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Top 100 : Cartons rouges de légende (2e) : Le coup de tête du destin

Par Maxime Renaudet

La Coupe du monde 2006 aurait dû être sienne. Mais plutôt que de la remporter, Zinédine Zidane a préféré lui faire un pied de nez après avoir envoyé valser Marco Materazzi. Un coup de tête paradoxal et contradictoire d'un antihéros plus humain que jamais.

#2 - Zinédine Zidane - 2006

Italie – France (1-1, 5-3 t.a.b.), Coupe du monde, 9 juillet 2006

Quelques petites foulées arrière de la pointe des pieds, autant pour se mettre dans la course de sa victime qu’à distance idéale, Zinédine Zidane prend son élan, bombe le torse, ferme les poings et adresse un coup de boule dans le thorax de Marco Materazzi. Un geste mythique qui pousse Thierry Gilardi à une envolée lyrique aux faux airs d’éloge funèbre. Rien d’illogique, Zidane quitte le royaume des dieux pour s’écraser sur celui des humains, là où l’injustice et l’iniquité trouvent leur pleine mesure. Il laisse le défenseur italien au sol, et ses coéquipiers à dix alors que les tirs au but pointaient leur nez, tirant un trait net et foncé sur le second sacre mondial de sa carrière. Il sait aussi et surtout que quatre minutes plus tôt, son coup de tête consécutif à un centre millimétré de Willy Sagnol aurait pu offrir la victoire aux siens. Alors plutôt que de voir Materazzi soulever la Coupe du monde dans les travées de l’Olympiastadion, il préfère sortir par la grande porte.

Le lendemain, après un triomphe italien éclipsé par cette expulsion traumatisante, Zidane prend cette même porte en pleine gueule. Les téléspectateurs français n’en reviennent toujours pas. Pourquoi le meneur des Bleus a craqué ? Qu’est-ce que Materazzi a bien pu lui susurrer à l’oreille ? Comment l’arbitre de la rencontre est parvenu à juger un coup de casque qu’il n’avait pas vu ? Autant de questions auxquelles a tenté de répondre Ollivier Pourriol dans Éloge du mauvais geste, essai où il tord dans tous les sens cette expulsion soudaine. Comme pour mieux mettre en lumière ce que Zidane expliquera à Michel Denisot quelques jours plus tard dans un entretien vérités que la France du foot ne cesse de réclamer : « Je suis un homme avant tout. » C’est d’ailleurs pour ça que ce coup de tête est paradoxal, et presque même contradictoire selon Pourriol. Car dans le même geste, il y a « la violence et le contrôle, l’insensé et le calculé, la chaleur irréfléchie de la passion et le sang-froid du buteur professionnel. Une perte de contrôle ultra-contrôlée, un geste fou réalisé avec une technicité d’ingénieur, le renoncement au fair-play, mais avec retenue. Le coup, pas la blessure ; l’humiliation, pas le sang ; le coup sournois, par surprise, mais le respect du visage, impératif moral. » Une multitude d’éléments qui transforme cet acte antisportif en un geste légendaire et historique.

L’histoire de Zidane n’en est-elle finalement pas plus belle ? Certains répondront non, arguant que sans cette expulsion, et donc avec ZZ jusqu’au bout, les 23 de Domenech l’auraient emporté. Mais s’il décide de s’engouffrer dans l’interstice qui lui est proposé par l’Italien malin, c’est qu’il sait que la défaite approche. Et qu’importe que sa mère ou sa sœur aient été insultées. Après tout, il n’y a pas qu’en finale de Coupe du monde, et dans la bouche de Materazzi, que les mamans et les petites sœurs se transforment en péripatéticiennes. Le sang-froid, Zidane l’avait. Ici, il est question d’honneur. L’honneur d’un humain qui choisit la fuite, mais sème la gloire.

Pourtant, la légende veut que ce geste ait été puni par la triche arbitrale. En effet, l’Argentin Horacio Elizondo aurait exclu Zidane grâce à son quatrième assistant, lui-même aidé dans sa décision certaine par le ralenti du geste en question, diffusé sur un moniteur à sa disposition. Savamment orchestrée, l’expulsion du numéro dix français aurait été possible grâce aux images de l’action, ce qui n’est pas autorisé par les règlements de l’époque ? Quelque chose cloche, la VAR n’a pas pu naître le 9 juillet 2006… C’est ce que s’est tué à dire Elizondo lorsque la revue anglaise The Blizzard l’a interrogé sept ans après les faits, avouant au passage qu’il n’avait rien vu. Tout l’inverse de son quatrième arbitre, Luis Cantalejo, qui lui jure avoir photographié le coup de casque avec ses yeux. Derrière, Elizondo ne bronche pas et sort le rouge. Non pas grâce à la VAR, mais à l’aide de son courage arbitraire. S’est-il rendu compte de la portée de son geste dans l’histoire ? Apparemment non. « Après le match, j’ai réalisé que c’était une énorme décision, avec son impact médiatique. Mais au moment où je montre le carton rouge, non… Un carton rouge à Zidane, à Rooney, à un Tchèque, ou à un joueur de mon pays, c’est pareil. C’est juste un joueur dans une équipe. » Ou tout simplement un humain qui a décidé d’écrire lui-même son histoire. Celle d’un joueur capable de tenter une panenka en finale de mondial, et de se faire exclure pour un coup de boule du destin.

Par Maxime Renaudet

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