- Les meilleurs coachs de tous les temps
Top 100 : Les entraîneurs (90 à 81)
Qu'il soit tacticien, meneur d'hommes, diplomate ou fou à lier ; en costard, en survet', moustachu ou mal rasé ; qu'il ait la clope au bec ou la touillette sur le bout de la langue ; qu'il fut un grand joueur ou un immense tocard ; qu'il soit belge ou même nantais, l'entraîneur sera toujours un peu sur le banc des accusés, le premier fusible à sauter en cas de panne. Mais c'est aussi de lui que vient la lumière, la vraie. La preuve, avec 100 illuminés.
90. Denis Troch – par Vikash Dhorasoo
Vous aimeriez un gars qui vous fait prendre une douche froide à la mi-temps d’un match de Coupe de la Ligue ? Eh bien ce gars s’appelle Denis Troch. On perdait 2-0 à domicile et il ne pouvait pas remplacer tous les joueurs. On a gagné 4-2. On a vite compris qu’on allait kiffer, s’amuser, galérer, souffrir… Il nous a tout fait ! Comme préparation physique, on avait le droit à des largueurs de terrain. Une heure de largeurs, c’est long. Nicolas Huysman lui demande si on ne peut pas aller en forêt. Le Troch répond : « Tu as déjà vu des arbres sur un terrain de foot ? » .
Matin de match, un joueur arrive en retard. On l’attendait dans le car. Quand il est arrivé, Troch a fait démarrer le car. Le type a fait le trajet en voiture. Premier corner de la saison, en championnat. Je vais le tirer. Et là je l’entends qui crie « La 12, la 12 » . Tout le monde se regarde. Y avait pas de 12. Y avait pas non plus de 1, ni de 2, ni de 3… Avant chaque match, le plus petit (donc moi) devait crier dans le couloir : « On est chez nous » .
Pendant l’entraînement, parfois, il te disait : « Si tu arrives à te casser sans que personne ne te voie, tu peux rentrer chez toi » … J’ai réussi plusieurs fois.
On fait 1-1 contre Cannes, qui égalise dans les arrêts de jeu. Lionel Prat dit au journaliste que l’on a craqué physiquement. Toute la semaine à l’entraînement, il y avait les ballons et les chasubles au milieu du terrain. Pendant l’heure de largueurs, on a juste eu le droit de les regarder. Voilà ce gars m’a marqué et je pourrais écrire un bouquin sur lui. Je n’ai jamais su si je l’aimais ou si je le détestais mais il n’était pas comme les autres. Subtil, fin psychologue, fin pédagogue et très bon entraîneur. Avec lui, tout avait un sens, même porter une moustache !
89. Arseno Iglesias
À l’instar de Sim, Charles Aznavour, Sean Connery ou Luis Aragonés, Arsenio Iglesias a toujours affiché une tête de petit vieux. Ce Galicien pur jus, amoureux de sa terre, aimait les costards taillés avant 1945 et les défis impossibles. Capable de faire remonter Hercules en Liga et de propulser une équipe modeste aux portes de l’Europe, Iglesias se fait véritablement un nom en annulant la mobilité de Cruijff grâce à un marquage en zone inédit à l’époque. Iglesias, c’est aussi et surtout l’homme qui aura fait rêver toute la Galice et la moitié de l’Espagne. Celle, lassée du monopole du Real et du Barça. Il fait de son Depor un Superdepor brillant, électrique et romantique. Les Galiciens perdent la Liga après un tir au but de Djukic et finiront encore seconds en 95 (ils remporteront tout de même cette année-là la Copa del Rey). Malgré un palmarès famélique, El Brujo a aujourd’hui un buste à son effigie à l’entrée du Riazor et une rue à son nom dans le village qui l’a vu naitre. Arsenio a beau être tout ridé, sa légende, elle, se porte comme un charme.
88. Sepp Herberger
La mauvaise réputation du football allemand lui doit beaucoup. Sepp Herberger est un briseur de rêves. Le chef de la bande qui prive la Hongrie de Puskás de son couronnement mondial en 1954. Mythe patriote dans une RFA d’après-guerre encore honteuse d’un passé trop frais, Herberger est un homme de cette époque. Un type qui se déclare « apolitique » mais signait ses télégrammes « Heil Hitler » lors de son arrivée à la tête de la sélection en 1936. Herberger est surtout un homme prêt à tout pour gagner ou tromper l’ennemi. Comme envoyer ses réservistes au massacre face aux Hongrois lors du premier tour de Mondial 54 (défaite 8-3). Pire encore, il n’hésite pas à filer de la méthamphétamine au petit-déjeuner à des joueurs persuadés de gober de la vitamine C. Héros, salaud ou escroc, Herberger restera 28 ans à la tête de la sélection ouest-allemande.
87. Vahid Halilhodžić
Vahid se réveille. Il est 11 heures du matin. Devant un café dans le hall de l’hôtel du golfe. Les yeux sont tout collés. Pourtant à peine un ou deux whisky la veille. Ce qui fait peu pour un samedi soir à Abidjan. La Côte d’Ivoire vient de battre le Cameroun. Un match amical pour célébrer, comme on dit, « la mémoire » des 19 personnes mortes –écrasées dans la bousculade pour la plupart– trois mois plus tôt à l’occasion du match entre la Côte d’Ivoire et le Malawi. Il n’y a pas eu de minute de silence avant le match. Ou alors tout le monde a oublié. Les spectateurs ont dansé, grâce au sponsoring d’un célèbre opérateur de téléphonie mobile français, qui a payé la sono, les compil et des MC’s chaussés de baskets à 200 euros. Et puis, les Éléphants ont joué mollement contre des Camerounais assez domptables. Ils ont gagné. Et tout le monde, enfin les deux équipes et leur staff, des supporters, des gens importants avec au moins trois téléphones dans chaque main, sont allés danser, encore, à Yopougon, beaucoup plus tard. Rue Princesse, les maquis envoient comme jamais. Du coupé décalé, des dédicaces, 2000 francs CFA payés au DJ pour annoncer son arrivée à tous les autres clients. Et puis Didier a emmené tout le monde chez lui, dans sa discothèque « Queens » . Un nom anglais pour rappeler à tout le monde qu’il évolue en Premier League. Là, on ne sait pas, on imagine, Didier a dû parler de plein de choses avec Samuel, peut-être de montres, peut-être même qu’ils se sont échangés celles qu’ils portaient ce soir-là à leur poignet respectif. Et tout le monde est rentré. Certains avec des filles aux interminables jambes et aux faux cheveux en plastique comme les Américaines. Pas les joueurs connus, eux, ils sont rentrés seuls, plutôt les gros dirigeants qui tournent autour et perçoivent les mêmes primes de match, sans courir. Les joueurs et les entraîneurs connaissent tout des filles qui traînent dans les halls d’hôtels où descendent les sélections. Ils ont dans la tête une liste des « dangereuses » , celles qui montent dans la chambre et volent l’argent pendant que le joueur dort du sommeil de celui qui a tout donné pour l’amour du pays. Vahid regarde passer le lendemain de cette soirée de célébration de la mémoire. Dehors, l’orage tropical gronde, la pluie inonde la terrasse de l’hôtel. Dans le hall, les joueurs se sentent déjà en vacances, bavardent avec des amis, un cousin, un frère. Et Vahid a lâché, peut-être en pensant à la Bosnie de son enfance: « C’est quoi, vacances ici? Whisky et salooopes… Même pas baignade » .
86. George Graham
George Graham, dégaine à la Michel Delpech, a fait une bonne carrière sur le pré. Notamment avec Arsenal. Alors quand les Gunners se cherchent un nouveau coach en 1986, ils cochent deux noms sur leur short list. Alex Ferguson, qui fait alors des miracles avec Aberdeen, et Graham – l’ancienne gloire locale – en poste chez les voyous de Millwall. C’est finalement ce dernier qui viendra s’installer à Highbury. Et ce, pour dix ans puisque son successeur est toujours en place. Il s’agit d’Arsène Wenger. Avec Arsenal, Graham va étoffer son palmarès : deux championnats, deux Coupe de la Ligue, une FA Cup et une C2 en 1994. C’est l’époque du boring Arsenal. Une équipe moche mais qui gagne. Aucune folie dans le jeu, une cohésion collective basée sur la solidité de son back four et un génie devant. C’était ça, Arsenal avant Wenger. Graham a su fédérer des grognards (Adams, Seaman, Bould, Dixon, Winterburn) et des jeunes talentueux (Wright, Merson, Limpar). La greffe a pris et Arsenal avait ce quelque chose en plus au début des années 90. Ce petit plus qui ramenait des trophées chaque année. Cette époque dorée reste la plus belle œuvre du technicien qui ne retrouvera jamais une telle osmose dans les autres taules qu’il aura coachées (Leeds, Tottenham). Dans les mémoires, Graham reste le King George de Wembley depuis la finale de Cup 1971. Il était joueur. Et accrocheur. Comme son Arsenal.
85. Jürgen Klopp
Un survêt, une casquette « Pöhler » (joueur du dimanche, dans le dialecte de la Ruhr), une barbe de trois jours, de la bave aux lèvres et des câlins à ses protégés. Inévitablement, c’est l’image que l’on se fait de Jürgen Klopp, un mec qui vibre et qui ne cache pas sa joie quand son équipe marque un but. Toutefois, ce serait malhonnête de réduire le technicien allemand du moment à cette attitude de primate. Jürgen Klopp, c’est l’homme qui a réussi à relever la tête du Borussia Dortmund et qui lui a permis de renouer avec sa gloire passée. Mieux encore, il a instauré une véritable philosophie de jeu, une sorte de synthèse des deux géants espagnols : les combinaisons fluides dans les petits espaces du FC Barcelone combinées à la verticalité, la vitesse en contre-attaque du Real Madrid. Et rien que pour ça, on a envie de le remercier de proposer un jeu si agréable aux pupilles. On aurait même presque envie de lui faire un câlin. L’un des derniers entraîneurs « vrais » , dont on n’a pas fini d’entendre parler.
84. Manlio Scopigno
Pour situer le type, une anecdote. Une veille de match de Coupe d’Italie, alors qu’ils sont censés être au lit, les joueurs de Cagliari se réunissent dans une chambre d’hôtel pour se faire un poker. L’alcool coule à flots, les cendriers se remplissent. Entre Manlio Scopigno, l’entraîneur de l’équipe. « Je pensais qu’il allait nous tuer, et au lieu de ça, dans un silence total, il a pris une chaise et s’est assis à la table, racontera plus tard Pierluigi Cera, présent ce soir-là. Puis il a sorti son paquet de cigarettes, et nous a demandé : ‘Ça vous embête si je m’en allume une ? » Le lendemain, Cagliari gagnera son match 3-0. Une aventure comme une autre dans la vie de la bande de cet entraîneur nommé « le philosophe » parce que, retraité de force des terrains après une méchante blessure (rupture des ligaments), il était allé prendre des cours à l’université de philosophie de Rome avant d’embrasser la carrière de « mister » . Manlio Scopigno, c’est donc un style : élégance vestimentaire, humour pince-sans-rire ( « Le plus propre dans le football, c’est le ballon, et encore, quand il ne pleut pas » ), et un flegme face aux vicissitudes de la vie qui lui fera répondre un jour à un président qui l’appelait pour le virer : « Faites vite, président, j’ai un minestrone sur le feu » . Mais Manlio Scopigno, c’est surtout un exploit majuscule. En 1970, au nez et à la barbe des puissants Milan AC, Inter Milan et Juventus Turin, son Cagliari, emmené par Gigi Riva, est sacré champion d’Italie. Un peu comme si Bastia terminait devant le PSG qatari ou comme si Majorque mettait une quenelle au Barça de Lionel Messi. Manlio Scopigno est mort le 25 septembre 1993 à 67 ans d’un infarctus. En même temps qu’une certaine idée du football.
83. Egil Olsen
Surnommé Drillo pour ses capacités de dribble, Egil fut d’abord un joueur virevoltant, mais sélectionné seulement à 16 reprises en équipe nationale de Norvège (entre 1964 et 1971) parce que le manager d’alors, Willi Kment, ne goûtait guère à ses cheveux longs, son apparence quelque peu négligée, et ses idées politiques. Pas grave, le membre du Parti communiste norvégien s’est vengé plus tard, en menant son pays à deux qualifications en Coupe du monde, en 1994, et en 1998, où ses gugusses parvinrent à battre le Brésil 2-1 en poule et faillirent sortir l’Italie en huitièmes (un petit 1-0, merci Bobo Vieri). Souvent appelé Le Professeur, Olsen est connu pour son approche hyper scientifique du jeu, et comme étant l’un des premiers à utiliser de manière aussi poussée la vidéo et les données statistiques. Adepte d’une défense de zone bien établie et du 451 (avec si possible cette grande tige de Tore Andre Flo en pointe), son credo est d’être la meilleure équipe « sans le ballon » puis de multiplier courses et longues ouvertures afin de contre-attaquer avant que la défense adverse, elle, ne soit en place. Sa méthode, Egil a même essayé de l’appliquer en Irak. Le 17 septembre 2007, il signe un contrat de trois ans mais, en février suivant, et après seulement 6 matchs, il est viré par messagerie, sans ménagement ni explication. Apparemment, ses employeurs ne le trouvaient pas assez strict. De retour à son poste en Norvège, il recommence à sévir, faisant tomber l’Allemagne, à Düsseldorf, 1-0. Un but en contre, évidemment ? Mieux encore : sur une longue touche.
82. Enzo Bearzot
Son chef-d’œuvre, c’est la victoire surprise à la Coupe du monde 1982. Un bon coup de Ritals, toujours les meilleurs quand on ne les attend pas… Après l’Euro 1980 – à domicile – raté (la Squadra a fini 4e) et un premier tour au rasoir à ce Mundial espagnol (3 nuls), les Azzurri dézinguent l’Argentine, le Brésil, la Pologne et enfin la RFA en finale (3-1). Grâce seulement au diabolique Paolo Rossi (6 buts dans les trois derniers matchs) ? Pas que… La Squadra de Bearzot avait déjà réalisé une bonne Coupe du monde en Argentine 1978 (4e). Grâce à une classique colonne vertébrale juventina, un jeu de contre létal mais basé sur un collectif très fluide et technique, l’Italie a joliment décroché sa troisième étoile. Le coup de génie de Bearzot (1927-2010) ? Mixer les extrêmes : un Dino Zoff de 40 ans dont l’Italie du foot ne voulait plus et un gamin de 18 ans, Giuseppe Bergomi, dont l’œil expert du bon vieux Enzo avait décelé la précocité de surdoué tout aussi éternel que Dino… Image inoubliable : la partie de cartes (scopone) entre Causio, Zoff, Bearzot et le président Pertini dans l’avion présidentiel qui ramène la Squadra à Rome. Sur la table de jeu est posée la Coupe du monde dorée massif. La « Forza » tranquille…
81. Hector Cuper
Que peut-on attendre d’un joueur qui a fait sa carrière à Ferro Carril Oeste et qui était surnommé « grosse tête » pour son jeu aérien ? Peut-être cela : une première saison d’entraîneur à la tête d’Huracán et la perte du titre lors de la dernière journée, avant une carrière feu d’artifice : défaite en finale de la Coupe du Roi 97 avec Majorque, défaite lors de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupes la même année, défaites en finale de la Ligue des champions 2000 et 2001 avec Valence, un mandat à la tête de la Géorgie soldé par zéro victoire, défaite en finale de la Coupe de Grèce avec l’Aris Salonique. La meilleure manière de cacher au monde un secret : Hector Cuper est le meilleur entraîneur argentin des vingt dernières années.
À lire : La suite du top 100 des entraîneurs
Par la rédaction de So Foot