération championne de France en 1983) reste avec les champions de 1995 les deux équipes les plus belles de l’histoire du FC Nantes avec celle de 1966. »
Également passé par le Racing de Jean-Luc Lagardère avant un retour à la maison pour boucler la boucle en 1990-1991, Max Bossis passera la barre des 500 matchs de D1. « Pour tout vous dire, au départ, je ne devais pas y aller (au Racing). Je devais signer au PSG qui, cette saison-là, fut champion de France, alors que je remportais le titre en D2 avec le Matra. Je m’étais mis d’accord sur un contrat de trois ans avec Borelli, mais plusieurs parties n’arrivaient pas à tomber d’accord, des soucis avec je ne sais qui pour je ne sais quoi. Mon agent a alors étudié les autres propositions. J’ai failli signer en Angleterre, à Tottenham. On était même allés à Londres avec mon épouse, et un contrat de trois ans m’attendait. Mais j’avais peur de vivre là-bas, surtout que le camp d’entraînement était à une heure de Londres. Et le Matra s’est présenté, j’ai senti que ça pourrait être ma dernière ambition, mon dernier challenge à long terme, donc j’ai signé pour quatre ans. Je pense que le projet, malgré quelques succès, a échoué parce que le football français n’était pas préparé au genre de gestion que Lagardère imposait. Un homme d’entreprise qui investit dans le foot, ça choquait à l’époque, et ma signature avait foutu le bordel. Tout le monde a pensé que c’était (Lagardère) un escroc quand il a investi au Matra en 1977. Mais c’était un vrai passionné depuis longtemps. Il était partenaire, avec Europe 1, du RC Lens et de Nantes. Il voulait même reprendre le FCNA un moment. On a fait plusieurs matchs de Coupe d’Europe avec lui, c’était un vrai fou de sport. Mais à l’époque, c’était quelque chose d’inconnu au-delà des erreurs de gestion qui ont tué le club. » Le Bossis de Notre-Dame.
#27 - Jean Tigana
Jean Tigana
Lyon (1978-1981), Bordeaux (1981-1989), OM (1989-1991)
Les joueurs qui sont montés sur le podium du Ballon d’or alors qu’ils évoluaient dans le championnat de France ne sont pas légion, et Jean Tigana fait partie de ce cercle très fermé. L’infatigable milieu de terrain girondin a été récompensé d’une deuxième place en 1984, au bout d’une année qui l’a vu briller à l’Euro et à Bordeaux, en aidant le club à conquérir son premier titre de champion de France en 34 ans. L’apogée d’une carrière qui s’est accélérée en 1978 grâce à Fleury Di Nallo. « Je voulais prendre le milieu qui courait partout et tout le temps, racontait la légende de l’OL, recruteur des Gones à l’époque. On m’a répondu : « Vous êtes sûr ? Il a 23 ans, il est facteur le matin et s’entraîne simplement l’après-midi. Il ne joue pas beaucoup. » On n’avait qu’un seul salaire disponible, mais j’ai insisté pour le recruter. Jean Tigana était épais comme une sardine, mais c’était un monstre. Il avait un moteur de Formule 1. » Le moteur ne l’a jamais lâché, et Tigana a construit sa réputation de marathonien. « Un monstre de la récupération » pour le site des Girondins, « vif, élégant et efficace dans ses enchaînements » . Pièce maîtresse de l’équipe bordelaise sacrée en 1984, 1985 et 1987, le numéro 6 glanera deux autres titres du côté de Marseille, en 1990 et 1991. « À force de travail, il a commencé à être beaucoup plus précis dans ses transmissions de balle. C’était un travailleur infatigable qui faisait le boulot de box to box, louait Marius Trésor. C’est le joueur qui pouvait apporter énormément sur le plan offensif, mais qui, quand il fallait défendre, était présent. Il était tout frêle, mais c’était quelqu’un de généreux sur le terrain. » Ratisseur, relanceur, parfois même dynamiteur : avoir Jean Ti’ dans son camp, c’était sacrément méchant.
#26 - Roger Piantoni
Roger Piantoni
FC Nancy (1950-1957), Reims (1957-1964), Nice (1965-1966)
Dès le début, il avait annoncé la couleur. Pour son premier match en D1, à l’occasion d’un déplacement à Lens en août 1950, Roger Piantoni a planté un doublé et offert la victoire aux Nancéiens (0-2). Pour cette toute première saison au plus haut niveau, l’attaquant au pied gauche impitoyable a d’ailleurs fait des malheurs (deux quadruplés, un quintuplé) et fini l’exercice avec 28 buts au compteur et un titre de meilleur buteur. Cette distinction, il l’a à nouveau obtenue dix ans plus tard (28 réalisations là aussi). Sauf qu’entretemps, le Lorrain avait quitté un FC Nancy en proie à des difficultés financières et avait changé de dimension en rejoignant Reims. En Champagne, il a décroché trois titres nationaux (1958, 1960, 1962) et continué à empiler les buts, même si une grave blessure à un genou, survenue en octobre 1959, l’a contraint à ralentir la cadence. Accompagné de son acolyte rémois Just Fontaine, « Bout d’chou » a également rayonné en équipe de France (18 buts inscrits en 37 sélections), avec laquelle il a terminé troisième du Mondial 1958. Le sixième meilleur buteur de l’histoire de la D1 (203 pions en 394 matchs) s’en est allé le 26 mai 2018, à l’âge de 86 ans. À Nancy, une tribune du stade Marcel-Picot porte son nom.
#25 - Rachid Mekhloufi
Rachid Mekhloufi
Saint-Étienne (1954-1958 puis 1963-1968), SC Bastia (1968-1970)
Rachid Mekhloufi (ou Mekloufi) est une légende. Stéphanoise, algérienne, africaine. Alors qu’une carrière exceptionnelle l’attendait dans l’Hexagone (il était déjà un joueur qui comptait à Sainté et en équipe de France), Mekhloufi a tout plaqué en 1958, tirant même un trait sur une Coupe du monde, pour traverser illégalement la Méditerranée et intégrer l’équipe créée par le FLN (Front de libération nationale algérien), en pleine guerre d’Algérie. Natif de Sétif, ce footballeur pétri de talent n’a pas eu peur de tourner le dos à la gloire, pour un pays qui n’existait pas encore, mais était déjà sien. « J’ai passé quatre années de 1958 à 1962 avec des garçons, des hommes qui m’ont appris la vie, le football et beaucoup de choses, nous racontait-il en 2016 pour honorer sa première place de notre classement des 100 joueurs ayant marqué le foot africain. Et surtout, on a rencontré des chefs d’État, des peuples que je n’imaginais même pas découvrir. Ça m’a mis un peu de plomb dans la tête. […] C’est pour cela que lorsque je suis revenu en 1962, j’étais prêt pour le football professionnel, mais d’une autre façon. […] Saint-Étienne est ma deuxième ville de naissance. Ensuite, à partir du moment où il y a un cessez-le-feu, un accord de paix, je ne vois pas pourquoi j’irais ailleurs qu’en France, ailleurs qu’à Saint-Étienne. J’estime que je devais revenir pour dire merci aux joueurs que j’avais quittés quatre ans avant, les remercier de ne pas m’avoir rejeté. Mes coéquipiers ont été magnifiques, et la population a attendu le footballeur, pas le guerrier, le fellagha. »
Champion de France avec les Verts en 1957 avant son départ, l’attaquant polyvalent ajoutera trois autres titres lors de son retour après un passage en Suisse – marquant notamment 21 fois lors de l’exercice 1965-1966 – et sera le grand artisan de la Coupe de France soulevée en 1968 ( « La France, c’est vous ! » , lui soufflera le général de Gaulle au moment de la remise du trophée…). « J’ai été deux types de joueur, analyse Mekhloufi. Au début, j’étais un joueur opportuniste qui se jetait sur la moindre occasion pour marquer un but. Je ne pensais qu’à marquer. Par la suite, après l’épopée de l’équipe du FLN, je suis devenu un magicien. Un grand tacticien, un grand technicien tout en restant buteur aussi. Mon tempérament s’est amélioré, comme mon physique. Ma façon de voir le football s’est améliorée, donc c’était un acquis total. Dans l’équipe du FLN, j’étais entouré de garçons merveilleux comme (Mustapha) Zitouni (voir #97), (Abdelaziz) Ben Tifour (voir #308). Ils m’ont appris à jouer. Ils ne m’ont pas appris à tricher, mais à calculer le match, la fatigue. »
#24 - Gaëtan Huard
Gaëtan Huard
Lens (1980-1988), Marseille (1988-1991), Bordeaux (1991-1996)
Le 5 décembre 1992, Gaëtan Huard vit un calvaire. Au Parc des Princes, le gardien des Girondins est calamiteux, et son équipe prend une volée face au PSG (5-0). « Aujourd’hui, il y avait 40 000 spectateurs. J’ai fait 39 998 heureux et j’ai fait deux malheureux : mon père et ma mère » , lâche l’ancien Lensois à l’issue de la rencontre. Avant de promettre : « On finira meilleure défense du championnat. » Le pari paraît osé, a fortiori après une telle prestation. Et pourtant… À partir de ce moment, il faudra attendre plus de quatre mois – Philippe Sence l’avait suppléé à Metz (1-1), fin décembre – et une réalisation du Montpelliérain Aljoša Asanović, lors de la 31e journée, pour voir le portier bordelais aller chercher à nouveau un ballon au fond de ses filets en D1. Soit une série de douze rencontres et 1176 minutes sans encaisser le moindre but. Il s’agit de la plus longue période d’invincibilité de l’histoire du championnat, dont seul Vincent Enyeama (1062 minutes, en 2013) est parvenu à s’approcher depuis. Celui qui a décroché deux titres de champion de France avec l’OM (1989, 1990) a d’ailleurs tenu sa promesse, le FCGB bouclant l’exercice 1992-1993 avec la meilleure arrière-garde de l’élite (25 buts encaissés). Ou comment joindre le geste à la parole.
La réaction de Gaëtan Huard : « Je suis bien sûr très honoré, surtout par rapport à l’étendue de la période et au nombre de joueurs concernés. C’est une belle surprise, merci. »
#23 - Kylian Mbappé
Kylian Mbappé
Monaco (2015-2017), PSG (2017-)
Non, Kylian Mbappé n’est pas numéro un. Placer l’intéressé dans un classement figé est par ailleurs un exercice difficile. Encore trop jeune pour être cité parmi les plus grands, l’attaquant est pourtant trop performant pour ne pas l’être. « Prodige » , « génie » et autres superlatifs balisent en effet le parcours d’un garçon que l’on a programmé pour réussir depuis sa plus tendre enfance et dont les exploits n’ont de cesse de déjouer les règles du temps.
Dès lors, pas besoin de s’attarder sur l’historique d’une machine que l’on voit évoluer chaque semaine : champion de France et demi-finaliste de la Ligue des champions pour sa première saison complète en professionnel à l’AS Monaco (2016-2017), Mbappé faisait tomber un premier record de précocité en devenant le plus jeune buteur monégasque le 20 février 2016, contre Troyes, à 17 ans et 62 jours (performance jusque-là détenue par Thierry Henry). Les prémices de ce qu’allait être la trajectoire du supersonique, parti gagner et marquer en finale de Coupe du monde. À seulement 19 ans. Aujourd’hui au Paris Saint-Germain, le statisticien continue sereinement d’avaler les chiffres, symbolisés par une donnée établie la saison dernière : premier joueur de l’histoire à terminer meilleur buteur (28) et meilleur passeur (17) du championnat. Des temps de passage insolents, 216 buts inscrits (déjà) en professionnel (146 en Ligue 1) et pas grand-chose à ajouter. « Tu me parles pas d’âge. »
#22 - Thadée Cisowski
Thadée Cisowski
Metz (1947-1950 puis 1951-1952), Racing CF (1952-1953 puis 1954-1960), Valenciennes (1960-1961)
Ce n’est pas le plus connu parmi les anciens illustres attaquants de notre championnat, mais Thadée Cisowski est encore aujourd’hui le cinquième meilleur buteur de l’histoire de la première division (206 buts en 286 matchs, ça c’est du cyborg). Né en Pologne, à Łasków, il a vu son papa arriver en France, comme des centaines de milliers de Polonais, pour travailler dans les mines du Nord. La famille Cisowski est au complet à partir de 1935, et dès ses 14 ans, le jeune Thadée passe déjà ses journées à la mine de La Mourière, à Piennes, avec son père et ses frères. En parallèle, il tape le ballon sur le rectangle vert, se forgeant une petite réputation à l’échelle locale, avec notamment une légende racontant qu’il aurait marqué vingt buts en… une rencontre avec les jeunes de l’US Piennes. Il doit attendre ses 20 ans avant d’être repéré par des clubs professionnels, et choisit de signer au FC Metz en 1947, avec une belle prime de signature : une bouteille de mirabelle issue de la production personnelle du président Raymond Herlory. Le début d’une grande carrière, freinée trop souvent par des blessures, mais surtout rythmée par de nombreux buts.
La foire aux buts… et aux blessures
À Metz, celui que l’on surnomme désormais « Ciso » forme un duo détonnant avec Henri Baillot, déterminant dans l’opération maintien menée par les Grenats (75 pions). Thadée s’impose déjà comme un buteur redoutable et une belle personne, qui reste fidèle à son premier club quand celui-ci est relégué, ce qui lui permettra de gratter le titre symbolique de meilleur artilleur de D2. Un rayonnement national qui lui permet d’avoir l’immense honneur d’être appelé en équipe de France (13 capes, 11 buts), où il intégrera le cercle très fermé des joueurs à avoir claqué un quintuplé sous le maillot bleu en 1956, face à la Belgique. C’est aussi sous la tunique frappée du coq qu’il subit sa première grave blessure, une double fracture du tibia-péroné, qui mettra fin à son aventure messine. L’été suivant, le RC Paris arrive avec un chèque d’un peu plus de 10 millions d’anciens francs, un record à l’époque, pour s’attacher les services de Cisowski afin de remplacer Roger Quenolle. Pendant huit ans, il écrira sa légende au sein du club de la capitale, dont il est le meilleur buteur de l’histoire, avec trois saisons bouclées à la première place du classement des buteurs de D1 (1956, 31 buts ; 1957, 33 buts ; 1959, 30 buts). Comme à Metz, il accepte de passer une saison en D2 avec le Racing et trouve un copain, Jean Courteaux, pour briller à deux. Thadée est un buteur, un leader, un patron absolu d’un club qui ne lui permet malheureusement pas d’accéder au Graal, le titre de champion. Une case vide à son palmarès qui lui vaut souvent aujourd’hui le qualificatif de « roi sans couronne » .
« C’est un avant-centre comme les autres. Mais, dans les dix-huit mètres adverses, il est le meilleur avant-centre du monde » , disait de lui Sepp Herberger, le sélectionneur de la RFA, à une période où le championnat de France découvre un autre attaquant de folie : Just Fontaine. Celui qui compte 22 triplés en D1 (un record qui tient toujours) est de son côté plombé par les blessures, dont certaines très graves, et voit la Coupe du monde 1958 en Suède lui passer sous le nez, en même temps que Fontaine consolide son nouveau statut en inscrivant la bagatelle de treize buts pendant la compétition. Un coup du sort qu’il aura du mal à digérer et le plongera dans une certaine dépression, lançant ainsi le déclin d’une carrière tout de même exceptionnelle, ponctuée par deux dernières piges à Valenciennes et à Nantes, où il parvient encore à faire trembler quelques filets. À la fin des années 1950, il se confie dans une interview donnée à La Vie sportive : « C’est grâce à mon petit garçon que je joue encore au football. Il y a quelques mois, j’étais découragé. Je me sentais usé, vieilli. À cause de mes multiples blessures, je n’avais disputé que six matchs de championnat. J’ai été bouleversé par les paroles de mon fils. J’ai retrouvé la volonté que j’étais sur le point de perdre. Tout bien réfléchi, je ne suis pas insatisfait de ma carrière. » Thadée Cisowski s’est éteint à 78 ans, le 24 février 2005, et laisse derrière lui les souvenirs et les histoires d’un joueur exceptionnel que le championnat de France a la chance d’avoir pu compter dans ses rangs.
La réaction de Nathalie Cisowski, nièce de Thadée : « C’était une personne intègre, adorable, aimant et plein d’humour, plein de partage et qui aimait s’occuper de sa famille et des personnes. Il adorait se retrouver pour se ressourcer a Lavau-sur-Loire, petit village de Loire-Atlantique, où on se retrouvait tous, et faire des repas de famille. Il aimait la pêche, la chasse, etc. C’était vraiment un super oncle et merci pour pour lui d’en parler dans votre article, il aurait beaucoup apprécié. »
#21 - Raymond Kopa
Raymond Kopa
Reims (1951-1956 puis 1959-1964 et 1966-1967)
Que dire de Raymond Kopa… « Un visage d’ange pour un talent divin » , décrivait le Stade de Reims, club avec lequel le milieu offensif a remporté quatre championnats de France (1953, 1955, 1960, 1962). Kopa fait pétiller la Champagne, et se voit récompenser d’une troisième place au Ballon d’or en 1956. « Il est immarquable, si l’on peut dire, insaisissable, explique Gabriel Hanot, l’ancien sélectionneur des Bleus. Il appelle à lui, il organise, il change de rythme de course et d’orientation de dribble. Il hésite et temporise parfois pour laisser à son adversaire le temps de s’engager et à ses partenaires le loisir de se rapprocher de lui et d’anticiper. » Un magicien à ranger dans la catégorie des plus grands de tous les temps. « Kopa, c’était Messi » , esquissait Just Fontaine dans L’Équipe Magazine. Il ne dribble pas qu’un joueur. Il peut en dribbler trois ou quatre parce qu’il a une vivacité dans les gestes et le démarrage. » Une comparaison validée par l’intéressé, qui admettait « des similitudes dans le dribble » . Couronné dans la cité des rois, il a aussi été adoubé au Real, pour ne rien gâcher. Le Kopa del Rey.
Par Quentin Ballue, Jérémie Baron, Adel Bentaha, Raphaël Brosse, Clément Gavard et Steven Oliveira, avec toute la rédaction de SF