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Top 10 : Mon maire, ce traître !

Par Nicolas Kssis-Martov
8 minutes
Top 10 : Mon maire, ce traître !

Nous avons tellement pris l'habitude d'observer les maires s'exaltant, plus ou moins sincèrement, dans les tribunes de leurs stades si coûteux pour les finances de la municipalité, qu'on oublie que le premier édile reste un homme comme un autre. Comme Sadiq Khan, maire de Londres, mais fan des Reds, qui a droit à ses infidélités du moment qu'il fait bouillir la marmite à la maison.

Londres a donc un nouveau maire. Beaucoup, en quête de clics populistes et de raccourcis clavier, se sont attardés sur le fait qu’il soit musulman. Les analystes les plus affûtés ont remarqué qu’en reprenant la capitale anglaise aux conservateurs, il offrait un des rares succès travaillistes des dernières élections. Mais l’esprit curieux a surtout remarqué que dans une ville vibrant au rythme de ses nombreux clubs pros et derbys hebdomadaires, Sadiq Khan a choisi les Reds de Liverpool. Une hérésie à plus d’un titre, même si elle est démocratiquement rassurante. Et loin d’être une exception, nul besoin d’être un fervent de l’équipe locale pour diriger le destin de sa cité. Et pour ce qui relève du cas londonien, il s’agit peut-être d’une sage décision…

Sadiq Khan, Liverpool, le choix antiraciste ?

C’est presque une histoire ordinaire. Sadiq Khan, avocat, ancien ministre et militant des droits de l’homme, supporte de fait les Reds de Liverpool par dépit. Au départ, dans sa jeunesse, il suit Wimbledon, à l’époque du crazy gang. Il s’en éloignera, selon ses propres mots, après avoir été traité de « yid » par des fans qui le prenaient pour un des Spurs. On notera l’ironie de la situation, au regard des récentes polémiques dans les rangs travaillistes sur la question de l’antisémitisme. Le résultat fut en tout cas de le pousser à chercher au loin, et au nord, de quoi assouvir son amour du foot. « À l’époque, il n’était pas sans danger pour quelqu’un comme moi d’aller au stade, alors, dans les années 80, je regardais le football à la télévision, Match of the day et d’autres programmes, et je suis devenu supporter de Liverpool parce qu’ils jouaient à ce moment-là un grand football et qu’ils gagnaient. » L’herbe est toujours plus verte ailleurs. On peut craindre néanmoins que dans le Kop, in situ, il aurait sûrement vécu le même genre d’expérience pour peu qu’on l’ait pris pour un Mancunien.

François Hollande et sa bonne étoile rouge

Quand vous êtes maire de votre belle cité de Corrèze, vous devez bien sûr aller soutenir le Tulle Football Corrèze, qui retrouve la DH cette année. Cependant, le cœur footeux du président de la République, à en croire les belles déclarations qu’il aime faire lors des dîners de presse ou en visitant le stade Bauer, a toujours battu pour d’autres couleurs, plus classieuses. D’abord pour les « culs rouges » de Rouen, un souvenir d’enfance, et donc, paraît-il, le grand Red Star, sa légende, son ancrage en banlieue ouvrière et son patrimoine résistant. Bref, toute une histoire qui n’est pas vraiment la sienne. Il s’agit quasiment d’un choix politique, d’un signe d’allégeance à une certaine romance de gauche du ballon rond. Cela dit, pour le coup, on doute que ce soit pour cette raison que ses administrés du 19 lui en veuillent vraiment aujourd’hui…

Bill de Blasio – SSC Napoli forever

New-York a maintenant un « vrai club » avec le New York City Football Club. Et le monde est bien fait, ses couleurs s’apparentent vaguement à celles du SSC Napoli, la lointaine maîtresse de Bill de Blasio. Une liaison épistolaire qui, désormais, s’épanche d’abord sur Twitter, où le maire de Big Apple se répand en déclarations enflammées. Par exemple, pour affirmer chaque année que cette saison est la bonne, que le Scudetto tend les bras aux Partenopei. Ce fier représentant des Italo-Américains, par sa mère dont il a finalement adopté le patronyme, parlant lui-même encore la langue de Gomorra, prolonge ainsi également et finalement une vieille tradition de la gauche « libérale » de la côte Est, qui voyait dans le soccer du Vieux Continent le seul sport digne d’estime progressiste. « Naples, une ville qui est synonyme de créativité et de détermination, triomphera ce samedi » , balança-t-il de la sorte la veille d’un match contre la Juventus, dans un gazouillis en italien.

Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et supporter des Verts

Parfois, l’exil permet d’assumer. Quand on est lyonnais de naissance, il n’est certes pas toujours difficile d’assumer sa passion pour les Verts. Est-ce pour cela qu’il est devenu maire de Bourg-en-Bresse, dont le club à cheval sur deux communes (avec Péronnas) s’avère un modeste et respectable pensionnaire de Ligue 2 ? Chez les politiques, le lyrisme sert fréquemment à justifier auprès de leurs électeurs leurs affinités coupables, notamment « la finale de Glasgow en 1976 – ceux qui ne savent pas de quoi il s’agit ne peuvent pas comprendre » . Avec parfois la larme à l’œil quand il se souvient d’ « un match contre le Variété Club de France dans les années 90 : un coup franc de Platini et moi dans la cage, j’en frissonne encore ! » Reconnaissons-lui une certaine cohérence idéologique quand il s’insurge du sort réservé aux supporters, toute tendance confondue. « Je regrette vraiment l’interdiction de déplacement des supporters du RC Lens à Bourg. Le foot, ce n’est pas ça » , taclant la préfecture de l’Ain. Entre passionnés, on se soutient…

Christophe Najdovski, le vert en jaune

« Quand j’étais gamin, j’étais fan du FC Nantes, du jeu à la nantaise, la grande époque de Coco Suaudeau, Vahid, José Touré, l’époque Henri Michel et Maxime Bossis, les années 80. Puis ensuite la seconde vague, autour de 1995, avec Loko, N’Doram… » Christophe Najdovski a failli être maire de Paris, et pourtant, ce joueur amateur du CO Vincennes, malgré cette proximité avec Blaise Matuidi, n’a pas franchement la fibre PSG et ne fait pas semblant. Seuls les mauvais esprits penseront qu’à Paname, cela puisse expliquer qu’Anne Hidalgo lui soit passée devant.

Walter Veltroni, tous ses chemins mènent à la Juventus

Si son bilan de maire de Rome a été pour le moins contesté, cet ancien communiste et président du parti démocrate n’a pourtant jamais cessé de clamer sa vénération de la Juventus, au point d’en faire le principal ressort de son travail journalistique, notamment dans le Corriere dello Sport. Ce club qu’il présente volontiers comme son « musée d’âmes » est devenu au fil du temps le principal support de sa réflexion et de son expression publique. Au fur et à mesure que son étoile palissait dans sa ville natale. En 2015, il pouvait se permettre d’écrire, au sujet d’un match contre la Lazio : « Depuis des années, le centre de gravité du football a déménagé au sud. Mais il y demeure une Juventus dominante. Et c’est ce qui compte. » Prenez ça, électeurs ingrats…

Dimitri Russo, un maire en résistance

Dimitri Russo n’a pas franchement vocation à être connu. Ni à défrayer la chronique. Premier édile de la petite ville de Campanie Castel Volturno (22 000 habitants) à 50 km de Naples, on l’imaginait plutôt s’exprimer à la télé après un règlement de comptes de la Camorra. Sauf que la commune accueille également le centre d’entraînement du Napoli, ce qui semble engager d’office l’ensemble de la population derrière le club de la capitale régionale. Il subit donc un déferlement de procès en trahison lorsqu’il s’est permis de célébrer sur les réseaux sociaux le cinquième Scudetto des Bianconeri ou après s’être moqué de la susceptibilité des tifosi napolitains après un tag ironique sur le mur du bâtiment du SSC (il promettait de convoquer les « services secrets » pour trouver les coupables).

André Santini – Bastia

On pardonne toujours beaucoup quand la personne concernée dégaine la corde sensible des origines. Maire haut en couleur (un exploit pour un élu du 92) et bons mots d’Issy-les-Moulineaux, André Santini caresse un penchant naturel et filial pour le SC Bastia, comme tous les Corses de Paris. Le PSG, il le laisse à Nicolas Sarkozy. Et après tout, comment ne pas s’identifier au foot de l’Île de Beauté quand on explique que « Maire, c’est être Superman avec les moyens de Cendrillon » . Une pensée également pour le Gazélec ?

Claude Bartolone, Marseille dans le 9-3

Maire du Pré-Saint-Gervais et président du Conseil général du 93. Tout aurait dû le porter à venir fréquenter les travées du stade Bauer en chantant dans le kop « Banlieue rouge » . Sauf que le « vilain » socialiste qui a volé le département au PC avant d’aller « percher » à l’Assemblée nationale voit les choses autrement. Pour lui, ce n’est ni le Red Star ni le PSG qui représentent les territoires périphériques. « L’OM respire la banlieue » n’a-t-il pas hésité à déclarer, comme si les temps n’avaient pas changé depuis les années 90. Cela dit, l’homme garde une certaine lucidité qui éclaire l’actualité des Phocéens. « Le championnat de France a besoin d’un club aussi anormal que Marseille. L’OM, c’est tout sauf normal. C’est un club au cœur tendre et roublard à la fois. » Qui osera le contredire.

Alexis Bachelay, l’anti-Estrosi ?

Socialiste, député des Hauts-de-Seine, et fondateur de la « Gauche forte » , Alexis Bachelay a pourtant réalisé un choix pour le moins surprenant en matière de foot, sûrement dû à son passage adolescent sur la Côte d’Azur : il vibre pour les Aiglons. S’il s’agissait de suivre les lieux communs idéologiques, son affection est aussi antinomique que l’amour de Livio Maitan, l’Alain Krivine italien, pour la Lazio. De quoi décontenancer les Populaires Sud, non ? Mais comme il s’en félicita après la victoire contre les Gones l’an dernier, juste après les attentats « Une belle équipe @ogcnice s’est imposée face à @OL ! La @Ligue1 a repris avec un beau match de foot et des supporters dignes dans l’hommage. » C’est beau l’unité nationale.

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