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- Les coups francs qui ont marqué l'histoire
Top 100 : Coups francs de légende (de 10 à 6)
De la magie de Beckham aux patates de forain de Roberto Carlos, en finesse ou en puissance, enroulés de l'intérieur, tendus du cou-de-pied ou délicieusement brossés de l'exter', voici 100 coups francs très francs.
#10 - Yann Bodiger - 2016
Angers-Toulouse (2-3), Ligue 1, 14 mai 2016
« Je sais pas pourquoi, je réfléchis à Bodiger avec son pied gauche. Je sais pas pourquoi, mais j’ai ça en tête… » C’est la dernière demi-heure de la dernière journée du championnat. Voyant son équipe de Toulouse en difficulté à Angers, dans un match que le Téfécé doit impérativement remporter pour se maintenir, Pascal Dupraz discute avec son adjoint Mickaël Debève d’un éventuel changement. Quelques minutes plus tard, l’ancien coach de l’Évian Thonon Gaillard fait confiance à son instinct en balançant sur le pré Yann Bodiger.
Un coup de maître, puisqu’à dix minutes du terme de la rencontre, le pitchoun de Toulouse – club qu’il a rejoint à 14 ans – fait parler sa fameuse patte gauche. Comment ? En balançant un coup franc excentré à la limite de la surface de réparation, à droite en regardant la cage d’Alexandre Letellier. Malgré l’angle ultra-fermé, le ballon vole au premier poteau sous la barre. Costaud pour un deuxième but en professionnel et un premier en Ligue 1. Yann Bodiger peut alors faire exploser sa joie : il vient d’offrir le maintien au Téfécé. Menée 2-1, son équipe a retourné la situation et envoie le Stade de Reims dans la charrette.
Le Tef’ devient par la même occasion la première équipe de l’histoire de la Ligue 1 à se maintenir après avoir compté dix points de retard sur le premier non-relégable à dix journées de la fin. Encore une prophétie de Pascal Dupraz qui s’est avérée juste. De son côté, Yann Bodiger entre, à l’image d’un Amara Diané à Paris, dans la légende à Toulouse. Ce qui n’a pas empêché son club de le dégager à Cadix, en deuxième division espagnole, l’été dernier.
#9 - José Luis Chilavert - 1996
à 4min50s
Vélez Sársfield – River Plate (3-2), Campeonato Argentino, 22 mars 1996
Le saviez-vous ? José Luis Chilavert a opté pour sa spécialité à l’âge de treize ans, en matant une réalisation du Péruvien Teófilo Cubillas au Mondial 1978 (à retrouver au rang #6 du classement). « Quand j’ai vu ce but, j’ai décidé moi aussi de tirer les coups francs » , a expliqué l’ancien gardien de Strasbourg. Le saviez-vous, encore ? Le Paraguayen a été élu gardien de l’année par la FIFA en 1995, 1997 et 1998. Pas en 1996, donc. Pourtant, c’est bien cette année-là que le portier a prouvé que la première anecdote racontée n’était pas une crise d’adolescence.
L’histoire se déroule à l’Estadio José Amalfitani. Vélez Sársfield reçoit River Plate, lors d’un match de championnat remporté par les locaux (3-2). Sous la liquette de Vélez, Chilavert met en lumière l’incroyable mélange d’audace, d’instinct et de technique qui guida le dernier rempart tout au long de son parcours. À soixante mètres des cages adverses, et alors que l’arbitre siffle une faute en faveur de son équipe, Chilavert monte à toute allure à hauteur du ballon en criant – selon la légende – à l’arbitre « Baisse-toi ! » À ce moment-là de la seconde période, le score est encore de 1-1. Le gaucher envoie une frappe de poney qui monte très haut dans le stade et redescend comme une fusée dans la cage. Son homologue de River en tombe à la renverse.
Les filets, les supporters, le public, les coéquipiers, la terre, le ciel, Chilavert lui-même : tout tremble, hormis son compagnon qui a provoqué le coup franc. Le malheureux n’a rien vu de la scène et sortira sur civière. Dans un premier temps, l’auteur de ce pion mémorable ne parvient même pas à célébrer son exploit comme il le souhaite tant ses potes le retiennent par le maillot. Finalement, il s’offre une petite glissade sur le ventre avant une embrassade collective en bouffant le gazon. Avec, en tête, une confirmation de ses propos passés : « Au Real Saragosse, en 1988, quand les supporters me voyaient sortir balle au pied, ils me criaient de revenir vers mon but. Mais si vous avez un gardien qui a une bonne frappe, pourquoi ne pas vous en servir ? » Bah oui, pourquoi ? Car vous ne le saviez peut-être pas, mais cette année-là, Vélez Sársfield remporte le Torneo Clausura 1996 avec un point d’avance sur son dauphin Gimnasia y Esgrima.
#8 - Juninho - 2006
AC Ajaccio-Lyon (1-3), Ligue 1, 4 mars 2006
Il existe des chefs-d’œuvre qui ne sont, manifestement, pas accrochés aux bons endroits, ni aux bonnes dates. Parce que les personnes qui assistent à leur création ne peuvent s’en réjouir, ou parce qu’il y a tout simplement trop peu de monde pour en apprécier le génie. Mais après tout, l’art n’est-il pas destiné à être communiqué sur n’importe quel support ? Dès lors, chacun est en mesure de faire du bien à ses yeux en contemplant devant son écran ce tableau de Juninho : la plus belle pièce de sa carrière, ce qui n’est évidemment pas rien quand on a marqué 75 coups francs en carrière.
Elle a été dessinée au début du mois de mars 2006. Il y a quatorze ans, à une époque où l’Olympique lyonnais règne sans partage sur le football français. Et cela se passe sur la pelouse du stade François-Coty d’Ajaccio. Devant seulement 4 037 spectateurs et face à une tribune quasiment vide, le Brésilien enchante tout à coup un match de Ligue 1 – opposant le leader à la lanterne rouge – jusque-là vierge de but. À l’heure de jeu, le spécialiste s’élance, à 41 mètres des cages de Stéphane Porato… Coup d’œil, courbe abracadabrantesque, puissance, précision, ficelles.
Les mots de l’auteur, revenant sur sa toile : « J’étais en pleine confiance et à 31 ans, j’étais également fort physiquement. Je frappe, le ballon prend une trajectoire puis tourne encore. Je me souviens, il y avait Karim qui commençait à jouer beaucoup à cette époque et qui était impressionné que je marque comme ça. » Pour l’anecdote, les Gones s’imposeront 3-1 (buts de Fred et Benzema, réduction du score de Lucas Pereira), et signeront quelques semaines plus tard le cinquième de leurs sept titres consécutifs, emmenés par l’empereur d’Ajaccio, Juninho 1er.
#7 - Ernie Hunt - 1970
Coventry City-Everton (3-1), championnat d’Angleterre, 3 octobre 1970
« À la mi-temps, le manager, Noel Cantwell, a voulu savoir pourquoi nous n’avions pas tenté le coup en première période, alors que nous avions un coup franc bien placé. Je lui ai dit que je voulais attendre que le coup franc soit à l’entrée de la surface. Quand l’occasion s’est présentée en seconde période, j’ai envisagé de la glisser entre les jambes de Willie pour que Dave Clements la frappe, mais Willie a décidé de faire le donkey kick, alors j’ai fait le geste. Le reste appartient à l’histoire. » * Cinquante ans plus tard, l’histoire n’a toujours pas oublié le coup franc génial inscrit par Ernie Hunt, en faveur de Coventry City contre Everton.
Ce 3 octobre 1970, il reste dix minutes à jouer. Les Skyblues mènent déjà 2-1 face aux champions d’Angleterre en titre, quand ils obtiennent un coup franc plein axe. C’est à ce moment précis qu’Ernie Hunt et ses comparses essayent ce que leur coach aurait aimé voir lors du premier acte. Pur produit de Coventry, Willie Carr bloque le ballon entre ses malléoles pendant plusieurs secondes avant de réaliser le fameux « donkey kick » – « coup de l’âne » en VF. Avant que le ballon ne commence à retomber, Hunt, tapi derrière Carr, déclenche une reprise de volée parfaite qui vient clouer Andy Rankin.
Sur le coup, l’arbitre de la rencontre ne sait pas si ce coup franc a enfreint les lois du jeu, mais il accorde le pion au bout de quelques secondes de flottement et offre à la télévision britannique l’un des buts les plus mythiques de son histoire. Alors qu’il est sûrement en train de siroter un cocktail au bord d’une piscine, en vacances à Majorque, Hunt apprend l’été suivant que cette malicieuse combinaison vient d’être interdite par les dirigeants du foot anglais. La raison invoquée : le ballon ne bouge pas horizontalement de son point de départ. Reste que grâce à Ernie Hunt, on a enfin prouvé qu’un âne peut faire un très bon cheval de course.
* Propos d’Ernie Hunt issus du livre Coventry City : The Elite Era, écrit par Jim Bron en 1998.
#6 - Teófilo Cubillas - 1978
à 2min40s
Pérou-Écosse (3-1), Coupe du monde, 3 juin 1978
C’est une victoire trop belle pour être vraie. En 1978, l’Argentine a battu le Pérou 6-0 : un score large qui lui a permis d’atteindre la finale de « sa » Coupe du monde, au détriment du Brésil, dans leur lutte à distance lors de la deuxième phase de poules de la compétition. Il n’y a pas de preuve formelle que ce match ait été acheté, mais des éléments troublent cette victoire des futurs champions du monde argentins. Ainsi, trois joueurs péruviens prétendront anonymement qu’on leur avait proposé de l’argent pour se coucher sur le terrain. Et certains auraient vu Videla, le dictateur argentin, descendre dans le vestiaire péruvien sous escorte militaire pour mettre la pression. Un souvenir sombre dans l’histoire du football péruvien, qui éclipse un moment de grâce qui a eu lieu trois semaines plus tôt.
Le 3 juin, la sélection péruvienne démarre le Mondial par un match contre l’Écosse de Kenny Dalglish. 1-1 à la pause, les Écossais se procurent un penalty en seconde période, mais Don Masson voit son tir stoppé par le portier Ramón Quiroga. L’heure de la Blanquirroja a sonné. Teófilo Cubillas entre en scène. Acte I : il donne l’avantage à son équipe en allumant une mine depuis l’extérieur de la surface. Acte II : sur coup franc, quasiment au même endroit où il avait marqué son premier but, légèrement décalé sur la gauche en regardant la cage. Juan Muñante feint la frappe et s’écarte pour laisser place à Cubillas. L’attaquant aux chaussettes baissées s’élance avec une course perpendiculaire au but. Mais comment diable compte-t-il s’y prendre pour contourner le mur de cette façon ?
Cinq pas d’élan à un rythme de sénateur, et le numéro dix péruvien dégaine. De l’exter’ ! Les cinq Écossais qui forment le mur voient passer le cuir sur leur droite avant que le ballon n’embrasse les ficelles dans la lucarne du pauvre Alan Rough qui s’empale sur son poteau. Huit ans plus tôt, le Roi Pelé désignait Cubillas comme son « successeur » face à la presse. Au Mondial 1970, le jeune Péruvien remportait le titre de meilleur jeune, avec cinq buts au compteur. Et s’il n’a pas connu la même carrière que le G.O.A.T. brésilien, Cubillas est bien devenu l’un des plus beaux joueurs des années 1970, comme en témoigne cette merveille de coup franc.
Par Maxime Brigand, Florian Cadu, Florian Lefèvre, Steven Oliveira et Maxime Renaudet