- Les 100 matchs qui définissent le foot
Top 100: les matchs de légende (70-61)
Après les joueurs, les buts, les coachs, voici les matchs. Des vieux, des récents, des grands, des beaux, des laids, des reportés, des remontés, des inoubliables, des plus ou moins oubliables, des légendaires, des exotiques : 100 matchs pour autant d'histoires qui racontent le foot.
70. Borussia Mönchengladbach – Borussia Dortmund (12-0)
Bundesliga, 29 avril 1978Bökelbergstadion
Derrière chaque homme, il y a des fêlures, un traumatisme. Et plus on est marqué, plus on cherche à transférer ce mal sur d’autres gens, les faire souffrir en espérant qu’ils comprennent la souffrance que l’on peut ressentir. Et si Otto Rehhagel a instauré des dictatures footballistiques au Werder Brême, à Kaiserslautern et en équipe de Grèce – lui permettant au passage de faire revenir une équipe au premier plan, de faire remporter le championnat à un promu et de rafler un titre continental au nez et à la barbe des grands – c’est parce que, plus jeune, il s’était pris la claque de sa vie. Alors entraîneur du Borussia Dortmund, Otto s’était pointé chez l’autre Borussia, celui de Mönchengladbach, lors de la dernière journée de championnat. À ce moment-là, la bande de Günter Netzer est 2e, à égalité de points avec son meilleur ennemi, le FC Cologne, mais derrière lui à cause d’une moins bonne différence de buts. Pour Hennes Weisweiler, la mission est simple : marquer tout plein de buts. Les Fohlen (les Poulains) partiront au galop : Wimmer, Kulik et Lienen plantent chacun une fois. Karl Del’Haye et Carsten Nielsen payent leur doublé. Mais le plus beau reste Jupp Heynckes qui, pour son dernier match, y va de son quintuplé. 12-0. Du jamais vu. Après la rencontre, les joueurs du BVB écoperont chacun d’une amende de 2000 marks pour « manque d’engagement » et « comportement nuisible au club » . Le malheureux gardien Peter Endrulat sera envoyé au Tennis Borussia Berlin. Ce sera là son dernier match dans l’élite. Otto Rehhagel quitte également le club. Le Borussia Dortmund est mort, vive le Borussia Mönchengladbach ! Ah bah non : le FC Cologne s’étant imposé 5-0 face à Sankt-Pauli, ce sont les « Geißböcke » (les Boucs) qui seront sacrés champions d’Allemagne. VDM.
69. PSG – Real Madrid (4-1)
Quart de finale retour de la Coupe de l’UEFA, 18 mars 1993Parc des Princes
Le club d’Artur Jorge n’a encore rien fait en Europe. Pour ce quart de finale retour de Coupe UEFA, les Parisiens ont deux buts de retard puisque dans un Bernabéu trop grand pour eux, ils en ont pris trois dans le buffet (1-3) et Alain Roche un rouge. Il faut donc un miracle au Parc des Princes pour éliminer le Real Madrid de Michel, Zamorano et Butragueño. Jorge sent déjà le coup puisqu’il déclare avant le match : « Les rêves, on n’a pas le droit de les briser » . À la 81e, le PSG ne mène que d’un but (Weah, 33′) et n’y croit plus trop. C’est le moment que choisit David Ginola pour coller une demi-volée sous la barre de Buyo. 2-0, le miracle est en marche. 89e, Valdo enrhume Rocha, qui se fait avoir comme un pupille, et marque le troisième but. C’est la folie dans le stade. Paris est qualifié. Mais Ivan Zamorano, l’hélicoptère, gâche la soirée en réduisant la marque, synonyme de prolongation. Le Parc des Princes ferme sa gueule. Il est sonné. C’est avant cette folle 96e minute. Monsieur Puhl, l’arbitre du match, siffle un coup franc à 25 mètres du but espagnol. Valdo tire dans le paquet et trouve la tête d’Antoine Kombouaré, qui coupe la trajectoire et trouve le petit filet comme l’a prophétisé le consultant Platini. « Casque d’or » envoie les Parisiens dans le dernier carré et signe le premier exploit européen de l’histoire du club. Une dinguerie.
68. Liverpool-Mönchengladbach (3-1)
Finale de Ligue des champions – 25 mai 1977Stadio Olimpico de Rome
Petit résumé de la C1 des années 70. Trois triomphateurs absolus : Ajax, Bayern et Liverpool. Trois outsiders à faire peur : Dynamo Kiev, Saint-Étienne (eh, oui messieurs-dames !) et Mönchengladbach. Après avoir écumé la C3 (victoires en 73 et 76), les Reds de Kevin Keegan ont posé leurs guitares et leurs amplis sur les seventies finissantes. On l’oublie souvent mais c’est le coach Bob Paisley, qui moissonna les premières C1 du LFC (77, 78 et 81) et non pas le mythique Bill Shankly. Le génie absolu de Bob, c’était que ses Reds jouaient à la fois « continental » et « à l’Anglaise » … Et c’était plutôt la bonne formule pour terrasser l’équipe la plus terrifiante de toute la démonologie : Mönchengladbach, dont le vice consistait à écraser l’adversaire à l’extérieur. Cette finale se résuma à du bon punk british contre du bon heavy metal teuton. Or, en 77, devinez quel style dominait ? Du coup, finale ex-tra-or-di-naire ! Bonhoff frappa le poteau de Clemence. Mais Lilly Pool planta par McDermott (style continental), par Smith (à l’anglaise) et par Neal sur péno (foot universel). Le petit drone Simonsen avait égalisé à 1-1. Marée rouge à l’Olimpico, « You’ll never rock alone » sur toute l’Europe. Normal.
67. Alavés – Liverpool (4-5)
Finale de la coupe de l’UEFA – 16 mai 2001Westfalenstadion, Dortmund
Une finale comme ça, on en redemande. Pourtant, le match semble déséquilibré sur le papier. D’un côté, les Reds avec Owen, Gerrard, Fowler, Hamann and co. De l’autre, une équipe d’Alavès inconnue où le fils Cruyff fait office de star. À Dortmund, dans un stade crachant son amour pour les Reds, les ouailles de Gérard Houllier vont délivrer un match à rebondissements. Liverpool est au-dessus et son parcours pour arriver sefinale le prouve : Roma, Porto et le Barça se sont cassé les dents sur l’équipe anglaise. À la pause, Liverpool mène déjà 3-1. C’est cuit. Au retour des vestiaires, Javi Moreno score deux fois en deux minutes et calme tout le monde. Quand Fowler redonne l’avantage aux siens, on se dit que le match est terminé. Mais Jordi Cruyff recolle au tableau d’affichage à la 88e. On file en prolongation. Dans un effort final, McAllister force Geli à tromper son propre gardien à 4 minutes de la séance de tirs au but. Ah oui, c’est le but en or. Cruel et mythique à la fois.
66. Argentine – Nigeria (2-3)
Finale des JO – 3 août 1996Sanford Stadium, Athènes
Avec le recul, on se rend compte du niveau stratosphérique de cette finale olympique d’Atlanta. Reluquez un peu les compositions d’équipe : Kanu, West, Oliseh, Babangida, Okocha, Amokachi, Ikpeba, Babayaro pour le Nigeria, Ortega, Crespo, Ayala, Chamot, Zanetti, Sensini, Claudio López, Almeyda ou encore Simeone pour les Argentins. On est entre jeunes loups. Que des futures cracks ou des joueurs confirmés. Et le match va être complètement fou. Ça va à 100 à l’heure. La technique des Sud-Américains met à mal la force physique des Africains puisque les joueurs de Passarella vont prendre deux fois l’avantage (Lopez puis Crespo) mais à chaque fois, les Super Eagles répliquent avec force (Babayaro et Amokachi) avant le coup de butoir final, par Amunike, à la 90e minute. Une victoire historique pour une équipe africaine. C’est mérité sur la finale tant le Nigeria délivre une partition exceptionnelle, surtout en seconde période. Le Nigeria s’adjuge la médaille d’or au terme d’un tournoi de haut niveau puisque les potes de Taribo West avaient déjà scalpé le Brésil de Roberto Carlos en demi-finale. Sans aucun doute la plus belle équipe olympique de tous les temps. Que des monstres.
65. Italie – URSS 0-0
Demi-finale de l’Euro – 05 juin 1968 Stade Sao Paolo, Naples
Quadruple championne du monde, l’Italie n’a remporté qu’une seule fois l’Euro. C’était en 1968. Les Italiens battent en finale la Yougoslavie et obtiennent leur premier (et jusqu’ici seul) sacre européen. La curiosité, c’est que la Nazionale aurait pu ne jamais remporter cette compétition. En demi-finale, les Italiens affrontent l’URSS. Match disputé au stadio San Paolo de Naples, devant 70 000 tifosi. 0-0 au terme du temps réglementaire. Prolongation. Toujours rien. 0-0. Tirs au but, donc ? Non. Car ces derniers ont été instaurés en 1970. En 1968, donc, ils n’existent pas encore. Il faut pourtant départager les deux équipes. L’arbitre allemand, monsieur Tschenscher, appelle donc les deux capitaines, Facchetti et Shesternev, dans les vestiaires. « Alors, messieurs, pile ou face ? » . Les trois hommes seront les seuls témoins de ce lancer de pièce. Dans le stade, tout le monde attend. Soudain, Facchetti sort du vestiaire, et lève les bras au ciel. Les supporters comprennent : c’est l’Italie qui a remporté le pile ou face, et qui se qualifie pour la finale. Un bout d’histoire écrit par une pièce de monnaie. Pour une fois que c’est pas une liasse de billets…
64. États-Unis – Angleterre (1-0)
Match de poule du premier tour de la Coupe du monde – 29 juin 1950 Stadio Independencia de Belo Horizonte (Brésil)
« L’histoire se répète deux fois, la première comme tragédie, la seconde comme farce » , écrivait Karl Marx. Pour leur deuxième match de poule du Mondial brésilien, les États-Unis ont, ce jour-là, décidé de refaire à l’ancien colonisateur le coup de la Déclaration d’indépendance — ça tombe bien, c’est le nom du stade. Le terrain est pelé, les vainqueurs anonymes dans leur propre pays, les héros du jour improbables : un attaquant d’origine haïtienne, Joe Gaetjens, marque le seul but du match d’une déviation de l’oreille, tandis que le gardien Frank Borghi, croque-mort dans le civil, repousse à mains nues toutes les offensives britanniques. Bref, une bonne farce qui remet à leur place des Anglais qui daignaient enfin participer à la compétition : « Complètement ridicule. On ne peut pas les rejouer demain ? » , lâchera l’un d’entre eux après le match, dépité. La farce se teintera de tragédie quinze ans plus tard quand, revenu en Haïti, Gaetjens sera exécuté par les Tontons Macoutes du dictateur Duvalier.
63. Manchester Utd – Barcelone (2-0)
Quart de finale retour de Coupe des coupes – 21 mars 1984Old Trafford, Manchester
Pas de Ferguson, de Giggs, ni de but à la dernière seconde, mais un match qui malgré tout est ancré dans la légende de Manchester United. Battus 2-0 en Catalogne à l’aller, les Red Devils accueillent le Barça de Maradona et Schuster avec leurs armes – pressing, impact et jeu dans les airs – et livrent au final l’une des plus belles partitions européennes de l’histoire du club, dans une ambiance électrique. 3-0 et direction la demi-finale, où les coéquipiers du capitaine Bryan Robson tomberont face à la Juve. Qu’importe, grâce à son doublé, l’Europe du foot a fait connaissance ce soir-là avec le concept de milieu axial box-to-box à la fois aboyeur, bagarreur et buteur, comme la Grande-Bretagne en a depuis enfanté par dizaines.
62. Grèce – République tchèque (1-0 après prolongation)
Demi-finale Euro 2004 – 1er juillet 2004Estádio do Dragão, Porto
Le 18 décembre dernier, Ronald Biggs expirait son dernier souffle. L’auteur du « casse du siècle » (Glasgow-Londres, le 8 août 1963) sait que pour préparer un gros coup, il faut un cerveau. Dans son cas, il s’agissait de Bruce Reynolds. Biggs n’était qu’un exécutant, aussi génial et vantard soit-il. Été 2004, Otto Rehhagel a décidé de braquer l’Europe du foot. Le plan de l’Allemand est aussi simple que rustique : marquage individuel, pressing de tous les instants et exploitation parfaite des coups de pied arrêtés. Rehhagel a trouvé dans cette sélection grecque – au casier et au palmarès – vierge son Ronald Biggs. Après l’Espagne et la France et avant de dépouiller le Portugal dans sa chambre, l’Allemand réalise son plus beau coup face à la République tchèque. Sur le papier, le plan est boiteux. La bande à Nedvěd vole trop haut, impossible de lui faire les poches. Sauf que tonton Otto a un sérieux atout dans sa manche : la chance. Rosický fracasse la barre en première mi-temps, Nikopolidis détourne toutes les tentatives ennemis sans trop savoir comment. Le coup fatal arrive à la 105e minute. Traïanós Dellas surgit tel un fantôme sur un corner et ruine les espoirs de la plus belle équipe de la compétition. Forcément injuste, forcément génial.
61. Dinamo Zagreb – Étoile rouge de Belgrade (0-3 sur tapis vert)
Championnat de Yougoslavie – 13 mai 1990Maksimir Stadium de Zagreb
Rétablissons d’abord une vérité historique : le match n’a jamais eu lieu. Les émeutes d’avant-match causées par les supporters des deux bords provoquèrent illico le non-déroulement de la partie, les joueurs de Belgrade étant repartis fissa aux vestiaires pour ne pas être lynchés… Voilà pourquoi le club serbe empocha les 3 points sur tapis vert. De toute façon, ce match de l’avant-dernière journée de championnat de Yougoslavie ne comptait pas vu que l’Étoile rouge était déjà championne. Serbes contre Croates : les émeutes violentes qui opposèrent deux factions rivales ultra politisées, les 3000 Delije ( « les Braves » ) de Belgrade face aux Bad Blue Boys de Zagreb, furent bien le prélude à la guerre civile qui embrasera la Fédération des États de Yougoslavie. En mai 90, la Slovénie était en état de quasi sécession… Aujourd’hui, le Stade Maksimir de Zagreb où fut joué ce « Dinamo-Étoile rouge » abrite une grande stèle murale exposant un groupe de soldats avec une plaque dédicacée « aux supporters du club qui ont commencé la guerre contre la Serbie ici dans ce stade le 13 mai 1990 » . Lors des échauffourées avec la police du Pouvoir central de Belgrade, le high-kick asséné à un CRS par le jeune Zvonimir Boban fera de lui l’un des tout premiers héros de la future République indépendante de Croatie. Zvone est toujours considéré aujourd’hui comme un héros national au pays du drapeau à damier. Les amateurs de foot regretteront, eux, la dislocation à venir de la grande équipe de Yougoslavie, invaincue lors des qualifs de l’Euro 92 et parmi les gros favoris du tournoi. L’Histoire, elle, entérinera après un conflit meurtrier long de sept ans (1991-98) la création d’États multiples qui compliquent depuis les tirages à rallonge des compétitions européennes… Vidéo disponible ici
À lire : la suite du top 100 des matchs de légende
par la rédaction So Foot