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Top 1000 : les meilleurs joueurs du championnat de France (190-181)
Quel est le meilleur joueur de l'histoire du championnat de France depuis sa création en 1932 jusqu'à 2022 ? Statistiques, palmarès, trajectoires personnelles, classe, dégaine, empreinte laissée : autant de critères qui nous ont permis d'établir notre classement très subjectif des mille joueurs les plus marquants de Division 1 et de Ligue 1. Le credo d'un feuilleton qui va durer précisément 100 jours.
#190 - Florian Thauvin
Florian Thauvin
Bastia (2012-2013), Marseille (2013-2015 et 2016-2021)
Certains appellent ça la Robben. Pour les amoureux du championnat de France, c’est une Thauvin. Car oui, Flotov n’a rien à envier au Néerlandais lorsqu’il s’agit de partir depuis le côté droit, faire un crochet pour se mettre sur son pied gauche et envoyer une frappe enroulée dans la lucarne opposée. Une marque de fabrique qu’il a façonnée à Bastia – où, pour sa première saison en Ligue 1, il a planté 10 pions dont 4 doublés et été élu meilleur espoir du championnat devant Marco Verratti -, avant de la perfectionner à l’Olympique de Marseille et non au LOSC comme ce qui était prévu à la base. Il y a eu deux périodes pour le champion du monde 2018 à l’OM. Une avant son transfert raté à Newcastle où il n’arrivait pas forcément à se montrer décisif malgré quelques matchs de haute qualité. Et une après où celui qui a réussi le plus grand nombre de dribbles en Ligue 1 sur la période 2010-2019 (485) a fait le bonheur des supporters de l’OM et des utilisateurs de MPG qui mettaient des sommes folles pour se l’arracher. En même temps, il n’existe pas beaucoup de milieux – même s’il jouait ailier dans la vraie vie – capable de claquer une saison de Ligue 1 à 22 buts et 11 passes décisives comme Flotov l’a fait en 2017-2018 où il a terminé 2e meilleur buteur du championnat et 4e meilleur passeur. Un double-double qu’il était tout proche de réaliser la saison précédente (15 buts 9 passes D) et suivante (16 buts 8 passes D). C’est bien simple, à ce moment-là, le meilleur buteur de l’OM sur la décennie 2010-2019 se montrait décisif quasiment à chaque match. D’ailleurs, sans la climatisation d’Edinson Cavani sur coup franc à la dernière seconde, tout le monde se serait souvenu du but du 2-1 de Thauvin qui aurait permis à l’OM de s’imposer face au PSG au Vélodrome pour la première fois depuis 2011. Tant pis, Flotov s’est rattrapé 3 ans plus tard, en 2020 en étant l’unique buteur de la victoire marseillaise au Parc des Princes (0-1) qui a mis fin à une vilaine série de 20 Classiques consécutifs sans victoire pour les Olympiens. Preuve, s’il en fallait encore une, de l’immense impact de Florian Thauvin à l’OM et sur le championnat de France qui manque désormais cruellement d’une patte gauche capable d’envoyer un amour de frappe enroulée dans la lucarne. Et si Messi ou Nicolas Pépé arrivent à le faire dans les prochains jours, merci de ne pas appeler ça la spéciale Robben, mais bien la spéciale Flotov.
#189 - Édouard Kargu
Édouard Kargu
Bordeaux (1949-1956)
Édouard Kargulewicz – dit Kargu – est une figure des Girondins. Artisan de la montée dans l’élite (1949) et dans la foulée du tout premier titre bordelais en D1 (en 1950, avec 17 buts), meilleur buteur du championnat en 1953-1954 avec pas moins de 27 pions (ce qui en fait encore aujourd’hui le meilleur buteur girondin sur une saison de D1), le natif de Gorki (Pologne) à la frappe de bourrin a marqué son époque, lui qui sera également vice-champion de France (1952) et deux fois finaliste de la coupe nationale (1952 et 1955). L’homme aux 141 caramels sous le maillot au scapulaire (dont 105 en première division) et aux onze capes en équipe de France – il avait été naturalisé – décèdera en mars 2010, à l’âge de 84 ans, du côté de Camblanes-et-Meynac. En Gironde, évidemment.
#188 - Alexandre Lacazette
Alexandre Lacazette
OL (2009-2017 puis 2022-)
Le 5 mai 2010, à Gerland, et alors que l’OL, troisième, est tenu en échec par Auxerre, deuxième, Claude Puel décide de faire entrer un jeune attaquant, avec le numéro 38 floqué dans le dos. Quelques minutes après ses premières foulées en professionnel, Alexandre Lacazette voit Miralem Pjanić donner l’avantage aux Gones, qui finiront dauphins des Phocéens cette saison-ci.
Cinq mois plus tard, toujours à Gerland, il marque face à Sochaux le premier de ses 136 buts avec l’OL. La minute ? La 69e, évidemment pour le Lyonnais. Au fur et à mesure des saisons, il prend de l’importance au sein de l’attaque lyonnaise, aux côtés de « Licha » , de Bafétimbi Gomis, puis de Nabil Fekir et Memphis Depay. C’est lors de la saison 2014-2015 qu’il s’affirme comme le patron de Lyon, en terminant meilleur buteur du championnat avec 27 buts, en étant nommé meilleur joueur de la saison (le seul non-Parisien depuis l’arrivée de QSI), et en luttant longtemps avec le PSG pour le titre.
Pour la dernière campagne de sa première vie à l’OL, il claque 28 pions puis traverse la Manche pour rejoindre Arsenal. Un passage dans la cour des grands qui n’a pas été franchement concluant, même s’il n’est pas tombé dans la meilleure période de l’histoire des Gunners. L’été dernier, le Guadeloupéen a donc pris son billet retour pour la capitale des Gaules où il tente, tant bien que mal, de montrer la voie à une équipe jeune.
#187 - Bernard Zénier
Bernard Zénier
Metz (1974-1978 puis 1986-1991), Nancy (1978-1983), Bordeaux (1983-1984), OM (1984-1986)
Comme son père Serge, Bernard Zénier a lancé sa carrière au FC Metz. Et pas n’importe comment… « C’était un rêve pour moi de jouer en D1, et les jours précédents mon premier match, je ne pensais qu’à ça. Je ne dormais plus la nuit » , expliquait-il sur le site des Grenats. Malgré son déficit de sommeil, l’attaquant ne rate pas ses débuts en marquant à 16 ans, contre l’Olympique lyonnais, battu 3-1 ce jour d’août 1974. Quatre ans plus tard, il déménage chez le voisin nancéien, où il explose devant le but : 15 pions en 1978-1979, 16 en 1980-1981, 13 en 1981-1982. Suivent une pige à Bordeaux, où il devient champion de France (1984), et deux ans à Marseille, avant de revenir au bercail. En 1987, il s’offre le titre de meilleur buteur du championnat avec 18 réalisations, devant Philippe Fargeon et Gérard Buscher. « La presse m’a seriné pendant 15 ans en me disant que c’était le plus petit total de l’après-guerre (pour un meilleur buteur). Sauf que quand Pauleta, qui est un grand buteur, l’a été en marquant 15 buts, personne n’a rien dit. C’est bizarre, ça me fait sourire. En plus, je ne jouais pas attaquant de pointe, je jouais plutôt numéro 10. Donc 18 buts pour un milieu offensif, je pense que c’était pas trop mal » , pointait-il dans le podcast Mon stade à moi. Un joli fait d’armes dans une carrière riche de 130 buts dans l’élite, sublimée par cinq sélections en équipe de France et une victoire en Coupe de France en 1988.
#186 - Georges Dard
Georges Dard
Marseille (1935-1937, 1938-1939, 1945-1948, 1949-1954), Sète (1937-1938)
Impossible de dissocier son nom de celui de sa ville. Georges Dard est né à Marseille. Il y est aussi décédé, 82 ans plus tard. Et entretemps, il y a joué au football. Beaucoup. Longtemps. Le fils de Gabriel Dard (qui a été président de l’OM de 1924 à 1935) était ainsi du premier titre de champion de France ramené sur la Canebière, en 1937. L’ailier droit, lui, a progressivement conquis le cœur des habitués du Vélodrome, séduits par ses qualités de percussion, sa pointe de vitesse et la précision de ses centres. Exception faite d’une pige à Sète et d’un passage aussi bref qu’oubliable au FC Séville, l’international français a porté les couleurs olympiennes pendant la totalité de sa longue carrière, qui s’est étendue du milieu des années 1930 à celui des années 1950. Également sacré champion en 1948, le Marseillais de toujours a empilé 330 matchs avec les Ciel et Blanc (en comptant la sombre période de guerre), inscrivant la bagatelle de 106 buts. Dans la grande et riche histoire du club phocéen, ils sont fort peu nombreux à afficher de telles statistiques.
#185 - Christophe Revault
Christophe Revault
Le Havre (1991-1997), PSG (1997-1998), Rennes (1998-2000), Toulouse (2000-2001 puis 2003-2006), Rennes (2006-2007), Le Havre (2008-2009)
Peu importe ce que Météo-France avait annoncé la veille, il a plu sur toute la France, le 6 mai 2021. Encore un peu plus fort du côté du Havre, Paris, Rennes et Toulouse, où les larmes ont coulé à flots au moment de l’annonce du décès de Christophe Revault, gardien iconique des années 1990 et 2000. Il faut dire que le natif du 12e arrondissement de la capitale a marqué tous les clubs par lesquels il est passé.
L’histoire commence au Havre, en 1988. Arrivé au club à 16 ans, Revault soulève la Coupe Gambardella un an plus tard, l’épopée normande étant marquée par quatre victoires aux tirs au but, dont une en finale face au PSG (0-0, 4-2 TAB). Le genre de détail qui permet de comprendre le rôle endossé par Revault lors de cette aventure. Trente-trois ans plus tard, et malgré la qualité de sa formation, le HAC n’a toujours pas remporté cette compétition. En trente-trois ans, le HAC a toutefois eu le temps de voir le statut de Christophe Revault passer de jeune adolescent mal coiffé à légende incontestée du club. L’homme à la voix grave, aux sourcils froncés et aux mains de fer s’impose naturellement en équipe première en succédant à Fabien Piveteau. Le résultat est probant : il est élu trois fois de suite meilleur gardien de Division 1 par France Football entre 1995 et 1997. Ce n’est un secret pour personne : Christophe Revault fait partie des meilleurs gardiens français. C’est donc tout naturellement que le Paris Saint-Germain décide de le recruter à l’été 1997. À 25 ans, il réalise un petit rêve, lui dont le père bossait comme stadier au Parc des Princes quelques années plus tôt. Entre Paris et Revault, l’amour ne durera toutefois qu’un an. La faute à un match catastrophique en Ligue des champions face au Bayern Munich, combiné à un manque d’indulgence de ses dirigeants et à une cabale médiatique symbolisée par Les Guignols de l’Info, qui s’acharnent courageusement sur l’homme le plus gentil du monde. Il y a ceux qui s’endurcissent dans ce genre de cas, et ceux qui ont plutôt tendance à fondre à la lumière des projecteurs. Christophe Revault se situe un peu au milieu de ces deux mondes-là. Chassé de Paris, il rate du même coup le train pour la Coupe du monde 1998, alors que son ascension laissait deviner qu’il était un candidat légitime pour une chambre à Clairefontaine.
Une fresque à Rennes, une tribune à Toulouse : Revault toujours présent
Dès lors, il rebondit à Rennes, où ses deux années (1998-2000) sont suffisamment correctes pour que son visage apparaisse au milieu des meilleurs gardiens de l’histoire du Stade rennais, sur une fresque dessinée en 2022 au Roazhon Park. Christophe Revault a 28 ans et va de nouveau connaître la passion, à Toulouse, là où une tribune porte aujourd’hui son nom. Durant chaque seconde des six années qu’il a vécues avec Revault dans sa cage, le Téfécé a su cajoler son divin chauve à sa juste valeur. Non seulement le portier brille de mille feux sur sa ligne, mais lorsqu’il décide de rester au club après une saison malgré la relégation administrative en National, Toulouse comprend à qui il a affaire : un sentimental. Après deux montées de suite, le spectaculaire dernier rempart du Stadium goûte à trois saisons de Ligue 1 avant de revenir au Havre, parce qu’il faut bien boucler la boucle. Du haut de ses 35 ans, Revault rappelle aux vieux supporters havrais celui qu’il a été quelques années plus tôt avec ses copains de la Gambardella : il a la même énergie, la même voix et son talent est suffisamment présent pour envoyer le HAC en Ligue 1 à l’été 2008. Et tant pis si la saison suivante, la dernière complète de sa carrière, se finira par une relégation. Car Revault n’envisageait pas l’après-carrière ailleurs qu’au chevet du HAC. Alors, il a occupé tous les postes possibles : directeur sportif, entraîneur intérimaire, recruteur ou conseiller du président. À chaque fois avec la même dévotion. Ce n’était évidemment pas qu’une vulgaire histoire de professionnalisme. Ce n’était même pas une histoire d’amour. C’était bien plus que ça. C’était Christophe Revault.
#184 - Mario Zatelli
Mario Zatelli
OM (1935-1938 puis 1945-1948), RC Paris (1938-1939), Toulouse (1940-1943 puis 1944-1945)
Mario Zatelli a connu deux passages à l’Olympique de Marseille. Trois ans à chaque fois. Suffisant pour marquer un club, ses supporters et les statistiques. D’origine italienne, l’attaquant voit le jour en Algérie française, à Sétif, mais grandit au Maroc. Formé à l’US marocaine, il s’attire les faveurs de Charles Elkabbach, recruteur de l’OM en Afrique du Nord. Pour ne pas éveiller les soupçons des dirigeants de l’USM, Zatelli et son coéquipier Georges Janin, également sur les tablettes marseillaises, négocient avec les Phocéens par télégrammes interposés. Dans les documents, leurs prénoms sont ainsi féminisés, afin d’éviter tout contrôle. Des échanges intempestifs, qui pousseront cependant la gendarmerie nationale à enquêter, pensant alors à un trafic de femmes.
Bon gré, mal gré, les négociations aboutissent et « le beau Mario » s’engage avec l’OM à l’été 1935. Jusqu’en 1938, il y disputera alors 76 matchs et inscrira 64 buts. Les statistiques sont belles, au même titre que le palmarès, garni en 1938 d’un sacre en D1 et d’un succès en Coupe de France. De quoi aiguiser l’intérêt du nouveau riche : le RC Paris.
Zatelli rallie en effet la capitale pour 380 000 francs, en faisant le transfert le plus cher de l’époque, pour une seule saison finalement, puisqu’en 1939, la guerre met le monde à l’arrêt. Dans les mois précédant les affrontements, il s’offrira son unique cape en Bleu (en amical contre la Pologne, avec un but marqué dans ce succès 4-0). S’ensuivent quelques tours de piste à Toulouse ou avec l’équipe fédérale Marseille-Provence (formation mise en place par le régime de Vichy pour les joueurs professionnels évoluant dans le Sud) afin de garder la forme, avant de retrouver l’OM, en 1945. Une deuxième expérience victorieuse, puisqu’il est de nouveau champion de France, en 1948 (33 réalisations en 58 matchs). Grand joueur, Mario Zatelli poursuivra le parcours dans son costume d’entraîneur. Tout aussi immense.
#183 - Lucien Muller
Lucien Muller
Strasbourg (1954-1957), Toulouse (1957-1959), Reims (1959-1962)
Dans sa jeunesse, Lucien Muller rêvait de Ferenc Puskás. Il est finalement devenu « le Petit Kopa » . Dès sa première saison en D1, le meneur de jeu de Strasbourg sort du lot avec huit buts, et le Racing se classe quatrième. Par la suite, en Alsace comme à Toulouse, il ne peut jouer mieux que le milieu de tableau. Mais sa fantastique saison 1958-1959, ponctuée de 13 buts, lui ouvre les portes du Stade de Reims. Muller surfe sur la vague en Champagne, où il remporte deux titres de champion en 1960 et 1962. À la recherche d’un « milieu de terrain qui donnait bien le ballon » , Alfredo Di Stéfano finit par tomber sous le charme de l’élégant Bischwillerois. Et de lui offrir l’opportunité de taper le cuir avec Puskás. Le championnat de France s’était régalé à voir Lucien Muller jouer, l’Espagne avait aussi le droit de s’en délecter.
#182 - Yannick Stopyra
Yannick Stopyra
Sochaux (1977-1983), Rennes (1983-1984), Toulouse (1984-1988), Bordeaux (1988-1989), Cannes (1989-1991), Metz (1991-1992)
Yannick Stopyra grandit en Bretagne, mais c’est à l’autre bout du pays qu’il pointe le bout de son nez dans le foot professionnel. Le jeune attaquant n’a que 16 ans quand il est lancé dans le grand bain de la D1, avec Sochaux. Aux côtés de Philippe Anziani, le Lionceau connaît des premiers pas prometteurs, inscrivant quatorze buts lors de la saison 1979-1980, qui voit la formation franc-comtoise terminer deuxième du championnat. Ses performances lui permettent de s’ouvrir les portes de l’équipe de France. S’il n’est pas un incontournable aux yeux du staff tricolore, qui le laisse parfois de côté, le joueur à la longue chevelure explose lors de la Coupe du monde 1986, que les Bleus finissent sur la troisième marche du podium et à l’issue de laquelle il est nommé dans l’équipe type du tournoi. À l’époque, il évolue au TFC, et même Diego Maradona, en amont d’un match de Coupe d’Europe, le reconnaît. « & Je le croise pendant qu’il discute avec Alberto Tarantini, mon compagnon de chambre à Toulouse, et je suis admiratif, raconte l’avant-centre violet au Télégramme. Il me voit et me dit : « Hola Yannick ». C’est peut-être le plus beau compliment qu’on m’ait jamais fait. Sans que je ne parle, sans qu’on ne lui dise qui je suis, il m’a reconnu direct. Là, je me suis dit, c’est bon, je suis accepté dans le gotha ! » Malgré plusieurs exercices prolifiques et un total de 132 buts dans l’élite en carrière, Stopyra décline à 27 ans, ne parvenant pas à donner son plein rendement à Bordeaux, Cannes ou Metz. Qu’importe, au fond : « D10S » en personne l’a reconnu.
#181 - Raymond Keruzoré
Raymond Keruzoré
Rennes (1968-1973), Marseille (1973-1974), Rennes (1974-1975), Laval (1976-1979), Brest (1979-1980)
Raymond Keruzoré, c’est une histoire bretonne, et aussi un peu mayennaise. C’est le parcours d’un intellectuel sur et en dehors du terrain, comme le prouve le début d’une carrière passée entre des matchs avec le Stade rennais et ses études de chimie. « Si j’ai finalement opté pour le Stade rennais et non pour le FC Nantes, c’est parce que le club véhiculait une certaine image bretonne, avec un style de jeu très offensif prôné par son entraîneur Jean Prouff. Mais ce qui me plaisait également, c’est que Rennes avait une tradition de jeunes étudiants bretons, racontait-il à Stade rennais Online. J’ai obtenu ma licence en sciences dès 1970. J’ai été convoqué ensuite par Jean Prouff durant l’été, et je me suis alors rendu compte que jouer au football me plaisait vraiment. Du coup, j’ai écourté mes vacances pour m’entraîner sérieusement avec le groupe professionnel. Entre-temps, « Monsieur Jean » m’avait signifié qu’il comptait sur moi pour la reprise du championnat. Dans ma tête, j’ai ainsi décidé de faire du football mon métier. En outre, j’avais pris la température la saison d’avant comme étudiant. Je savais donc ce qu’il me restait à faire pour progresser. À l’époque, il fallait surtout se faire accepter par les piliers de l’équipe. À Rennes, il s’agissait de Pierre Garcia, d’André Betta et de Marcel Aubour un peu plus tard. Ce sont les évènements qui m’ont propulsé plus haut, mais je me suis vite rendu compte que j’étais au niveau. J’adorais les entraînements, ils me donnaient confiance en moi. Je me sentais à l’aise sur le terrain. Je jouais dans une belle équipe, et je prenais beaucoup de plaisir au contact de très bons joueurs. »
Keruzoré devient alors le maître à jouer des Rouge et Noir, participant notamment au parcours victorieux en Coupe de France en 1971. Deux ans plus tard, il est cependant contraint de quitter le club breton pour renflouer les caisses et le sauver de la faillite. Il atterrit donc à l’OM, où il connaît des difficultés d’adaptation et réalise une saison mitigée avant de… revenir à Rennes. Pour un an seulement, cette fois, dans un contexte conflictuel avec le président Bernard Lemoux, qui le surnomme même « le sorcier maoïste » et fait la chasse aux intellectuels de l’effectif rennais. Il prend donc le chemin de Laval, où il entretient sa réputation de joueur élégant et terriblement fin techniquement, au point d’être désigné joueur du siècle des Tangos en 2002. Une belle récompense pour cet amoureux du Brésil 1958 de Pelé et Garrincha. Avec sa crinière, son style et sa gentillesse, le Finistérien charme le public lavallois, qui le lui rend bien : « On avait une équipe très intelligente, ce qui nous permettait de déplacer les montagnes. C’est vrai que j’ai vécu une belle histoire d’amour avec le public lavallois. Dès mon premier match à Le Basser, les supporters entonnaient déjà des « Keru, Keru » . Ce sont des souvenirs qui marquent. C’était très fusionnel. Je n’avais jamais connu cela ailleurs. À l’époque, il y avait une grosse rivalité entre Laval et Rennes. D’ailleurs, quand on monte en D1, le Stade rennais retrouve la D2. C’était un joli pied de nez de l’histoire. » Il terminera sa route à Brest, étant enquiquiné par quelques blessures et préparant sa reconversion comme entraîneur. L’année dernière, la ville de Carhaix lui rendait hommage en inaugurant une statue de bronze à son effigie et symbolisant son célèbre extérieur du pied. C’est bien ce qu’il fallait pour cette icône du football breton.
En 1979, il part pour Brest avec qui il évoluera pendant deux saisons dont une dernière décevante à cause de blessures récurrentes. Ce véritable maître à jouer aura également le privilège d’être appelé à deux reprises en équipe de France. 1981 sera son année de transition, car après avoir quitté Brest, il partira pour Guingamp où il prendra le poste d’entraîneur-joueur durant cinq saisons. Sa carrière de joueur se terminera en 1986, année durant laquelle il signera à Brest en tant qu’entraîneur principal. Pour la saison 1987-1988, il est appelé au chevet du Stade rennais afin d’aider ce dernier à retrouver une place dans l’élite. Ce sera chose faite à l’issue de l’exercice 1989-1990, Rennes terminant 1er de son groupe de 2e division. Mais la saison 1990-1991 en D1 va s’avérer catastrophique pour les Rennais et leur entraîneur, puisque ces derniers termineront derniers du championnat, mais seront finalement repêchés à la suite des rétrogradations administratives de trois autres équipes. Malheureusement, à la suite de certaines mésententes avec les dirigeants et les joueurs, il sera démis de ses fonctions d’entraîneur et sera remplacé par Didier Notheaux pour la saison 1991-1992. Sa carrière sur le banc continuera ensuite à Tours (1992-1993) puis à Quimper (1994/1997) et enfin en amateur à Carhaix (1998-1999) où il effectuera sa dernière année dans un rôle d’entraîneur. À la suite de problèmes de santé, il se verra contraint d’arrêter son métier dans le monde du football.
Désigné joueur du siècle au Stade lavallois en 2002, vainqueur de la Coupe de France avec le Stade rennais en 1971, Raymond Keruzoré, deux sélections en équipe de France, est une véritable légende du football breton, connu pour son caractère bien trempé, son élégance et sa technique exceptionnelle.
Black-listé partout, celui que Lemoux surnomme la « sorcière maoïste » trouve finalement un point de chute à Laval, qui est aussi en D2. Offensif et déroutant, mais aussi hargneux et peu enclin à accepter certaines choses sans rechigner, Keruzoré se relance en Mayenne. Poète du jeu, alternant jeu court et jeu long, le milieu de terrain emmène les Tangos en première division. Le public du stade Francis Le Basser adule son capitaine et meneur de jeu par sa gentillesse, sa simplicité ainsi que par ses valeurs sportives et humaines. Sous les ordres de Michel Le Milinaire, ce maître à jouer qui transpirait l’intelligence fait une saison 1976-1977 exceptionnelle, ce qui lui vaut d’être récompensé de l’Étoile d’or France Football et d’être appelé en équipe de France à deux reprises. En 1976 contre l’Éire, puis deux ans après contre l’Iran. Il figure même dans la liste des présélectionnés pour la Coupe du monde 1978 en Argentine, mais ne sera finalement pas retenu. La concurrence était trop forte avec Michel Platini, voire Jean-Marc Guillou, sachant qu’Henri Michel et Dominique Bathenay étaient indétrônables et que Jean Petit sortait d’une saison énorme avec Monaco, il aurait effectivement pu prendre la place de Claude Papi, mais l’épopée bastiaise pesait trop lourd. Dur de s’imposer devant de magnifiques techniciens.
Le Finistérien effectue une dernière saison à Laval, avec un maintien encore obtenu à l’arrachée en grande partie grâce à lui et ses sept buts en championnat. Son passage en Mayenne restera comme l’apogée de sa carrière puisqu’il sera élu Tango du siècle par les supporters du club lavallois. Après deux autres saisons à Brest, il raccroche les crampons à Guingamp où il commence sa reconversion comme entraîneur. Fait rare, Raymond Keruzoré est le premier footballeur français statufié de son vivant. Raymond Kopa, en 2018 à Reims, puis Jean Prouff à Rennes et enfin Henri Michel à Nantes n’ont en effet connu cet honneur qu’à la suite de leur décès. La statue de bronze mesurant 2 mètres 30 de haut et le représentant en action, frappant un ballon de l’extérieur du pied, trône à quelques mètres de l’entrée du stade Charles-Pinson à Carhaix. Il présente aussi la particularité de n’avoir récolté ni carton jaune ni carton rouge au cours de sa longue carrière
Par Quentin Ballue, Jérémie Baron, Adel Bentaha, Raphaël Brosse, Clément Gavard et Steven Oliveira, avec toute la rédaction de SF