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Top 10 : Logotomie

Par Florian Lefèvre
Top 10 : Logotomie

Avec les couleurs, le maillot et le stade, c’est le quatrième pilier de l’identité des clubs de football : l’écusson. Tel le mythe du bateau de Thésée, les blasons évoluent au fil des décennies. Sauf qu’à l’heure où les clubs deviennent des marques à l’internationale, les nouveaux logos ne sont pas toujours fidèles à l’histoire qu’ils représentent.

Juventus – super-market

Au premier coup d’œil, le nouveau logo de la Juventus a de l’allure. Un petit bijou tout en minimalisme qui serait parfait pour une marque d’horlogerie de luxe. Mais les créateurs ont oublié un léger détail : il s’agit de la Juventus, bon sang ! Jusqu’ici, chaque fois que la Vieille Dame changeait de blason, le nouveau gardait la base de l’identité du précédent. Cette fois, il n’a plus rien à voir avec le passé, à commencer par la disparition du taureau, qui était établi sur le blason depuis les années 1920. Pourquoi ? « Pour atteindre une nouvelle cible » , a justifié Andrea Agnelli. Celle des ennemis de la tauromachie ?


Manchester City – le grand lifting

L’été dernier augurait une nouvelle ère chez les citoyens de Manchester. Un nouveau coach : Pep Guardiola. Mais aussi un nouveau logo, qui est en réalité une version remastérisée de celui qui faisait l’identité du club entre 1972 et 1997. Une bonne idée, a priori. Seulement, les supporters n’ont pas apprécié de voir disparaître les initiales « F.C. » du nom Manchester City Football Club. D’ailleurs, même le site du club est passé de mcfc.co.uk à mancity.com. Le tout dans une volonté des propriétaires de mieux exporter la marque, exactement comme pour le voisin mancunien, qui avait vu disparaître la mention « Football Club » de son badge en 1998.


RB Leipzig – Red Bull FC

Qui se souvient du SSV Markranstädt ? Peut-être les puristes qui suivaient déjà la Bundesliga à la fin des années 1940. En 2009, ce club du comté de Leipzig en Saxe disparaît. Ou plutôt se métamorphose sous l’impulsion de son nouveau propriétaire, le PDG de Red Bull, Dietrich Mateschitz. Le milliardaire autrichien voit grand : conquérir la Buli en partant de la cinquième division. Problème : en Allemagne, un club ne peut pas porter le nom d’une entreprise (excepté le Bayer Leverkusen). Mais Dietrich Mateschitz trouve la parade : si son club ne peut pas s’appeler Red Bull Leipzig, alors ce sera RasenBallsport Leipzig. Avec un logo calqué sur celui de la marque de boissons énergisantes. Une identité qui n’a donc plus rien à voir avec celle du SSV Markranstädt. Depuis, le RB Leipzig a réussi son pari de briller en Buli, mais remporte également de loin le titre du club le plus détesté du pays.


Cardiff City – le joujou de Vincent Tan

Du sauveur au fossoyeur, il n’y a qu’un pas franchi volontiers par ce barjot de Vincent Tan. À la fin des années 2000, le milliardaire malais éponge les dettes du Cardiff FC. Grâce au portefeuille épais de son propriétaire, le club gallois, qui n’avait plus mis un pied en première division depuis 1961-1962, obtient sa montée en Premier League en 2013. Le retour des Bluebirds dans l’élite, vraiment ? L’oiseau et la couleur bleue qui faisaient l’identité de Cardiff City depuis 1899 ont dégagé au profit d’un dragon sur fond rouge, symboles de succès et de puissance dans la culture du pays de Vincent Tan. Pire, le boss voulait même aller jusqu’à renommer le club « Cardiff Dragons » . Face à la résistance des fans, il s’est rétracté en 2015… De retour comme la couleur dominante, le bleu est désormais assorti à un liseré rouge, tandis que cohabitent l’oiseau et le dragon. Le principal est bien que Cardiff FC joue de nouveau en bleu à domicile.


Real Madrid – ô blasphème !

La dernière évolution du logo du Real Madrid remonte à 2001. Une version modernisée, mais quasi identique de la couronne d’Alphonse XIII qui surplombe la bande en diagonale, symbolisant la Castille. Sauf qu’en 2017, la Maison-Blanche a décidé d’effacer la croix au sommet de son blason pour satisfaire Marka, le groupe qui a obtenu les droits exclusifs de la fabrication, la distribution et la vente de produits dérivés de l’institution madrilène dans les pays du Golfe (Émirats arabes unis, Arabie saoudite, Qatar, Koweït, Bahreïn et Oman). Six pays où l’islam est religion d’État. Il y a quelques années déjà, la croix avait disparu sur une carte bleue édition Real Madrid, émise par l’Abu Dhabi Bank ou à l’occasion de la création du complexe touristique « Real Madrid Resort Island » aux Émirats arabes unis. Ou quand le plus grand club du monde fait une croix sur son histoire.


Quevilly-Rouen Métropole – double identité

Ni une entente ni une fusion, comment diable cerner le Quevilly-Rouen Métropole, nouvellement promu en Ligue 2 ? D’une part, il y a la volonté de ramener un club rouennais dans le foot pro français. De l’autre, il y a les déboires de l’historique FC Rouen 1899, relégué administrativement en DH en 2013. Alors, en 2015, le FC Rouen et son voisin (mais aussi rival) l’US Quevilly annoncent leur rapprochement. Au vrai, c’est l’US Quevilly qui se maquille des couleurs rouennaises. Voilà le topo : le FC Rouen continue de jouer en DH, tandis que le club de Quevilly bénéficie du nom et des couleurs rouennaises pour obtenir des subventions de la métropole. Ainsi, QRM parvient à obtenir deux montées successives, en National (2016), puis en Ligue 2 (2017). Deux blasons emboîtés dans un nouveau logo, ça donne un résultat affreux…


Paris Saint-Germain – ici, c’est (juste) Paris

Cachez cette histoire que je ne saurais voir. C’est en substance le message délivré par le board qatari à l’heure de commander un nouveau logo à son service marketing en 2013. Exit « 1970 » , la date de fondation du club de la capitale. Exit aussi le berceau de Louis XIV, symbole de la ville de Saint-Germain-en-Laye. Ce qui frappe, c’est cette volonté de mettre en avant la marque « Paris » au détriment de son nom complet, qui est pourtant un marqueur fort de son histoire. Paris Saint-Germain, le nom a été scellé lors de l’assemblée générale du club en 1972 au détriment de Paris FC. Il est encore tant pour les Qataris d’aller investir au PFC…


Espagne – bien choisir son bourbon

Jaime Salazar est un fin observateur. En août 2010, cet historien remarque une légère différence entre l’écusson qui figure sur le maillot de la sélection d’Espagne et celui du drapeau espagnol. Celui-ci comporte traditionnellement six parties représentant les royaumes historiques de la péninsule. Au centre se trouve le bouclier représentant la maison de Bourbon-Anjou, avec trois fleurs de lys sur fond bleu bordé de rouge. Or, sur l’écusson de la Roja, le contour rouge a disparu. Résultat : ce n’est plus la maison de Bourbon-Anjou – régnant sur l’Espagne depuis Philippe V (1716–1746) – qui est représentée, mais la maison de Bourbon en France. Jaime Salazar a bien contacté le président de la Fédération espagnole Ángel María Villar, mais ses courriers sont restés sans réponse. Ainsi, la Roja a remporté l’Euro 2008, le Mondial 2010 et l’Euro 2012 avec un écusson infidèle à son histoire. Ce n’est qu’en 2013 que la Fédération a rectifié le tir.


Dynamo Dresde – la mémoire dans la peau

Avec huit titres de champion remportés avant la chute du mur de Berlin, le SG Dynamo Dresde présente le deuxième meilleur palmarès d’Allemagne de l’Est. À l’instar du club le plus titré de l’autre côté du mur (Berliner Fussball Dynamo, qui compte 10 breloques), son appellation Dynamo en faisait un organe à part entière de la police politique de RDA. Dans une volonté d’effacer les souvenirs de la Stasi, après la réunification allemande, les dirigeants du club délaissent le nom « SG Dynamo Dresde » au profit de « 1. FC Dynamo Dresden » . En outre, ils changent la couleur bordeaux pour le vert – le vert et le blanc étant les couleurs de la Saxe. Mais les supporters tiennent à leur histoire. Alors, en 2006, l’Assemblée générale du club décide de renouer tant avec la couleur bordeaux que le nom historique « SG Dynamo Dresde » . Avec une particularité, cependant : les statuts du SG Dynamo précisent que ses couleurs sont doubles. Officiellement, le club qui évolue aujourd’hui en 2. Bundesliga présente donc deux logos : un bordeaux ainsi qu’un vert, même si ce dernier n’est plus utilisé.


Nîmes Olympique – le croco a la peau dure

Un crocodile, du rouge et des lauriers. Au-delà de son esthétisme discutable, le nouveau logo présenté par le Nîmes Olympique à la mi-juin semblait fidèle à l’identité du club gardois. Et pourtant, il n’a absolument pas plu aux associations de supporters, qui ont lancé un appel au boycott des nouveaux produits du club. « [Le logo] est devenu rond et il n’y a plus le corps du crocodile. On veut un crocodile entier, pas une simple tête. Et un ballon dans la bouche, c’est quoi le message ? » , s’interrogeait Cyril Roure, président du groupe de supporters Nemausus 2013, il y a quelques jours. Face à cette levée de boucliers, le club a fini par faire marche arrière, en annonçant conjointement le retrait du logo et un appel à la contribution pour soumettre des propositions pour un nouveau logo du club. Mieux, la direction « s’engage à l’avenir à associer systématiquement les supporters dans les décisions importantes qui touchent le NO » . En bonne intelligence, et c’est assez rare pour être souligné.

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