- Euro 2012
Top 10 : un Euro et puis plus rien
Ils sont plus ou moins connus, ont plus ou moins brillé durant un Euro avant de disparaître de la circulation internationale. Dans ce bordel sportif éphémère, ils ont chacun aimanté la lumière l'espace d'un instant. Partageurs, ils l'ont vite rendue.
Luis Arconada : Arconada aurait aimé rejoindre ses potes Panenka et Madjer. Des mecs qui ont anobli un geste technique. Sauf que Luis a fait l’inverse. Il a baptisé une saloperie de boulette. Impérial durant tout l’été 1984 avec la sélection espagnole, le gardien de la Real Sociedad semble infranchissable sur les prés français. Même Michel Platini, pourtant auteur de huit buts dans la compétition avant l’acte final qui se déroule au Parc des Princes, ne trouve pas la clé. Jusqu’à la 57e minute, le gardien est serein. Il écœure le carré magique franchouillard. C’est le moment choisi par Platoche pour en faire sa chose. Un petit coup franc à l’entrée de la surface. Pas très bien tiré, il faut l’avouer, et Luis entre dans la légende. Il chope la gonfle. S’affale sur le sol, le cuir dans la niche, mais se troue salement, laissant le ballon rouler sous son bide et entrer dans le but. Au ralenti. Le mythe est né. Aujourd’hui, dès qu’un gardien se rate, on appelle ça une Arconada. Même Edel n’a pas eu droit à tant d’honneur. À 30 piges, la carrière de ce très bon gardien s’écroule en finale de l’Euro. Il prendra sa retraite en internationale en 1985. À 31 ans.
Radek Bejbl : Équipe frisson du millésime 1996, la République tchèque envoie une bande d’artistes régaler les travées anglaises habituées au graillon et à Darren Anderton. Derrière les artistes Šmicer, Poborský, Berger, se cachent des mecs de l’ombre. Des moches, voilà. Parmi eux, Radek Bejbl, le blondinet du Slavia Prague. Parfaitement inconnu au printemps 1996, le mec se fait un nom en l’espace de cinq matchs, dont un mémorable contre les Italiens au premier tour. Travailleur, ouvrier du tacle, Radek se donne corps et âme pour son bled. À la sortie de l’Euro, ponctué par une belle place de finaliste, le teigneux milieu s’envole pour Madrid (Atlético), avant de squatter un temps Lens, pour finalement revenir au pays. À vrai dire, Bejbl n’aura été bon que cinq matches dans sa vie. Suffisant pour que l’on souvienne de lui une fois tous les quatre ans avant d’entamer l’Euro. Un marronnier, quoi.
Jean-François Domergue :Jean-François n’aurait jamais dû être de la partie en 1984. Son été, il se l’imaginait dans les vignobles bordelais, à s’enfiler des cépages millésimés dans le gosier et des chipolatas grillées au barbecue. Mais Michel Hidalgo décide d’emmener le défenseur toulousain à l’Euro. C’est une surprise. Et ce n’est pas la dernière. Censé être là pour chauffer le banc, Jeff porte à merveille son survêtement Adidas peau de pêche. Contre le Danemark, Yvon Le Roux se pète et Domergue entre en jeu. Il ne sortira pas de l’équipe qui remportera l’Euro. Mieux, en demi-finale à Marseille, Domergue sort le match de sa vie en collant deux pions dans la face des Portugais dans un match de légende qui voit les Bleus l’emporter en prolongation (3-2). L’heure de gloire du natif de Bordeaux. Au final, Jeff Domergue rangera ses crampons avec neuf sélections et deux buts en Bleu. En demi-finales d’un tournoi gagné en France par le pays hôte. Bien entendu, toute ressemblance avec un autre défenseur est fortuite.
Milan Baroš : Putain, mais qui est ce mec qui va à 100 à l’heure ? C’est ce que tout le monde s’est demandé en 2004, quand Milan Baroš enfilait les pions au même rythme que Jacques Santini enquillait les conférences de presse avec le débit de parole du pape Jean-Paul II. Un but tranquille contre la Lettonie pour commencer, un autre dans un match de folie face aux Pays-Bas, encore un nouveau face à l’Allemagne, puis un doublé dans les gencives danoises en quart de finale. Milan Baroš est bouillant. Il déboîte tout le monde par sa vitesse, ses appels et son efficacité. L’attaquant de Liverpool a 23 ans et fait kiffer la moitié du Portugal. La bévue grecque en demi-finale (défaite 0-1) n’y change rien, Baroš a réussi son Euro. Au vrai, c’est la seule chose qu’il réussira de sa carrière. Entre Aston Villa, Portsmouth, Lyon ou Galatasaray, Milan s’est ensuite perdu. Aujourd’hui, Baroš inspire au mieux un sourire, au pire un rot.
Henrik Larsen : Hellerup, Pise, Kongens Lyngby, Mannheim, Copenhague. La carrière de Henrik Larsen ressemble à un été de festivals de Métal où le bonhomme aurait vécu dans un van avec son chien, son diabolo et sa table pliable pour becter. Pourtant, entre ses bracelets donnant accès aux différents campings de fortune de ces festivals, Henrik peut se vanter d’avoir accroché un Euro à son palmarès. Et avec doigté. Auteur de cinq buts en 39 sélections, Larsen en a déposé trois en Suède durant l’édition 1992. Un Euro qu’il aborde en claquettes. Détendu, l’attaquant danois crucifie d’abord les Bleus au premier tour, avant d’en coller deux aux Pays-Bas dans une demi-finale épique (2-2, victoire aux tirs au but). Une fois l’Euro en poche, Larsen a repris la route. Sans bruit.
Angelos Charisteas : Charisteas, c’est avant tout le buteur de cette saleté d’équipe grecque que tout le monde a aimé détester en 2004. Le genre d’attaquant moyen, jamais titulaire en puissance dans ses clubs successifs, mais pourtant capable de faire pleurer la France, puis les hôtes portugais en scorant l’unique but de la finale. Un hit éphémère à l’image de Dragostea din tei du groupe Ozone, la saloperie sur laquelle vous avez dansé en ce triste été 2004.
Kim Vilfort : En 1992, lors de l’Euro suédois, les Danois sont des invités encombrants. Appelés à la dernière minute pour remplacer une Yougoslavie mourante, les Scandinaves déjouent les pronostics et s’invitent en finale face à l’ogre allemand. Juste avant le match, Kim Vilfort, milieu de terrain de Brondby, doit rentrer au pays pour se rendre au chevet de sa fille de 7 ans atteinte d’une leucémie. Le moustachu reviendra à Göteborg à temps pour disputer la partie et inscrira le second but de l’inattendu triomphe danois. Malheureusement, il n’y aura pas de happy ending et sa fille décédera quelque temps plus tard.
Abel Xavier : La rock star de l’Euro 2000, c’est lui. Sur le flanc droit de la défense portugaise, le joueur originaire du Mozambique enflamme les tribunes avec son look tout droit sorti du Cinquième élément. Le joueur d’Everton participe activement à la bonne campagne lusitanienne et devient le héros malheureux de la demi-finale perdue face à la France. Lors de la prolongation, sur un centre de Sylvain Wiltord, il contre la balle de la main et l’arbitre siffle un penalty que le 94 conteste encore. Abel Xavier s’en prend alors à l’arbitre assistant avec virulence. Il récoltera 9 mois de suspension et ne s’en remettra jamais vraiment, malgré des passages à Liverpool et à la Roma.
Orlando Engelaar : En 2008, alors que les Bataves réalisent un premier tour enchanteur, l’Europe découvre la tour de contrôle Engelaar. Tanqué au centre du terrain, le géant d’origine surinamaise annihile les offensives adverses, mais pas que. Ancien attaquant, Orlando, qui évolue alors à Twente, dispose également d’une technique très sûre qui en fait un pion essentiel du dispositif de Marco van Basten. Malheureusement pour lui, les Pays-Bas, alors grands favoris, s’inclinent en quarts de finale face à la Russie d’Andreï Arshavin. Engelaar n’apparaîtra quasiment jamais plus sous la liquette orange.
Oliver Bierhoff : Placer Oliver Bierhoff et ses 37 buts avec la Mannschaft dans le même classement que des lucky losers tels que Charisteas ou Abel Xavier peut paraître irrespectueux. On ne met pas tous les œufs dans le même panier. Pourtant début juin 96, le grand Oliver n’est pas grand-chose en Allemagne. Parti incognito de son pays natal en 1990, l’avant-centre a ensuite commencé à scorer dans des clubs au pedigree modeste, comme le défunt Austria Salzburg ou Ascoli avant d’exploser en 95-96 à l’Udinese. À 28 ans donc, Bierhoff, pratiquement inconnu, entre à la 68e minute de la finale face à la sensation tchèque, alors que les Teutons sont menés 1-0. 5 minutes plus tard, il égalise de la tête, puis il inscrit le premier but en or de l’Histoire en crucifiant le pauvre Petr Kouba. Le football est un sport qui se joue à 11 contre 11 et à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent
Par Mathieu Faure