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Top 1000 : les meilleurs joueurs du championnat de France (10-4)
Quel est le meilleur joueur de l'histoire du championnat de France depuis sa création en 1932 jusqu'à 2022 ? Statistiques, palmarès, trajectoires personnelles, classe, dégaine, empreinte laissée : autant de critères qui nous ont permis d'établir notre classement très subjectif des mille joueurs les plus marquants de Division 1 et de Ligue 1. Le credo d'un feuilleton qui va durer précisément 100 jours.
#10 - Jean-Luc Ettori
Jean-Luc Ettori
Monaco (1975-1976 puis 1977-1994)
Un club, l’AS Monaco. Dix-sept saisons de rang à faire des allers-retours à La Turbie en deux-chevaux et à garder les bois asémiste, de 1977 à 1994. Trois titres de champion, autant de Coupes de France, trois places de vice-champion, une finale de C2 et une étoile d’or France Football, en 1990. Une crinière. Et un record qui tiendra pendant vingt ans : celui des 602 rencontres en première division. Voilà ce que représente Jean-Luc Ettori. « J’ai été capitaine pendant onze ans, nous relatait-il en 2017. C’est quand même une grosse fierté d’être l’homme d’un seul club, même si c’est quand même plus facile de jouer à Monaco plutôt qu’à Dunkerque. J’ai eu la chance de jouer dans une équipe qui jouait toujours les premiers rôles. Je n’avais pas de raison d’aller voir ailleurs. J’étais le garant d’un certain état d’esprit. J’ai joué avec trois générations de joueurs, donc j’étais le pont entre elles. Je leur faisais comprendre que porter le maillot de Monaco, c’était différent que de porter celui de Saint-Étienne ou autre. Vous portez les couleurs d’un club, d’une ville et d’un pays aussi. C’est le drapeau de la principauté. Ce sont des responsabilités supplémentaires. […] C’est quelqu’un qui a un attachement profond à la famille princière, à son petit pays. Ça transpire au niveau du club et des joueurs, mais après il faut aussi que le joueur ait la volonté de s’imprégner de ça. Tout le monde n’y arrive pas. J’ai joué avec des générations de joueurs qui l’étaient vraiment. Je ne dirais pas qu’on était en mission, mais presque. »
Le gardien de France-RFA 1982 était pourtant parti de plus loin que les autres, avec son modeste mètre 73 : « Si, à l’époque, il n’y avait pas que des gardiens de grande taille, c’est vrai qu’avec la mienne, si je n’avais pas eu cette détente, ça aurait quand même été compliqué. Je l’ai développée à l’INF Vichy. J’étais un peu kamikaze, mais je possédais une bonne lecture du jeu. Le foot a pas mal évolué. Mes qualités physiques ont fait que j’ai pu m’adapter. À l’époque, il y avait plus d’espace. C’était plus facile de se déplacer. Les gardiens de but d’un petit gabarit pouvaient exister. » Amoureux du Rocher (il est d’ailleurs deuxième de notre classement des 50 joueurs ayant marqué l’histoire de l’ASM), le natif de Marseille a promis fidélité au club à la diagonale, quel qu’en soit le prix. « Il y a eu quand même des matchs où c’était plein, mais je dirais que ça fait aussi partie des qualités qu’il faut avoir pour jouer à Monaco : il ne faut pas chercher dans les tribunes le soutien, mais au fond de son ventre, au fond de son estomac. C’est toujours plus difficile de s’imposer dans une équipe comme Monaco que partout ailleurs. Il n’y a pas cette pression des supporters, mais quand vous allez chez le boulanger, le poissonnier ou chercher des légumes, vous entendez toujours : « Les gars, il faut s’accrocher. » Ça existe quand même. Quand vous jouez et que vous avez 40 000, 50 000 personnes qui vous poussent, c’est toujours plus facile d’aller plus haut, plus vite, plus loin. En Principauté, ce n’est pas ça, il faut aller chercher ça ailleurs : dans le travail toute la semaine, dans nos tripes, dans le collectif, titulaires comme remplaçants. » Et si c’était ça, le véritable amour du maillot ?
#9 - Manuel Amoros
Manuel Amoros
Monaco (1980-1989), OM (1989-1993 puis 1995-1996), OL (1993-1995)
Au poste de latéral droit, difficile de trouver plus complet que Manuel Amoros. En France, évidemment, mais dans le monde, également. Véritable pile électrique, aux cuisseaux supersoniques, le « Petit prince » s’est hissé au rang des plus grands, de Monaco à Marseille. Quand il est lancé dans le bain, au soir du 26 septembre 1980 face à Laval, Amoros est alors un fringant adolescent de 18 ans. « Monaco, c’est un pays, mais aussi un petit village. Tout le monde se connaît. À l’époque, certains joueurs vivaient chez l’habitant parce qu’il n’y avait pas de centre de formation. Cinq autres et moi-même étions dans un hôtel tout en haut, sous les toits, dans des préfabriqués. C’était bien, correct. On avait une vue exceptionnelle sur le port de Monaco. Les 25 joueurs se retrouvaient pour les repas dans un restaurant qui s’appelait le Biarritz. On déjeunait vers 8 heures, 9 heures. On partait au stade Louis-II se changer, puis on avait entraînement à 10 heures » , nous racontait-il avec un brin de nostalgie.
Pur produit de la Turbie, l’Héraultais d’origine espagnole n’est pourtant pas prédestiné à réaliser telle carrière dans son couloir. « Pendant ma formation, je n’avais pas de formation prédéfinie en réalité. À travers ma formation, j’ai pu m’adapter à tous les postes qu’on m’a demandé d’occuper, tant bien que mal parce que je n’ai pas fait que des matchs exceptionnels » , résumait l’intéressé. Rapide et combatif, ce profil de chien fou séduira finalement Gérard Banide, qui le placera définitivement en latéral. « Avec Gérard Banide, lors de ma formation à Monaco, on discutait beaucoup autour de mon poste réel. Je pouvais jouer défenseur, milieu ou attaquant, donc Monsieur Banide m’a dit : « Tu vas te positionner sur un côté, au poste de latéral gauche. Tu as le physique pour faire des allers-retours en permanence, de la qualité technique, un pied gauche qui peut amener des centres ou tu peux éventuellement rentrer sur ton pied droit et frapper. » C’est vrai qu’il m’a fallu quelques matchs pour m’adapter, mais après, ça a été tout seul et, finalement, j’ai joué beaucoup plus côté gauche qu’à droite. »
Un bagage solide, venu lui offrir 348 apparitions en rouge et blanc (quatrième joueur le plus capé de l’histoire du club), deux titres de champion en 1982 puis 1988 et une Coupe de France en 1985. Des trophées en pagaille, mais également des buts. 42 plus précisément, un joli total pour un défenseur. « Une année, j’ai marqué huit buts en une saison. Comme j’étais assez offensif, je me permettais de marquer des buts et puis j’évoluais avec Bruno Bellone sur mon côté. Il savait comment je jouais. Il me laissait l’opportunité de prendre le couloir et restait un peu plus défensif au cas où je perdais le ballon, ou en cas de contre-attaque. » Pour couronner ce passage sur le Rocher, Amoros s’inscrira surtout comme l’un des leaders de l’équipe de France de Séville 1982, de Guadalajara 1986 et de l’Euro 1984. Un tournoi qu’il aurait d’ailleurs pu complètement manquer, après avoir asséné un coup de tête au Danois Jesper Olsen, en match d’ouverture. Suspendu trois matchs, il goûtera heureusement au plaisir de la finale, grâce à Patrick Battiston, qui simulera une blessure en fin de partie afin de le faire participer. « Patrick est venu me voir à la fin du match en me disant : « Je voulais te faire participer à cette finale. » Patrick, c’est quelqu’un de très bien, très attachant, très affectif. C’est vrai qu’il a simulé cette blessure. Michel Hidalgo ne comprenait pas qu’il veuille être remplacé. C’est le geste d’une équipe, d’un coéquipier qui voulait faire participer tout le monde à cette grande fête. »
Le tour de la Principauté complété, Amoros, 27 ans, prendra la voiture pour rallier l’OM à l’été 1989. 147 matchs et trois sacres nationaux successifs (1990, 1991 et 1992) jusqu’en 1993, malgré un contexte compliqué. « Contre Belgrade, c’est vrai que c’était un moment important, une finale. Enfin, je pense que ce n’est pas là où le match s’est perdu, en évoquant son tir au but manqué face à l’Étoile rouge, en finale de la C1 1991. On a eu beaucoup, beaucoup d’occasions qu’on n’a pas su concrétiser. Et puis Tapie n’a pas bien fait l’équipe, puisque c’est lui qui la composait. Quand tu laisses Stojković sur le banc parce que tu penses qu’il va être acheté par l’Étoile rouge, que tu écartes Jean Tigana alors qu’il avait fait une saison exceptionnelle, c’est se mettre dans la difficulté. » Une légère amertume, tout comme pour la victoire de 1993, à laquelle il ne fut même pas invité par Bernard Tapie. « C’est un choix de Tapie de me laisser à la maison, mais je suis aussi fier d’avoir participé au début de la campagne. J’étais déçu sur le moment, mais super heureux pour mes coéquipiers. Je pense que Tapie aurait pu nous inviter parce que je n’étais pas le seul à ne pas assister au match. » Peu importe, Manuel Amoros aura déjà acquis son statut de légende.
#8 - Henri Michel
Henri Michel
Nantes (1966-1982)
Tellement légendaire qu’une statue en son honneur trône devant l’entrée officielle de la Beaujoire. Élu meilleur joueur de l’histoire du FC Nantes à l’occasion du 75e anniversaire du club, Henri Michel a porté le maillot des Canaris à 532 reprises en D1 (pour 81 buts). Un record qu’il partage avec Jean-Paul Bertrand-Demanes. « À son contact, j’ai beaucoup progressé au football, mais surtout humainement, nous confiait JPBD en 2018, après le décès de son ancien coéquipier, en 2018. C’était un leader sur le terrain et dans la vie. À Nantes, c’était le boss. Le seul que j’ai vu élever la voix face au président Fonteneau, c’était lui. En même temps, il était le seul à pouvoir se permettre une telle prise de bec. » Capitaine iconique d’une équipe restée invaincue à domicile pendant 92 matchs entre 1976 et 1981, le milieu relayeur garnit son palmarès de trois titres de champion (1973, 1977, 1980) et d’une Coupe de France (1979) en Loire-Atlantique. Brillant catalyseur du jeu à la nantaise, Henri Michel a baladé le maillot jaune pendant 16 années avec une élégance folle.
Jean-Claude Suaudeau affirme sans détour que le joueur formé à Aix-en-Provence « avait le talent de Beckenbauer » . Patrice Rio parle quant à lui d’un « Platini bis. Il avait la même clairvoyance. Avant même de recevoir un ballon, il savait déjà à qui il allait le passer. » Par-dessus tout ça, une dose de William Ayache : « Henri, c’était le talent, la beauté, la générosité, la spontanéité. Il avait tout, le mec : il était bon, il était beau, il savait parler, il était élégant, il dégageait une aura. Quand vous débarquez à 17-18 ans, il est là, capitaine de l’équipe de France, mais quand même proche des jeunes avec toujours un petit mot d’encouragement. Je jouais juste derrière lui, lui en 8, moi en 2. Imaginez-vous, j’avais peur de lui faire une passe. C’est dire le charisme que dégageait le type. Je me disais : « Mais putain, si je lui fais une mauvaise passe, il va m’engueuler. » Mais au contraire, il t’encourageait. Pour ma génération, il représentait tout, Henri. Moi, je croyais qu’il était immortel. » Au fond, il l’est.
#7 - Roger Courtois
Roger Courtois
Sochaux (1933-1939, 1945-1946, 1947-1952), AS Troyes-Savinienne (1954-1956)
Le 19 février 2022, Karim Benzema contribue à la victoire du Real Madrid face à Alavés (3-0) et efface des tablettes un record vieux de 70 ans : celui du plus grand nombre de buts inscrits par un Tricolore pour un même club de première division. Avec 210 unités au compteur, le futur Ballon d’or améliore ainsi la marque d’un certain Roger Courtois, qui s’était arrêté à 209 réalisations sous le maillot du FC Sochaux-Montbéliard (le plus haut total jamais atteint par un joueur pour un seul club de D1). Courtois, c’est tout simplement le premier immense buteur français de l’histoire, une machine à marquer qui catapulte pas moins de 151 ballons dans les filets du championnat hexagonal entre 1933 et 1939. L’attaquant originaire de Genève est petit (entre 1,60m et 1,66m, selon les sources), plutôt rondouillard, ce qui ne l’empêche cependant pas de surprendre ses adversaires par sa pointe de vitesse.
En 1937, Le Miroir des sports énumère ses qualités : « La recherche du démarcage (sic), la soudaineté de démarrage, l’excellence du dribble, la vitesse de pénétration, la puissance de tir sous tous les angles et à toutes les allures » , précisant en outre que « sa correction est absolue » . Pendant la guerre, celui que l’on surnomme « Dum Dum » en référence à la puissance de ses frappes est d’abord fait prisonnier, puis retrouve les terrains en Suisse, à Lausanne. Une fois le conflit terminé, il retourne à Sochaux, club avec lequel il a remporté deux titres de champion (1935, 1938) et une Coupe de France (1937), terminant meilleur buteur de l’élite en 1936 (34 buts) et en 1939 (27 buts). En Franche-Comté, l’insatiable finisseur continue de faire gonfler ses statistiques délirantes. Devenu entraîneur-joueur de l’AS Troyes-Savinienne, Courtois plante le 364e et dernier pion de sa carrière le 3 juin 1956, à l’âge très avancé de 44 ans et quatre jours, ce qui fait de lui le plus vieux buteur de l’histoire du championnat. Un record qui tient toujours.
#6 - Alain Giresse
Alain Giresse
Bordeaux (1970-1986), Marseille (1986-1988)
Alain Giresse mesure 162 centimètres. Soit 7 de moins que Lionel Messi ou Bixente Lizarazu, et 2 de moins que Mathieu Valbuena. C’est peu, mais suffisant pour exploser quelques records. Celui du nombre de matchs disputés en D1/L1, déjà, avec 587 matchs joués parmi l’élite française. Celui du nombre de buts marqués avec les Girondins (181), aussi. Et, moins joyeux, celui du transfert le plus sulfureux de notre championnat. Ou du moins, le premier à déclencher un tel scandale. À l’été 1986, le « Petit prince de Lescure » quittait le Bordeaux de Claude Bez pour le Marseille de Bernard Tapie et marquait le véritable début de la guerre entre les deux présidents. Quelques semaines après avoir offert aux Girondins leur 2e Coupe de France en crucifiant l’OM au Parc des Princes, « Gigi » allait donc porter l’immonde maillot marseillais de l’époque, sorte de pantacourt du haut aux manches s’arrêtant au milieu de l’avant-bras. Traité à l’époque de « salaud » par Claude Bez, le joueur qui était parti libre en fin de contrat à 34 ans refuse encore d’évoquer explicitement les raisons de ce déménagement en Provence.
En 2017, dans nos colonnes, il évoque simplement « des incompréhensions » entre Bez et lui « par rapport à la fin de saison 1985-1986. Je trouvais que je ne méritais pas certains reproches. Mon traitement ne correspondait pas à mon comportement vis-à-vis des Girondins. » Selon lui, le président bègue lui reprochait « un manque d’implication vis-à-vis du club. Peut-être qu’un jour, j’irai au fond des choses. Là, j’ai juste entrouvert la porte de la cave, pour la première fois. » Une porte qu’il claquera en 2020, en déclarant dans L’Équipe : « Vous ne savez pas tout. Personne ne sait et personne ne saura jamais. Il y a des choses que l’on ne peut pas oublier. Oui, il y a 34 ans, mais pas prescription. Ça fait partie de ma vie. (…) Même dans mon bouquin, je ne raconterai pas tout ce qui s’est passé… » Enfin, en 2021, après le décès de Tapie, le dauphin du Ballon d’or 1982 expliquait sobrement que « Nanard » avait « su profiter de différends que j’avais avec les Girondins. » Alain Giresse restera finalement deux saisons à l’OM, où il ne remportera aucun trophée. Avec les Phocéens, il ne reviendra qu’une fois à Bordeaux, où Gernot Rohr fut chargé de lui infliger un traitement tellement particulier que le défenseur allemand fut expulsé dès la 22e minute. Depuis, les deux hommes n’ont plus jamais évoqué l’épisode ensemble. Mais aujourd’hui, peu importe cette fin de carrière ratée : pour tous, le 6e meilleur joueur de l’histoire du championnat de France a acquis son statut de légende avec les Girondins. En 2020, il déclarait même : « L’OM, ce n’était pas mon club, même si j’ai toujours respecté ce maillot. » Parce qu’en plus d’être un milieu de terrain génial, membre indispensable du fameux carré magique, l’homme est lucide.
#5 - Hervé Revelli
Hervé Revelli
Saint-Étienne (1965-1971 puis 1973-1978), Nice (1971-1973)
Sept titres, quatre Coupes de France, une finale de Coupe d’Europe des clubs champions, le tout en ayant passé deux saisons au Gym (avec une place de vice-champion en 1972-1973) au milieu de son mandat stéphanois : le bel Hervé Revelli possède un palmarès gargantuesque qui parle pour lui, et il était également un buteur d’anthologie, à tel point que Kylian Mbappé semble marcher sur ses traces aujourd’hui. Auteur de 216 pions dans l’élite (en 389 parties), avec dix saisons consécutives à au moins dix coups de canon et des exercices à 31 (1966-1967), 28 (1969-1970) ou 22 (1972-1973) unités, il aura été le buteur de la période faste des Verts, partageant parfois la vedette avec son frère Patrick (voir #241) ou Salif Keita (voir #60). « J’avais 16 ans quand j’ai débarqué à Sainté, témoignait Hervé pour Le Quotidien du sport. Et j’étais loin de me douter que ça durerait si longtemps, qu’on parlerait encore de moi en 2022 ! […] J’étais très sollicité, par le Racing Paris, Nice, Reims, Marseille… tous les gros clubs de l’époque me voulaient et étaient prêts à me donner plus d’argent que ce que me proposait Saint-Étienne. Mais à travers ce que j’avais perçu de ce club, et de tous les progrès que je savais devoir faire pour espérer être pro, j’ai vite perçu que c’était l’endroit idéal pour moi. J’y ai fait toutes mes classes et je ne l’ai jamais regretté. J’ai signé là-bas (à Nice) parce que je ne trouvais plus ma place au sein d’une équipe où avait explosé Salif Keita. Pour le mettre dans les meilleures conditions, j’avais reculé d’un cran, et les gens ne comprenaient pas pourquoi je ne mettais plus autant de buts. Je m’en suis ouvert à Albert Batteux, le coach de l’époque, et au président Rocher, mais aucun ne voulait me laisser partir. J’avais déjà gagné le championnat, la Coupe de France, le titre de meilleur buteur… Et finalement les deux ont compris ma position. J’ai passé deux saisons magnifiques à Nice avant que Robby (Herbin), qui était devenu le coach, me rappelle. Là encore, j’étais très demandé, et le président Rocher a dû faire un gros effort financier pour me rapatrier. » « Aujourd’hui, on parle de stats, à l’époque ça n’existait pas, posera-t-il également dans Ouest-France. Car je marquais beaucoup, mais je faisais aussi marquer beaucoup. […] Longtemps, je n’ai pas mesuré ce qu’on avait apporté. Après, j’ai voyagé partout dans le monde et j’ai compris l’impact qu’on avait eu. À l’époque le football n’était pas terrible, l’équipe de France au creux de la vague. Il n’y avait rien. Et les gens ont vu arriver cette équipe, onze, douze ou treize mecs, qui cravachaient, donnaient tout sur le terrain, et ne parlaient pas de business. Moi, c’était ma belle-sœur qui discutait mes contrats, elle était inspectrice des impôts. Ils se sont raccrochés à ça, à la limite ils ont confondu Saint-Étienne et l’équipe de France. » Sainté, dont il est encore aujourd’hui le meilleur buteur all time, ne l’a jamais vraiment quitté : il est aujourd’hui chargé de mission sur les grands événements et ambassadeur de Saint-Étienne Métropole.
#4 - Zlatan Ibrahimović
Zlatan Ibrahimović
PSG (2012-2016)
« Je ne connais pas beaucoup la Ligue 1, mais la Ligue 1 sait qui je suis ! » C’est par cette phrase que Zlatan Ibrahimović s’est présenté à la presse au moment de son arrivée au Paris Saint-Germain. Une déclaration qui ressemble bien au personnage. Sauf que derrière cette provocation, il y a un fond de vérité. Lorsque le Suédois débarque au PSG à l’été 2012, la Ligue 1 n’est pas grand-chose d’un point de vue international – malgré les épopées de l’OL et celle de l’AS Monaco en Ligue des champions – et a du mal à attirer les stars depuis le début des années 2000. Les gros noms passés dans le championnat de France à ce moment-là étaient pour la plupart soit au début de leur carrière, soit en préretraite. Loin, très loin des années 1980-1990 où d’immenses stars du ballon débarquaient dans la force de l’âge. Après l’hégémonie lyonnaise, la Ligue 1 était alors dans un creux duquel le PSG version qatarie va l’aider à sortir, avec en tête d’affiche Zlatan Ibrahimović. Sans faire offense à Javier Pastore, Blaise Matuidi, Jérémy Ménez, Salvatore Sirigu ou encore Kevin Gameiro, débarqués dès l’an 1 de QSI, le Suédois est la première véritable star de ce nouveau PSG. Et il n’est pas totalement exagéré de penser que sans son arrivée dans la capitale française, il n’y a peut-être pas de Messi, Neymar, Di María, Cavani ou encore Ramos à Paris, ni de Depay ou Lucas Paquetá à Lyon, ni de Falcao ou James Rodríguez à Monaco ou encore d’Alexis Sánchez à l’OM. Comme il n’est pas exagéré de penser qu’il n’y a peut-être pas non plus les investisseurs étrangers qui débarquent à Marseille, Nice, Lille ou encore Toulouse.
Tout simplement car jusque-là, la Ligue 1 était surtout vue comme un tremplin pour les jeunes et un centre de formation géant plutôt qu’une terre d’accueil pour les stars. Alors oui, c’est essentiellement l’argent du Qatar qui a contribué à changer tout ça, mais l’arrivée de Zlatan Ibrahimović a fait tout exploser, puisqu’il était la preuve qu’une star mondialement connue et au sommet de son art malgré ses 31 piges pouvait venir jouer au stade Francis-Le Blé. Il n’y avait plus un seul week-end où le monde entier ne parlait pas de la Ligue 1 à travers les buts extraordinaires du Z – comme son aile de pigeon aérienne contre Bastia – ou ses déclarations polémiques, à l’image de son coup de sang contre l’arbitrage après un match à Bordeaux. Jamais depuis le début des années 2000 la Ligue 1 avait été autant exposée à l’international. C’est un fait, celui qui avait sa marionnette aux Guignols et son double au musée Grévin a tout changé au PSG comme il l’a déclaré à L’Équipe : « Le PSG voulait arriver au plus haut niveau, sur le terrain et en dehors, mais il y avait énormément de choses à faire. Je suis fier de me dire que j’étais là au début, et de voir où il est arrivé aujourd’hui. J’ai apporté là-bas les choses auxquelles j’étais habitué à la Juve ou au Milan. Je ne me suis pas adapté au PSG, c’était le contraire. Ils m’ont dit : « Emmène-nous au niveau où nous voulons arriver. » Et ils ont été très à l’écoute. » Mais aussi la Ligue 1 de par son impact, son aura, son leadership et surtout son talent. Un championnat de France dont il a fait sa chose pendant ses 4 saisons passées dans l’Hexagone : 4 titres de champion de France, 3 titres de meilleur buteur (avec une dernière saison à 38 pions en 31 rencontres), un statut de meilleur buteur de l’histoire du PSG – qui n’est plus d’actualité – et de recordman de buts dans un Classique. Au-delà des chiffres (113 buts en 122 matchs de Ligue 1), Zlatan Ibrahimović, c’était surtout un personnage comme il n’y en a plus beaucoup. Récemment, pour Canal +, celui qui joue dans le dernier Astérix a passé un message à la France. Du Zlatan pur jus : « Depuis que j’ai quitté la France, tout s’écroule. Il n’y a plus aucun sujet intéressant. La France a besoin de moi, mais moi, je n’ai pas besoin de la France. Même si vous avez Mbappé, Messi et Neymar, ça ne suffit pas. Parce que vous n’avez pas Dieu. »
Par Quentin Ballue, Jérémie Baron, Adel Bentaha, Raphaël Brosse, Clément Gavard et Steven Oliveira, avec toute la rédaction de SF