- Elections présidentielles de 2012
Top 10 : Présidents
En politique, la présidence se révèle souvent une question de style. Il y a l’« omniprésident », qui aime railler le roi fainéant. Il y a le « normal », qui se moque de l’agitation de l’« hyperactif ». Il y a celui qui se fait condamner par la justice. Et puis il y a les autres. En foot, c’est pareil : chacun sa touche perso. Incultes ou spécialistes du ballon, adeptes des matchs en tribune ou absents des stades, friands de polémiques ou en retrait de l’agitation médiatique, il n’y a pas de recette type pour rester dans l’histoire d’un club. A l'heure de l'élection présidentielle, tour d’horizon de ces dirigeants qui ont marqué, chacun à leur façon, le football français. Une source d’inspiration pour Nasser Al-Khelaïfi et… Eric Besson ?
Louis Nicollin
« Je me mets à la place du président du PSG qui a un budget de je ne sais pas combien, quand il voit celui de Montpellier, il doit se poignarder le cul avec une saucisse le mec. » A l’époque, en 2010, Loulou Nicollin parlait de Robin Leproux. Après le rachat du club de la capitale par les Qataris, la pique paraît plus que jamais d’actualité. Le président montpelliérain a toujours eu le goût des phrases imagées. Un peu moins de la poésie. En même temps, rayon classe, on parle quand même d’un mec qui a fait fortune dans le traitement de déchets. Surtout, d’un type qui sort rarement sans son plaid lors des matchs de grand froid. Mais si Montpellier trône aujourd’hui au sommet de la L1, la ville le doit en partie à son drôle de Loulou, depuis 1974 à la tête d’un club avec lequel il a remporté une Coupe de France et un titre de champion de D2. A 68 berges, il vit toujours aussi excessivement le football, n’en déplaise aux « petites tarlouzes » .
Claude Bez
Les années 2000 n’ont pas le monopole du parler trash. Ni du bling-bling ou du bunga-bunga. Claude Bez, à la tête de la période dorée des Girondins de Bordeaux, en est la preuve, plus vivante. L’ex-président et sa moustache à faire passer celle de José Bové pour un duvet d’ado prépubère personnifiaient à merveille ces trois néologismes. Le parler trash ? Extraits : « Ce que je trouve dégueulasse, c’est la réussite du pauvre ! » ; « Charlatan, charognard, ce Tapie n’est sûrement pas un homme d’affaires, mais uniquement un homme de médias. Je vais le démystifier. » ; « J’ai commis l’erreur de faire venir Platini à la tête de l’équipe de France. Comme sélectionneur, il a été aussi nul qu’il était bon joueur. » Pour ce qui est du bling-bling, Claude Bez n’a pas attendu la cinquantaine pour s’acheter de belles voitures – pourquoi se contenter d’une Rolex ? – dans lesquelles il prenait un malin plaisir à parader sur la Canebière. Histoire de narguer son meilleur ennemi, Tapie. Comme tous les précurseurs, ce comptable de formation fut largement incompris de son époque et condamné par la justice pour une sombre histoire de comptes pas bien ronds. Enfin, niveau bunga-bunga, Bez le bien nommé a reconnu avoir payé des prostituées aux arbitres lors de matchs européens. « J’ai lu qu’un proxénète dirigeait ses affaires depuis sa cellule. C’est plus facile de s’occuper d’un club que de prostituées » , comparait-il avant de goûter lui-même à la prison. Mais il ne s’agit pas de salir la mémoire des défunts. Car aux dernières nouvelles, Claude Bez ne serait pour rien dans les comptes douteux de la campagne présidentielle d’Édouard Balladur. Et Monsieur Claude n’aurait fourni aucune « fille » à DSK. Tout le monde ne peut pas en dire autant.
Jean-Michel Aulas
Ses détracteurs lui reprochent son côté froid de chef d’entreprise et sa tendance à ne voir dans le foot qu’un business comme les autres. Ses laudateurs lui savent gré d’avoir boosté le ballon rond à Lyon la bourgeoise et mis fin à l’apathie qui régnait à la fin des années 80. Mais, compliments ou pas, Jean-Michel s’en fout. Il continue à mouiller la chemise et le costard. En maniant avec modération l’art subtil de la délégation de pouvoirs. Polémiques sur l’arbitrage, les droits TV ou le calendrier, rivalité avec les Stéphanois, cotation de son club en Bourse : tout est bon pour se faire entendre sur la scène médiatique. A l’instar de Nicolas Sarkozy avec François Fillon, Aulas a fait de ses entraîneurs de simples « collaborateurs » . Au début des années 2000, il décide de pratiquer l’ouverture et l’immigration choisie en développant sa filière brésilienne. Une des recettes qui font que l’hyperprésident des Gones peut aujourd’hui se targuer de sept titres de champion de France consécutifs. En politique, on appelle ça un septennat bien rempli.
Bernard Tapie
Si les grands clubs ne meurent jamais, alors leurs présidents non plus. Chanteur, pilote de course, businessman, ministre, comédien… A 67 ans, Bernard Tapie a déjà vécu plusieurs vies. Parmi ses différentes occupations, celle de président de l’OM n’est pas passée inaperçue. Côté pile, quatre titres de champion, une Coupe d’Europe. Côté face, des pratiques franchement hors-jeu et un carton rouge pour l’affaire VA-OM. Mitterrandien sous Mitterrand, sarkoziste sous Sarkozy, Nanard a toujours su adapter ses schémas tactiques aux circonstances du moment. Finalement, c’est lui qui résume le mieux sa science : « J’ai menti, mais c’était de bonne foi » . Un artiste, quoi.
Robert Louis-Dreyfus
Début 2007, Robert Louis-Dreyfus tente de vendre l’OM à Jack Kachkar. L’affaire capote assez vite quand le Canadien n’arrive pas à réunir les fonds. L’épisode peu glorieux restera la seule infidélité notable de RLD à son Olympique, en treize années. De 1996 à 2009, l’homme d’affaires aura aimé sans compter ses millions. Tout ça pour une Coupe Intertoto (2005). Le succès et la reconnaissance ne furent que posthumes, avec le titre de champion en 2010 et un centre d’entraînement baptisé à son nom. Car oui, RLD est mort trop tôt. Une femme blonde, un goût prononcé pour le tabac, un décès des suites d’une longue maladie, à peine la soixantaine franchie… Une fin à la Georges Pompidou, quoi.
Michel Denisot
En 1998, Claude Simonet, président de la FFF, reçoit la Légion d’honneur. La même année, Michel Denisot a droit au même hochet pour son œuvre comme président d’une équipe bleu-blanc-rouge. Il est vrai que le règne du Canal boy (1991-1998) correspond aux années fastes du Parc des Princes : un titre de champion, trois Coupes de France, deux Coupes de la Ligue et, surtout, une Coupe des Coupes. Ginola, Weah, Rai, Leonardo, Djorkaeff ou Rabesandratana : sur le terrain, le casting fait rêver. Charles Biétry, qui prendra la suite des affaires, prouvera cependant que les pros des médias ne font pas toujours de bons dirigeants. Une forme d’avertissement pour les Jean-Claude Dassier et autres Patrick Le Lay. A noter que Michel Denisot connaîtra moins de réussite avec son autre club de cœur, la Berrichonne de Châteauroux. Et ce, malgré la venue d’Éric Rabesandratana…
Carlo Molinari
Rater une dissolution, passe encore. Perdre son triple A, bon… Mais passer à côté de Platini, voilà bien le camouflet suprême pour tout président qui se respecte. C’est pourtant ce qui est arrivé à Carlo Molinari, au début des années 70, lorsque le frêle Michel est venu passer un test au FC Metz. L’histoire est connue : le jeune milieu, prometteur, se fera rembarrer par le club de son cœur pour insuffisance cardiaque et partira effectuer ses débuts pros chez le rival, Nancy. Un comble. Au cours de sa longue présidence, de 1967 à 2009 – et une parenthèse entre 1978 et 1983 -, Carlo, ancien adepte de motocross, a connu des hauts et des bas. Au rang de ses succès : deux Coupes de France (1984 et 1988) et une Coupe de la Ligue (1996), avec la génération des Pires et Pouget, les « P-P flingueurs » . Mais, en bon loser, notre petit homme au crâne lisse, en ballottage favorable en 1998, est aussi passé à côté d’un titre de champion pour une bête question de goal average. En 2009, il passe la main. « J’ai cru que des joueurs dont nous avions triplé les salaires deviendraient trois fois plus forts » , déclarait-il vers la fin de sa présidence. Heureusement qu’il a pris sa retraite, la sénilité était toute proche.
Gervais Martel
Le Président, intouchable ? En politique, peut-être – et encore, ça reste à voir, hein, Jacques ? En foot, pas vraiment. Parlez-en à Gervais Martel, après ses quatre heures de garde à vue, mi-novembre, dans le cadre d’une enquête préliminaire sur le financement de la reconstruction du Stade Bollaert en vue de l’Euro 2016. « C’est une affaire totalement privée, qui n’a rien à voir avec les affaires en cours, Carlton ou autre chose » , a corrigé l’emblématique dirigeant, à la tête des Sang et Or depuis 1988. Une phrase peut-être pas si inutile que ça : certains se rappellent qu’à la fin des années 90, Gervais s’offrait les services d’une jolie blonde qui a fait vibrer plus d’un supporter de Bollaert. La belle plante, qui a depuis mal tourné, répondait au doux prénom de Tony.
Roger Rocher
De 1961 à 1981, cet industriel fut l’un des artisans chéris des Vingt glorieuses stéphanoises. Dans sa besace, neuf titres de champion, six Coupes de France et des exploits en Coupe d’Europe. Comme tout bon président, Roger Rocher avait l’art de trouver des slogans percutants. Sa punchline la plus célèbre ? « En football, Saint-Étienne sera toujours la capitale et Lyon sa banlieue » . Depuis, la géographie du football hexagonal a quand même bien changé… En 1991, condamné à trois ans de prison, dont quatre mois ferme, dans l’affaire de la caisse noire, Roger Rocher décide d’en tirer les conclusions en se retirant de la vie médiatique, neuf ans après avoir démissionné de la présidence. Il casse sa pipe le 29 mars 1997.
Jean-Louis Campora
Jean-Louis Campora à la tête de l’AS Monaco, c’est un peu comme si Bernard Accoyer, le président de l’Assemblée nationale, prenait les rênes du PSG. Comme le maire d’Annecy-le-Vieux, Campora est médecin. Surtout, de 1993 à 2003, Jean-Louis fut aussi président du conseil national de la Principauté de Monaco. Bref, un cumulard. Une double casquette qui ne l’empêcha pas de ramasser les titres durant son long règne. En 28 ans (1975-2003), Jean-Louis Campora aura quand même accroché cinq titres de champion à sa veste de costard et bâti les fondations de l’épopée européenne de 2004. Des sacres que Monsieur le président n’hésitait pas à célébrer dans le bain à remous, avec les joueurs. Si le prince Albert a parfois vu d’un mauvais œil le vieux président s’accrocher au Rocher, force est de constater que, plus que du départ de Deschamps, Monaco ne s’est jamais vraiment remis de celui de Campora.
Bonus…
Jean-Claude Hamel
Avec Guy Roux comme entraîneur, être président de l’AJA, c’est un peu comme occuper le palais de l’Elysée sous la IVe République : bien joli, certes, mais on se sent un peu inutile. Quoi qu’il en soit, Jean-Claude Hamel, 82 ans, présente au moins un aspect remarquable dans sa carrière de dirigeant. Avec 46 piges passées à la tête du club, il affiche une longévité exceptionnelle qui lui a permis de visiter les différents échelons du foot français, de la DH à la Ligue 1. Une connaissance de la « France d’en bas » pas inutile lors de ses années passées comme adjoint de l’ancien maire d’Auxerre, Jean-Pierre Soisson.
Par Yann Bouchez