- Les 100 matchs qui définissent le foot
Top 100 : les matchs de légende (60-51)
Après les joueurs, les buts, les coachs, voici les matchs. Des vieux, des récents, des grands, des beaux, des laids, des reportés, des remontés, des inoubliables, des plus ou moins oubliables, des légendaires, des exotiques : 100 matchs pour autant d'histoires qui racontent le foot.
60. FC Start – Flakelf (5-3)
9 août 1942 Stade Zénith, Kiev
Le symbole de la résistance ukrainienne, ici incarné par un Dynamo Kiev camouflé sous un nom d’emprunt, ridiculisant une modeste formation de la Luftwaffe (cela dit, dans le contexte, tout est relatif). Les Allemands voulaient démontrer leur supériorité sur les « Slaves » . De nombreux joueurs locaux le payèrent de leur vie, y compris lors du massacre de Babi Yar. 2013. Le fils du Premier ministre ukrainien, lui-même député et PDG d’une entreprise de construction, a obtenu le droit de raser le quartier où se trouve le stade, remplacé par un centre commercial. Le capitalisme n’a pas le sens du devoir de mémoire.
59. Chelsea – Liverpool (4-4)
Quart de finale retour de Ligue des champions – 15 avril 2009 Stamford Bridge
Il est quand même dingue qu’avec un entraîneur aussi mathématique et méthodique que Benítez, ce Liverpool-là ait cette faculté à défier la logique, le raisonnable. Malgré une défaite 3-1 à Anfield lors du quart aller, malgré une statistique de qualification estimée à 2%, il semble envisageable de voir ces Reds sortir le gros match à Stamford Bridge. Parce que le match d’Istanbul contre le Milan en 2005. Parce qu’une victoire improbable à Old Trafford (4-1) un mois avant ce match retour. Parce que Liverpool s’apprête aussi à honorer le 20e anniversaire de la catastrophe d’Hillsborough. Cette mystique du Liverpool capable de n’importe quoi aura bien habité Stamford Bridge. Le bras de fer est hallucinant pour un tel match, à vous claquer tous les pacemakers du Royaume. Chelsea accuse un retard de deux buts à la pause, reprend l’avantage avant le dernier quart d’heure (3-2), avant d’assister au retour improbable des Reds dans les dix dernières minutes. Liverpool mène 4-3, est à une ficelle d’une demi-finale contre le Barça. Mais Lampard mettra définitivement un terme aux espoirs fous de Liverpool qui finit par abdiquer sur ce score nul (4-4). Sans doute le meilleur match de l’histoire de la C1 nouvelle formule (hors finales, des matchs à part). À vous réconcilier avec les clubs anglais.
58. Manchester United – Benfica (4-1)
Finale de Coupe d’Europe des clubs champions – 29 mai 1968 Wembley
Deux ans après le titre mondial de 66, l’Angleterre met cette fois son emprise sur le football de clubs. Là encore, c’est à Wembley que ça se passe. Mais pas de but litigieux pour venir contester ce succès. En pleines années pop, dans le sillage du cinquième Beatle George Best, rock star parmi les rock stars et Ballon d’or à la fin de l’année, les Mancuniens marchent sur Eusébio et les siens en prolongation en s’imposant 4-1. Comme un symbole, ce sacre européen est surtout celui de deux survivants : Matt Busby et Bobby Charlton, rescapés de la tragédie de Munich dix ans plus tôt.
57. Roumanie – Argentine (3-2)
Quart de finale de la Coupe du monde 1994 – 3 juillet 1994Rose Bowl, Pasadena
Il aurait fallu être drôlement malin pour deviner le 3 juillet 1994 au matin que le plus beau match de la Coupe du monde américaine serait ce huitième de finale disputé à 13h30 sous le cagnard de Los Angeles, entre une Roumanie ayant pris 1-4 contre les Suisses au premier tour et une Argentine privée de Diego Maradona, suspendu pour dopage après deux matchs. Malin, ou simplement bien informé : car d’une, la Roumanie n’attendait qu’un match international de haut niveau pour prouver au monde qu’elle avait la plus grande équipe de son histoire, dopée en confiance par les succès obtenus par le Steaua Bucarest les années précédentes (une victoire en C1, une demi-finale et une finale entre 1986 et 1989) ; et de deux, il y avait un autre Maradona sur la pelouse ce jour-là, celui des Carpates : Gheorge Hagi.
En terme de grand match, ce fut surtout, de la part de la Roumanie, une démonstration idéologique : oui, les contre-attaques peuvent donner les plus belles actions du monde. 18e minute : en quatre passes, dont deux relais d’une pureté invraisemblable assurés par Hagi, Dumitrescu n’a plus qu’à ouvrir son pied gauche pour marquer dans le but argentin. 58e : une course longue, un râteau, un décalage, et Hagi qui surgit pour le troisième. L’Argentine aura beau revenir deux fois au score, de 1-0 à 1-1, puis de 3-1 à 3-2, la victoire sera pour les Roumains et leur maillot aussi jaune que le soleil du Rose Bowl de Pasadena. Près de vingt ans plus tard, Hagi assurait cet été dans So Foot que tout cela fut logique, au fond : « 1994, c’est l’apogée : on était matures, on pouvait battre n’importe qui. À titre personnel, j’étais au top de ma forme, physiquement et dans la tête. J’étais décisif à tous les matchs. Très clairement, j’ai été le meilleur joueur de la compétition. Avec Baggio… Honnêtement, on aurait pu gagner le mondial. » Pourquoi cela n’est pas arrivé ? « On a déconné dans les cinq dernières minutes de la prolongation en quarts contre la Suède, un énorme gâchis. » Mais c’est bien connu : sans gâchis, pas de légende.
56. Stade de Reims vs SCU El-Biar (2-0)
16e de finale de la Coupe de France – 3 février 1957 Stadium de Toulouse
En pleine « guerre sans nom » , le SCU El Bihar, petit club de division d’Honneur située en banlieue d’Alger (y sont nés Jacques Derrida et Dahmane El Harachi), élimine le Stade de Reims, certes en l’absence de Just Fontaine retenu par l’armée, mais en présence de Michel Hildago. Peut-être la véritable naissance du petit poucet et les derniers éclats d’un foot pied noir dont les enfants faisaient alors le bonheur des clubs de « métropole » . Ironie de l’affaire, son entraîneur-joueur, Guy Buffard, était membre de la section algéroise « Allez Reims » . Des générations de fils de pieds noirs en soupent encore…
55. Talleres de Córdoba – Independiente (2-2)
Finale du championnat argentin 1977 – 25 janvier 1978Estadio La Boutique
En Argentine, personne ne l’a oublié. Finale retour du championnat, après un nul un partout à Avellaneda. Pour la première fois, un club de l’intérieur du pays, non affilié à l’AFA, pouvait être sacré. Les enjeux de pouvoir au sein de la Fédération, où Grondona n’avait pas encore pris le contrôle, alimentaient cette rencontre. Alors qu’Independiente mène 1 à 0, les locaux égalisent sur pénalty, sur une faute nettement en-dehors de la surface, puis doublent la mise à la 74e, d’un but… du poing de Bocanelli. Les joueurs d’El Rojo deviennent fous. Leurs fans chantent « Voleurs, voleurs, c’est ainsi que vous devenez champions » . Les insultes fusent contre Barreiro, l’arbitre, qui n’hésite pas à exclure trois joueurs d’Independiente. Mais le jeu continue. Il reste un peu plus de 5 minutes quand Bochini, l’idole de Maradona et de tous les fans des Diables rouges d’Argentine, égalise. À 8 contre 11, voire contre 12, Independiente remporte le titre à l’extérieur. Ce 25 janvier, El Bocha fêtait ses 24 ans.
54. Brésil – Pays-Bas (3-2)
Quart de finale Coupe du monde – 9 juillet 1994Stade Cotton Bowl de Dallas
C’était tout simplement Dallas. Un univers impitoyable avec un scénario à coucher dehors, et deux équipes jusque-là contestées : des résultats alors limites pour les Oranjes et une cote d’amour en baisse pour les favoris auriverdes. Parreira préfère Mazinho à Raï et le beau Leonardo devient Leonarda, expulsé pour un coup de coude contre les États-Unis. Mais le Brésil affronte pour la première fois du tournoi un adversaire à sa taille et les Pays-Bas n’ont enfin rien à perdre. On fantasme la confrontation d’un foot total contre un foot samba. Le scénariste avait mieux. Le football des conclusions définitives prend une baffe. Après une première période crispante, la seconde nous scotche. Le duo Bebéto-Romario joue avec la règle du hors-jeu passif pour marquer deux fois. Il laisse surtout à la mémoire collective cette mythique célébration du berceau – jamais égalée – menée par Bebéto, Romario et Mazinho, dans une synchronisation à ringardiser Muriel Hermine. Bienvenue dans les 30 dernières minutes. À 2-0, on donne les Hollandais pour morts, mais le torse haut, les feintes de corps et le plat du pied de Bergkamp réduisent la marque. Avec classe. Le Brésil ajoute sa « classique » défensive des nineties : le marquage à la carte sur corner. Aron Winter, meilleur Hollandais sur le terrain, égalise d’un coup de tronche. Seulement, plus qu’impitoyable, Dallas est un univers impayable et veut sa fin à l’américaine. La chaleur du Cotton Bowl crame les Oranjes et sublime le critiqué Branco, le missile du pied gauche facile. À dix minutes du terme, aux 25 mètres, son énième frappe rase le sol, passe entre le déhanché malicieux de Romario et Wouters, pour s’aider du poteau et lécher les filets d’Ed de Goey, la moustache en berne. Ronaldo, sur le banc, un appareil aux dents et 17 ans, sourit. Le Brésil tient sa demie qu’il n’avait plus vue depuis 1970.
53. Espagne – Suisse (0-1)
Premier match de poule de Coupe du monde – 16 juin 2010 Durban stadium, Durban
Ce match est une défaite pour l’Espagne, mais une victoire pour son football. La preuve, en match officiel, elle est invaincue depuis. En effet, après avoir perdu d’un but face à la Suisse, avec il est vrai une certaine malchance et un vrai souci de lucidité devant les buts adverses, beaucoup auraient douté, voire changé leur méthode. Del Bosque et ses Espagnols l’ont au contraire confirmée, renforcée, sublimée. Possession de balle, étouffement de l’adversaire façon corrida, conservation et oreilles jetées au public. Résultat, une première Coupe du monde pour la Furia Roja, puis un second Euro dans la foulée. La coupe est pleine, n’en jetez plus.
52. Ghana – Côte d’Ivoire (0-0, 11 à 10 aux tab)
Finale de la CAN 1992 – 6 janvier 1992Stade de l’amitié, Dakar
Il faut détester le foot ou être anglais pour ne pas apprécier une séance de tirs au but. Lapidez ceux qui vous en parlent comme d’une « loterie » , une séance de « péno » , c’est l’essence même du sport : des rires, des larmes, des héros, des bannis et de la dramaturgie. Et dans son genre, cette finale de CAN en 1992 entre une Côte d’Ivoire pas encore hype et un Ghana privé d’Abedi Pelé suspendu reste l’une des plus belles pièces proposées. Du match avant à Dakar, on a presque tout oublié, si ce n’est le souvenir d’un dimanche en début de soirée, des devoirs à terminer et d’un 7/7 supprimé pour l’occasion. Pour la première fois de l’histoire dans une grande compétition, tous les joueurs doivent tirer une fois. Gardien compris. L’Ivoirien Alain Gouaméné ira de son petit pointu, les mains dans les poches. Les 22 joueurs passés, personne ne connaît vraiment le mode d’emploi. Faut-il repartir sur une séance classique à cinq tireurs ? Poursuivre à la mort subite ? Il faut juste reprendre de zéro et redemander aux deux premiers tireurs de se représenter. Si Aka marque avec beaucoup de réussite, Baffoe voit Gouaméné repousser le sien et offrir aux Eléphants ce qui reste leur unique victoire en CAN.
51. Algérie – Égypte (1-0)
Match d’appui qualificatif pour la Coupe du monde 2010 – 18 novembre 2009 Stade Mustapha Tchaker, Khartoum, Soudan
Avant que la révolution arabe fasse son apparition et que le One-Two-Three rivalise avec le waka-waka mondialiste de Shakira, il y eut ce fameux match de barrage à Khartoum (Soudan) entre l’Algérie et l’Égypte. LE remake footballistique du fameux combat d’Ali vs Foreman à Kinshasa. Un bordel sans nom. De la peur. De la révolte. Des blindés, l’armée, des jets de pierre, des caillassages de bus, des drapeaux algériens, des youyous, des drapeaux algériens, du fanatisme, des prières, des drapeaux algériens, Rafik Saifi, de la derbouka, des insultes, quelques drapeaux égyptiens, un match diffusé sur cette saloperie d’Orange Sport, des hinchallah à chaque fin de phrases, des drapeaux algériens, des équipes qui se tournent le dos au moment des hymnes, des fumigènes, des incendies, de l’envie, du cœur, peu de football, Rafik Saifi, des drapeaux algériens, le but synonyme de qualif’ pour l’Afrique du Sud d’Antar Yahia, des grand-mères en pleurs, des drapeaux algériens, des enfants en pleurs, des drapeaux algériens, des adultes en pleurs, des drapeaux algériens, des Champs-Élysées dévalés, une descente de l’avion avec une réplique de la Coupe du monde, un service d’ordre aux fraises, des drapeaux algériens, un type qui embrasse le pare-brise du bus des Fennecs, de la passion, Bouteflika, des drapeaux algériens, des frissons, des futures déceptions… Bref, du football.
À lire : la suite du top 100 des matchs de légende
Par la rédaction So Foot