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Top 100 : Cartons rouges de légende (de 60 à 51)

Par Arthur Jeanne, Florian Lefèvre, Maxime Renaudet et Mathieu Rollinger

Parce que Cyril Rool n’a pas le monopole des tacles à la carotide, voilà un nouveau top 100 dans un camaïeu de rouge. Au menu : des coups de sang et des simulateurs, des agressions et des injustices. Salade de chevilles servie à volonté.

#60 - Javier Mascherano - 2013

Équateur – Argentine (1-1), éliminatoires du Mondial, 11 juin 2013

Quel est le point commun entre Jean-Marie Villemin, votre insupportable supérieur hiérarchique et Javier Mascherano ? Langue au chat ? Tous trois partagent le surnom, plus ou moins justifié, de « petit chef ». Jefecito, dans le cas de Mascherano. L’Argentin aime commander. Autoritaire comme un caudillo, il refuse qu’on lui impose quoi que ce soit. Alors quand on l’oblige à quitter le terrain pour être soigné, lors d’un match comptant pour les éliminatoires à la Coupe du monde 2014, le petit chef s’agace. À la 80e minute d’Équateur-Argentine, l’actuel joueur d’Estudiantes est évacué par voiturette à la suite d’un choc avec un adversaire. Mais estimant qu’il n’a pas besoin de soins, il tente de s’extirper de la civière et décide, tout simplement, de donner des coups de pied au conducteur du véhicule. Mauvaise idée, l’arbitre est à l’affût. Le petit chef voit rouge. Sans conséquence pour l’Albiceleste qui préservera le nul en haute altitude.

#59 - Steven Defour - 2015

Standard – Anderlecht (2-0), Jupiler Pro League, 25 janvier 2015

Le 24 mai 2009, après un double test match victorieux contre Anderlecht, le Standard est sacré champion de Belgique pour la deuxième fois de suite. Le jour du sacre, Steven Defour est adoubé par les supporters rouches, encore plus quand il les harangue en tapant sur l’ennemi juré : « Nous savions que le Sporting avait une grande gueule. Aujourd’hui, nous avons démontré qu’il valait mieux se taire. » Mais cinq ans plus tard, après trois saisons à Porto, Defour signe à Anderlecht et devient persona non grata auprès des Liégeois. Ces derniers ne manquent pas de lui rappeler lors du Clásico en terre wallonne, déployant un tifo sur lequel Jason Voorhees, héros de la saga d’horreur Vendredi 13, tient dans sa main la tête décapitée du milieu belge. Cette atmosphère hostile mijotera une cinquantaine de minutes dans le cerveau de Defour avant que celui-ci ne pète les plombs en shootant en direction d’une tribune. L’ancien capitaine liégeois prend alors immédiatement la porte, et sort sous les insultes de ses anciens supporters. Sclessin 1. Defour 0.

#58 - Philippe Mexès - 2015

Lazio – AC Milan (3-1), Serie A, 24 janvier 2015

La recette est aussi poncée que celle des spaghetti carbonara. Pourtant, presque neuf ans après le coup de boule de Zidane contre Materazzi, il suffisait encore à un Italien de saupoudrer un zeste de provocation dans un duel avec un Français pour que celui-ci entre en ébullition. Au stade olympique de Rome, le temps réglementaire est écoulé, la rencontre Lazio-Milan pliée en faveur des Romains (3-1), lorsque Stefano Mauri déséquilibre discrètement Philippe Mexès avec un croche-patte. C’est sifflé par l’arbitre, mais Mexès est furax. Pour empêcher son coéquipier de répliquer, Muntari le ceinture. Puis, Abate tente de le calmer à son tour. Trente secondes plus tard, le jeu reprend. Et Mauri se rapproche tranquillement de Mexès, incapable de se retenir de lui mettre la main à la gorge. Carton rouge adressé au Français. Et ce n’est pas fini. Le défenseur du Milan retourne vers Mauri, qui bascule en arrière à la Matrix pour éviter un éventuel coup de tête. Toujours pas redescendu, le colérique Mexès se défoule avec un étranglement, avant d’être finalement retenu par Montolivo. C’est fini cette petite crise ? « Sotto la doccia ! »

#57 - Tony Vairelles - 1998

À 6min 50s

Arsenal – Lens (0-1), Ligue des champions, 25 novembre 1998

Grâce à un but de Mickaël Debève, le Racing Club de Lens tient son exploit. Les Nordistes mènent 1-0 contre Arsenal et s’apprêtent à signer la première victoire française à Wembley de l’histoire des coupes d’Europe. Piqués dans leur orgueil, les Gunners n’ont plus que la ruse pour tenter de saborder l’exploit sang et or. Et c’est Tony Vairelles, qui sent « un contrat » dans son dos, qui en fait les frais. L’homme au mulet raconte à SO FOOT : « De l’autre côté du terrain, Parlour essaie de déborder Cyril Rool. Ça part un peu en sucette, ils commencent à se chamailler. (…) L’arbitre met carton rouge à Parlour et jaune à Cyril Rool. Moi, je regarde tout ça, et là je sens quelqu’un qui vient me rentrer dedans avec son épaule. Et le mec, il tombe par terre ! Je me retourne, je me demande s’il fait pas un malaise, tu vois, je suis étonné. Et là, t’as tous les mecs d’Arsenal qui se retournent vers nous, qui me courent dessus. Adams me chope même par le colbac. (…) L’arbitre me met à l’écart, se retourne, main à la poche, bam, carton rouge. Je me souviendrai toujours, je regarde le tableau, je vois 89e minute, je me dis : « Mais c’est quoi ce cinéma ? » Je savais qu’une fois le carton sorti, c’est fini. Je ne suis pas du genre à me plaindre, à crier au scandale, à la Basile Boli qui se roule par terre. Donc je suis resté comme ça et je suis reparti aux vestiaires, comme un con. » Sans son buteur, Lens ne pourra pas confirmer à Bollaert face au Dynamo Kiev (1-3). Tout ça parce que l’or a cette fois précédé le sang.

#56 - Fabien Barthez - 2004

à 30sec

Valence – Marseille (2-0), Coupe UEFA, 19 mai 2004

Cruauté, injustice et frustration. Les sentiments se bousculent dans la tête de Fabien Barthez au moment où Pierluigi Collina accorde un penalty en faveur de Valence. Dans cette rencontre de divins chauves, l’arbitre italien expulse spontanément le portier marseillais. La double peine est d’autant plus difficile à accepter que la fin du premier acte approchait. Mais Collina n’est pas du genre à faire dans les sentiments, et encore moins quand ses yeux globuleux assistent à l’anéantissement d’une action de but. Pour qu’il y ait double peine, encore faut-il que le penalty soit converti. Les espoirs des supporters olympiens reposent alors sur Jérémy Gavanon, qui entre à la place de Camel Meriem. Mais le portier remplaçant est pris à contre-pied par Vicente. Puis à l’heure de jeu, le poison Mista s’occupe de faire le break, détruisant les dernières chances de victoire marseillaise. À la fin du match, Barthez croisera une dernière fois le regard de Collina. Mais il est trop tard, le mauvais œil est déjà passé par là. Entre Moscou 1999 et Lyon 2018, Göteborg 2004 est classé sur l’étagère des finales malheureuses de la bibliothèque de l’OM.

#55 - Serge Djiehoua - 2013

Olympiakos Volos – Glyfada (4-1), D2 grecque, 30 septembre 2013

« Il détient le record du carton rouge le plus rapide après être entré en cours de jeu (3 secondes). » Voilà ce que Serge Pacôme Djiehoua laissera à la postérité, si l’on s’en tient à sa succincte fiche Wikipédia. Dommage, car il y aurait bien d’autres choses à dire. L’Ivoirien, qui est resté dans la mémoire des supporters sud-africains de Kaizer Chiefs pour la taille de ses cuisses plus que pour ses buts, avoue être « zouglou à fond » dans ses préférences musicales. Sinon, il s’en réfère très souvent à Dieu, aurait été à deux doigts de signer au Havre et se fait surnommer « Le Petit Drogba » en Turquie. Au milieu de tout ça, le solide attaquant ivoirien n’a donc joué qu’un mois en Grèce. Une éternité comparée au temps passé sur le terrain en cet après-midi de septembre 2013. Alors que son équipe vient d’encaisser un troisième but, le colosse entre sur le terrain à la place de José Pícon, puis fait le chemin inverse trois secondes après le coup d’envoi, en ayant eu le temps de refaire le menton à un adversaire. Un éléphant dans un magasin de porcelaine, qui garde le sourire.

#54 - Esteban Alvarado - 2004

à 2min 12s

Ajax – AZ (reporté), Coupe des Pays-Bas, 21 décembre 2011

Trente-sixième minute à l’Amsterdam Arena, 1-0 pour les locaux au tableau d’affichage. Le huitième de finale de Coupe des Pays-Bas 2011-2012 entre l’Ajax et AZ est subitement interrompu. Alors que le gardien de l’Ajax est censé botter un six mètres, à l’autre bout du terrain, son homologue Esteban Alvarado se fait attaquer par un prix Nobel descendu des tribunes. Celui-ci s’appelle Wesley, il a 19 ans et un coup dans le cornet. Le jeune homme voulait frapper le gardien, mais c’est lui qui va tomber au sol et manger le coup de pied du portier costaricien en guise de leçon (sous un autre angle ici). Les stewards arrivent pour stopper la bagarre et évacuer le supporter violent, mais l’arbitre juge quand même utile de mettre un carton rouge au gardien d’AZ. En signe de protestation, le coach de l’équipe d’Alkmaar, Gertjan Verbeek, décide de rappeler tous ses joueurs au vestiaire. Une décision payante. Le match est interrompu et sera rejoué quelques semaines plus tard devant un public d’enfants, avec la présence sur le terrain d’Alvarado, blanchi. Victoire 3-2 d’AZ dans le replay. Dans ta gueule, Wesley !

#53 - Martin Taylor - 2008

Birmingham City – Arsenal (2-2), Premier League, 23 février 2008

Dans la carrière d’Eduardo da Silva, il y a un avant et un après la rencontre de Martin Taylor sur la pelouse de Saint Andrew’s, en février 2008. Recruté par Arsenal au Dinamo Zagreb l’été précédent, l’avant-centre a la lourde tâche de prendre la place de Thierry Henry, parti au Barça. Les débuts d’Eduardo chez les Gunners sont prometteurs. Jusqu’à ce Birmingham City-Arsenal. À l’époque, le Brésilien naturalisé croate s’apprête à souffler ses 25 bougies, et son club figure en tête du championnat d’Angleterre. Mais le destin a voulu qu’un bourrin anglais fauche sa jambe gauche juste au-dessus du pied. Verdict : double fracture tibia-péroné. Arsenal ne sera pas champion, et Eduardo, qui rejouera six mois plus tard, ne retrouvera jamais son niveau. Il partira au Shakhtar Donetsk en 2010, et se fera ovationner par les supporters d’Arsenal quand il marquera lors de son retour à l’Emirates en Ligue des champions.

#52 - Daniele De Rossi - 2006

Italie – États-Unis (1-1), Coupe du monde, 17 juin 2006

Dans les grands rendez-vous de sa carrière, Daniele De Rossi entrait sur le terrain avec les nerfs à vif. Et repartait au vestiaire quelques fois plus tôt que ses coéquipiers à cause d’un carton rouge. Ce 17 juin 2006, l’Italie affronte les États-Unis lors de la deuxième journée de la phase de poules du mondial allemand, à Kaiserslautern. À la 28e minute, le Romain balance un terrible coup de coude à l’encontre de Brian McBride. L’Américain a la gueule maculée de sang, De Rossi est expulsé. Il prend quatre matchs de suspension. La cote pour qu’il rejoue cette Coupe du monde est infime. Et pourtant, quatre matchs plus tard, l’Italie se qualifie pour la finale et le sélectionneur Marcello Lippi décide de faire entrer De Rossi face aux Bleus, à l’heure de jeu. « À mon avis, aucun autre entraîneur au monde n’aurait fait ça » , dira le Romain plein de reconnaissance dans une interview à SO FOOT, en 2014. Et en plus, c’est lui qui frappe et marque le tir au but italien après l’échec de Trezeguet.

#51 - Xavi Aguado - 1996

Real Saragosse – FC Barcelone (3-5), Liga, 29 septembre 1996

En ce début d’automne 1996, le Real Saragosse reçoit dans un stade plein comme un œuf le FC Barcelone de Sir Bobby Robson. Le leader de la Liga est bousculé par les Aragonais. Pire, les Culés sont menés 3-1 à 20 minutes de la fin, quand, après un corner, Fernando Couto se tord de douleur au sol, dans la surface de réparation de Saragosse. Les arbitres n’ont rien vu. Ni l’accrochage entre Couto et Solana, ni la simulation grotesque du Portugais. M. Mejuto González ne sait pas quoi faire. Alors il va consulter son juge de ligne, Rafael Guerrero. Il lui pose deux questions : le ballon était-il en jeu quand Couto est tombé ? Et qui a agressé le défenseur barcelonais ? « Viens, putain Rafa, me cago en mi madre, qui doit être expulsé ? » , ajoute l’arbitre principal en utilisant un langage fleuri intraduisible en français ( « me cago en mi madre » signifiant littéralement « je chie dans ma mère » ). Une expression qui va se transformer dans la mémoire collective en « Rafa, no me jodas » ( « déconne-pas, Rafa » ). À ce moment-là, le problème, c’est que Rafa n’en sait rien non plus ! Sous la pression de Mejuto, il feint la certitude et se prononce pour la double punition : penalty et expulsion. Deux erreurs pour le prix d’une. Le pire, c’est que le joueur expulsé, Aguado, n’est même pas l’auteur de la minuscule poussette sur Fernando Couto. La suite ? Gheorghe Popescu égalise en faveur du Barça, qui s’impose finalement 5-3 à la Romareda. Mais ce qu’il reste aujourd’hui de ce match, c’est le « no me jodas » , une expression passée dans le langage courant de l’autre côté des Pyrénées… que M. Mejuto González n’avait pourtant pas prononcée. Quant à Rafa Guerrero, aujourd’hui chroniqueur à la télé, il est devenu le juge de ligne le plus célèbre de l’histoire.

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