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Top 10 : stage et tournée
Comme chaque été depuis le début du mois de juillet, et ce jusqu'à la reprise de leur championnat, toutes les équipes du monde, ou presque, s'organisent un stage préparatoire ou une tournée promotionnelle d'avant-saison. Histoire de fédérer les forces vives du groupe, d'intensifier la préparation physique ou de vendre quelques maillots à l'autre bout du monde. Plongée dans l'intimité de ces colonies de vacances pour adultes, entre alcool, bagarre et (beaucoup de) clubs anglais. Beaucoup trop.
1/ Le stage « alcool, urine et extincteur » de Leicester en Espagne, 2000.
« Où est le bar putain ? » Voici comment Ian Marshall, défenseur/attaquant de Leicester City, annonce l’arrivée de son équipe à la Manga, ce cordon littoral situé au sud de l’Espagne, en 2000. Trois jours de stage, de soleil et de repos offerts aux joueurs pour leur qualification en finale de Coupe de la Ligue. Déjà bourré à bord de l’avion, le bouillonnant Robbie Savage se souvient qu’il n’est pas resté très longtemps dans sa chambre d’hôtel : : « On a posé nos affaires. On a trouvé un bar irlandais et on a continué à boire. Et à boire. » Le lendemain matin, le téléphone du manager Martin O’Neill, resté en Angleterre, carillonne : un joueur vient d’uriner dans un pot de fleurs de la réception, extincteur à la main et sexe au vent. Il semblerait que ce soit Stan Collymore. « Le coach nous a ensuite convoqués lors d’une réunion téléphonique. Tous les joueurs étaient pétrifiés, même ceux qui n’avaient rien fait, poursuit Savage. Il s’adressa finalement à Stan, qui se pissait littéralement dessus, et lui dit : « Fils, j’ai quelque chose à te dire… Que plus jamais personne ne me laisse un message vocal en pleine nuit, c’est pigé ? » »
2/ La tournée « Grande Muraille » de West Bromwich Albion en Chine, 1978.
En mai 1978, West Bromwich Albion devient la première équipe de football professionnelle britannique à se déplacer en Chine. Trois semaines de stage préparatoire tracées par les caméras de la BBC et compactées dans un excellent documentaire intitulé Albion in the Orient. Un bijou d’authenticité : hors caméra, l’international irlandais Mick Martin s’ennuie tellement qu’il passe son temps à divertir ses coéquipiers en lisant des méthodes de suicide élaborées pour sa propre femme. Entre de nombreuses batailles d’eau, la plupart des joueurs, méprisant la cuisine locale, organisent en pleine nuit des gueuletons anglais. Et surtout rechignent à faire la moindre visite culturelle. Un choix assumé par le milieu terrain John Trewick, un brin prétentieux : « La Grande Muraille de Chine ? J’en ai rien à foutre. Un mur ? Vous en avez vu un, vous les avez tous vus. Puis entre nous, j’en ai contournés des plus hauts de ça sur coups francs. »
3/ La tournée « perroquet » de Tottenham en Argentine et Uruguay, 1908.
Parmi les supporters de Totttenham, qui a déjà remarqué que l’animal dressé sur l’écusson du club était un jeune coq ? Et qui sait qu’à l’origine, ce coq aurait dû être un perroquet ? Pour la petite histoire, en 1908, de retour d’une tournée en Uruguay et en Argentine par bateau, deux joueurs des Spurs remportent un concours de déguisement en arborant chacun un accoutrement de pirate. Pour mieux calquer la réalité, le chef du navire leur offre alors son perroquet. Un babillard que le club ramènera finalement en guise de butin. Exposé au public sur un perchoir dans les allées de White Hart Lane, avant de mourir onze plus tard. Triste, vraiment ?
4/ La tournée « cessez-le-feu » de Santos au Nigeria, 1969.
Santos : modeste formation de quartier brésilienne, fondée le 14 avril 1912 dans un port de l’État de São Paulo. Seule équipe à avoir réussi l’exploit d’interrompre deux guerres, en 1969, alors que ses joueurs se trouvaient en tournée à travers l’Afrique. Durant 10 jours, les troupes armées locales cesseront le feu, le temps d’une visite et de quelques matchs amicaux. « Le club a interrompu des conflits entre la République du Congo et la République démocratique du Congo, et la guerre du Biafra au Nigeria. Il n’était pas intéressant pour ces pays de poursuivre les combats tant que Santos était là-bas » , rapporte Guilherme Nascimento, historien de Santos. Alors, au Roi Pelé de s’enorgueillir : « L’unique lieu où Santos n’est pas allé, c’est la lune. »
5/ La tournée « indépendance » de l’équipe du FLN à travers le monde, de 1958 à 1962.
Peut-être l’une des plus grandes tournées de l’histoire. 12 avril 1958. Deux joueurs algériens, Mokhtar Arribi et Adbelhamid Kermali, rencontrent l’idole nationale de leur époque, Rachid Mekhloufi, à la veille d’un match à Saint-Étienne. « Demain, on s’en va » , lui proposent-ils. Où ça ? À travers le globe. Mais pour quoi faire ? En pleine guerre d’Algérie, servir de porte-voix à l’indépendance de leur état au sein de l’équipe improvisée du FLN (Front de libération national), interdite par la Fifa. En chiffres : une trentaine de joueurs, tous professionnels, disputent environ 80 matchs en 4 ans, essentiellement en Europe de l’Est et Asie du Sud-Est, contre des sélections de villes, des sélections A’ et militaires. Sans aucun droit de poser un pied en France, ni en Algérie. « Pendant quatre ans, j’ai été un footballeur, disputant des matchs trop faciles, suivant des entraînements sans rigueur. J’avais perdu le goût de l’effort, mais pas la nécessité de lutter » , explique Meklhloufi. La suite ? De Gaulle signe les accords d’Évian, se heurte aux manifestations de Mai 1968 et assiste, cette même année, à la finale de la Coupe de France. Ce jour-là, Mekhloufi offre d’un doublé le succès à Saint-Étienne. Au général de lui remettre le trophée en personne, scellé d’un mot personnel devenu célèbre : « La France, c’est vous ! »
6/ La tournée « vol de bijou » de Bobby Moore en Colombie, 1970.
Été 1970. Afin de préparer au mieux la Coupe du monde au Mexique, dont elle est tenante du titre, l’Angleterre file quelques jours en stage à Bogota, où elle doit affronter la Colombie en amical. Dès leur arrivée, alors que le gros de l’effectif se saoule au bar, Bobby Moore et Bobby Charlton filent dans une bijouterie du centre-ville. Depuis des semaines, le premier a en tête de faire un beau cadeau à son épouse, Norma. Quelques minutes de lèche-vitrine, puis soudain l’alarme retentit : Moore est immédiatement accusé par un vendeur d’avoir volé un bracelet incrusté d’émeraudes, utilisant Charlton comme « bouclier » . Trois jours plus tard, cet employé avouera finalement avoir menti, rémunéré par son patron pour faire un joli coup de publicité au magasin. Bien vu. Toute la presse est en émoi. Depuis sa sortie de garde à vue, une photo du défenseur anglais fait le tour des rédactions, escorte de police et couverture sur la tête. Sous cette sublime titraille : « L’Angleterre, une équipe d’ivrognes et voleurs. »
7/ Le stage « Marines U.S » d’Arsenal au Portugal, en 1986.
« M. Graham, la moitié de votre équipe a été arrêtée pour tentative d’assassinat » , hurle un policier à l’entraîneur d’Arsenal, par téléphone. Il est 11 heures du matin, mois de juillet 1986. Rassemblés en stage d’avant-saison au Portugal, six Gunners sont désormais en garde à vue. La raison ? Avoir eu la bonne idée, la veille au soir, de draguer les amourettes de vacances d’une bande de Marines américains, réunis dans une discothèque. Parade amoureuse étrange : l’attaquant écossais Charlie Nicholas jette même une bouteille de vodka sur l’une de leur voiture, brisant du même coup son pare-brise. La suite ? Une boucherie. Mais pas celle que l’on attendait. À la surprise générale, ce sont bien les joueurs de football qui corrigeront salement les soldats U.S. George Graham, dérangé en pleine partie de golf, ira lui-même à la police pour négocier la libération de ses ouailles, contre une caution de 2 500 euros. Avant d’avouer quelques années plus tard : « Finalement, comment en vouloir à mes joueurs ? Il n’y a rien de plus beau que de voir un gros yankee humilié. »
8/ Le stage « kung-fu » de la sélection chinoise en Angleterre, en 2007.
Quand les Anglais voyagent à l’étranger, on vient de le voir, cela crée parfois de sérieux dégâts. Mais qu’en est-il de leur hospitalité ? En 2007, l’équipe nationale de Chine débarque à Londres pour un stage estival d’une dizaine de jours. Dès leur première séance au centre d’entraînement de Cobham, à Chelsea, un jeune Blues du centre de formation s’invite dans les vestiaires. Moqueur, il tente alors de chiper la serviette de bain d’un athlète chinois en route pour la douche. « Le genre de blague qui passe moyennement dans notre pays, très traditionnel » , ajoute le sélectionneur asiatique. Pis, ce premier accueil va rapidement prendre des allures d’affront lors d’un match amical contre les Queens Park Rangers. Quinze minutes de jeu, la rencontre est arrêtée. Bagarre générale. Résultat : trente hommes s’affrontent sur le terrain, le défenseur Zheng perd connaissance et quitte le stade avec une fracture de la mâchoire. De ses propres mots : « C’était le chaos. Des coups de poing, des coups de pied… Mais de notre côté, nous nous sommes défendus par des enchaînements de kung-fu. »
9/ La tournée « chaise de dentiste » de l’Angleterre à Hong-Kong, en 1996.
« George Best était une légende, moi je suis un ancien joueur qui buvait » , nous témoignait Paul Gascoigne, en 2009, dans une interview republiée ce mois-ci pour le numéro des 10 ans de So Foot. Alcool, cocaïne, laxatif, divorce et même un rendez-vous avec le pape… Dire que l’un des plus gros talents de l’histoire du football anglais a préféré se gâcher que de faire carrière serait en dessous de la réalité. Exemple lors de l’été 96, lors d’une tournée de l’équipe d’Angleterre à Hong-Kong, juste avant l’Euro. Ici, Paul est pris en photo le jour de son anniversaire en pleine séance « beuverie » avec Teddy Sheringham et Steve McManaman. Gazza, allongé sur une chaise de dentiste, torse nu, ingurgite alors des litres de Tequila. Notons que durant le voyage, il avait déjà montré ses fesses aux pilotes de l’avion et fracassé les écrans de télévision. Quelques jours plus tard, Paul inscrit son premier but de la compétition, s’étend par terre les bras en croix et se fait asperger d’eau par ses coéquipiers. Résultat : elle reste comme l’une des célébrations post-but les plus célèbres de l’histoire. Plaisir.
10/ Le stage « agression sexuelle » de Leicester en Espagne, en 2004.
Comment ne pas terminer par cette belle équipe de Leicester, reine des stages et des tournées exotiques ? Quatre ans après l’incident survenu en Espagne, à la Manga, les responsables de l’hôtel décident finalement de passer l’éponge. S’ils le souhaitent, les joueurs sont de nouveau les bienvenus. Or, pour ce retour en mars 2004, les règles ne sont plus les mêmes : entraînements intensifs durant une semaine, aucune sortie nocturne autorisée, passeports et téléphones portables confisqués. Malgré tout, trois jours suffiront pour que neuf joueurs de l’effectif anglais soient mis en examen à la suite d’une plainte de trois femmes, deux originaires du Malawi et une du Kenya, les accusant d’agression sexuelle lors d’une soirée dans un casino. Faute de preuve, tous seront finalement relâchés. Dès leur retour en Angleterre, plusieurs se feront insulter de « violeurs » et « d’animaux » lors de leurs matchs à l’extérieur. D’autres tomberont en dépression. Les derniers préférant le silence. Pour James Scowcroft, l’un des accusés : « Je serai à jamais traumatisé par cette affaire. Depuis ce jour, je n’ai plus jamais fait de stages ni de tournées de ma vie. »
Par Victor Le Grand, à Manchester