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Top 10 : Jubilés

Par Victor Le Grand
Top 10 : Jubilés

En Égypte antique, un jubilé était une fête aux valeurs régénératrices qui célébrait le règne d'un pharaon. Dans la religion catholique, un jubilé est une période de pardon, de conversion et d'efforts spirituels ayant lieu tous les quarts de siècle. Dans X-Men, c'est un personnage chinois très puissant qui crée des plasmoïdes pyrotechniques. Au foot ? Un match symbolique sans saveur dont, souvent, tout le monde se fout. Ou pas.

1/ Darren Wrack

Un jubilé n’est pas l’ultime match d’une carrière de football. Pas toujours. À l’origine, la tradition anglaise voulait que chaque compétiteur qui atteignait les 10 ans de service au sein d’un club soit gratifié d’un jubilé. En anglais, on appelle cela un testimonial match. C’est le club, via ses dirigeants, qui organisait l’évènement. Le joueur, pour sa part, attendait sagement que la recette du match lui revienne. En effet, à une époque, rares étaient les footeux professionnels capables de vivre de leur salaire de club, et encore moins d’épargner pour la retraite. Le jubilé était alors un geste du public, un acte de solidarité envers un joueur plus ou moins apprécié. En avril 2008, l’équipe de troisième division anglaise Walsall arrange ainsi un jubilé pour son milieu de terrain émérite Darren Wrack. Une décennie au club : 380 apparitions, 52 buts ! Mais sous une pluie torrentielle, seulement 207 malheureux supporters daigneront se déplacer. Une douche froide. « Les gens se sont aussi dit que l’argent offert à Wrack irait dans le remboursement de ses dettes » , explique Rob Davies, footballeur gallois. « J’ai joué pas loin de 820 000 euros en plus de 16 ans. Je jouais sur tout, sur des chevaux, des lévriers et je passais mes après-midi chez les bookmakers, admet Wrack. Plusieurs fois, je me suis retrouvé au bord d’un pont, avec l’idée de me suicider. »

2/ Julian Dicks

Sans doute le jubilé le plus violent de l’histoire. Celui de Julian Dicks, un ancien défenseur anglais, surnommé « Terminator » pour la dureté de ses tacles, qui, comme Schwarzenegger, a toujours été en délicatesse avec son genou. En août 2000, contraint alors de prendre sa retraite, West Ham, club pour lequel Dicks a joué 262 matchs, décide de lui organiser un jubilé face à l’Athletic Bilbao. Résultat ? Une bagarre générale éclate entre 17 joueurs, entraîneurs et staffs respectifs. Expulsé par l’arbitre, Paolo Di Canio, côté Hammers, jette son brassard de capitaine, vise vers le bas et crache dessus. Mi-temps. Dicks laisse sa place en défense centrale. Le jubilé n’ira pas plus loin… Sur un plan comptable néanmoins, 14 000 personnes sont assises en tribunes, ce qui permettra à Dicks d’empocher la rondelette somme de 230 000 euros. De quoi se payer un nouveau genou, ou un chien : « Quand j’ai quitté West Ham, j’avais assez d’argent pour ne plus jamais travailler. Avec ma femme, nous avons ouvert un chenil pour nous occuper des chiens abandonnés. J’aime les Bull Terrier anglais ! Un an plus tard, j’ai divorcé. Elle m’a tout pris : l’argent et le chenil. »

3/ Claus Lundekvam

Juillet 2008. Après 8 ans passés sous les couleurs de Southampton, le défenseur norvégien Claus Lundekvam, un énergumène gavroche, amateur d’alcool et de drogues de synthèse, exige son jubilé… en deux parties ! Avant tout, Claus invite les enfants de chœur du groupe Bon Jovi, référence du hard métal US de la fin des années 1980, à se produire au stade Sainte-Marie de Southampton. Trois comas éthyliques et six semaines plus tard, contre le Celtic de Glasgow, la pelouse est impraticable. Déchiquetée, la faute au public venu se viner sur les comptines Livin’ on a prayer ou It’s my life du groupe américain. « Claus a dépensé beaucoup d’argent pour faire venir le Celtic dans des conditions pitoyables. Il a fallu réensemencer le terrain après le concert, mais c’était trop tard. Claus a racheté une pelouse complète. 100 000 livres au total, de sa poche. À l’époque, c’était énorme, déclare son ancien coéquipier, Matthew Le Tissier. Claus, c’est le genre de mec qui casse tout pour… tout reconstruire. »

4/ Johan Cruyff

En 1978, Johan Cruyff quitte le FC Barcelone et met un terme à sa carrière. L’occasion pour l’Ajax d’Amsterdam, dancing du « football total » , de rendre hommage à son plus beau funambule en lui organisant un jubilé. Pour affronter les Lanciers, le Bayern de Munich est désigné. Problème ? Les Allemands n’ont toujours pas digéré leur lourde défaite (4-0) face à l’Ajax en Coupe des clubs champions 1973, au stade des quarts de finale. Longue nuit durant laquelle « les champions d’Allemagne n’ont même pas été accueillis à l’aéroport de Schipol à Amsterdam. Aucun comité d’accueil, ni de staff hollandais n’était présent. Ils ont dû dormir dans un hôtel minable » , écrit Dave Boham, journaliste hollandais. Paul Breitner, latéral allemand de l’époque, avait même été traité de nazi par le public local. Pressing, insultes, tacles glissés et frappes lourdes : cinq ans plus tard, les Munichois oublieront le caractère amical et bon enfant du jubilé pour corriger les coéquipiers de Cruyff… 8 à 0 ! Poursuivi par le fisc espagnol, El Flaco ne rangera finalement pas les crampons, et s’enfuira se refaire la cerise aux États-Unis. Poursuivis par leurs démons hollandais, « le Bayern et Rummenigge, membre de la direction du club, s’excuseront pour leur comportement inacceptable en 2006 » , écrit Dave G. Boham. Grief oublié.

5/ Gary Neville

Mai 2011. Alors que Manchester United prépare sa finale de Ligue des champions, Gary Neville fête son jubilé en rouge et noir, une dernière fois, face à la Juventus Turin. Ce jour-là, 52 éoliennes alimentent le stade d’Old Trafford en électricité, et gardent à température l’eau chaude de la buvette. Une première dans le football. Une seconde passion pour Gary Neville, qui a investi 9 millions d’euros en 17 mois de procédures pour que sa maison, surnommée, non sans ironie, « Teletubbyland » par les habitants des alentours, prenne forme récemment. Particularité de l’ouvrage : en forme de fleur, l’habitation intègre des panneaux solaires, une source éolienne ainsi qu’une pompe à chaleur géothermique. Le soir de son jubilé, Noel Gallagher, leader du groupe Oasis et supporter de Manchester City, lui offrira aussi l’une de ses guitares et une bafouille manuscrite : « Cher Gary, combien de sélections comptes-tu en équipe d’Angleterre ? Et combien penses-tu en avoir mérité ? Réponse : aucune, putain de bâtard ! Beaucoup d’amour, Noel. »

6/ Dean Glover

Apparemment, le « presque » meilleur ami de Mel Gibson fut aussi un défenseur anglais des années 1980, plutôt élégant, à l’aise techniquement, avec un parcours somme toute classique : Aston Villa, Middlesbrough, puis Port Vale, dans la banlieue de Stoke, où il passera dix merveilleuses années en tant que joueur et manager. Alors, en 1998, c’est tout naturellement qu’il convie ses amis pour un jubilé à l’anglaise. Le propriétaire de Port Vale n’est autre que le chanteur de soupe Robbie Williams, invité VIP, qui s’illustrera en insultant l’arbitre de la rencontre. Carton rouge, en mélopée. « Robbie a joué pendant 75 minutes et a baissé son short pour montrer son cul tout le match. Il était ravi. C’est bien, il a volé la vedette à Glover pour son jubilé » , commentera un fan. Mais grâce à Robbie, notons que Port Vale fut enregistré dans FIFA 2000. Le chanteur s’était engagé auprès d’EA Sports Canada à écrire une chanson pour le jeu, à condition que son club y soit répertorié dans la case « Championnat reste du monde » . Un joueur portant le nom de Robbie Williams a même été inventé dans une équipe secrète du jeu. À vos greniers…

7/ Bernard Lama

Depuis qu’ils sont mieux payés, certains joueurs organisent leur jubilé en joignant l’utile à l’agréable. C’est-à-dire en offrant la recette du match à une association caritative. L’Irlandais Niall Quinn et son voisin britannique Jamie Carragher ont été des pionniers en la matière. Un million et demi chacun, reversés à leur fondation respective. En France, Bernard Lama a organisé le sien en 2011, au Parc des Princes, en faveur de son association Diambars. Trois matchs de 45 minutes, trois résultats nuls entrecoupés d’animations musicales, de défilés carnavalesques, de groupes de musique guyanaise et antillaise. Seule ombre au tableau : les tribunes basses étaient uniquement ouvertes à la location. Pis, les virages Auteuil et Boulogne, à l’exception de quelques dizaines de supporters, sont restés vides toute la partie. Boycott présidentiel oblige.

Vidéo

8/ Diego Maradona

Novembre 2001, la star suprême arrose son jubilé. La Bombonera de Buenos Aires rend un hommage vibrant à Diego Maradona. En liesse, 55 000 personnes se pâment devant un Pibe de Oro qui vient de perdre 20 kilos pour l’occasion. Sous les yeux de son excellence Pelé et de nombreuses gloires du football, il porte pour la dernière fois le numéro 10 de l’équipe argentine. Flocage que la fédération locale souhaite retirer de la numérotation officielle et de toutes les sélections « ciel et blanc » . La Fifa refusera. En attendant, cet instant est d’une émotion rare. « C’est vrai que je ne m’attendais pas à ça. C’est trop pour un seul homme. Trop pour un footballeur. Et je vous remercie de tout mon cœur, lâche-t-il en larmes au milieu de la pelouse. J’ai essayé d’être heureux en jouant au football et j’ai essayé de vous rendre heureux. Le football est le plus beau sport du monde. Moi, je me suis trompé et j’ai payé. Mais le ballon, il reste le même, on ne pourra jamais le salir. »

Vidéo

9/ Alan Cork
Une image, et un superbe souvenir : 11 dingues positionnés en ligne dans le rond central de Plough Lane, stade de Wimbledon, le short baissé en direction du public. On l’appelait le Crazy Gang. Cette escouade anglaise et terrifiante des nineties, qui, en 1988, offrira une ultime douceur à leur attaquant Alan Cork le soir de son jubilé. « On a tous joué bourrés, admet-il. On prolongeait en quelque sorte notre victoire en FA Cup contre Liverpool, acquise deux jours plus tôt. D’ailleurs, la veille de cette finale, tout le monde était également ivre. C’est probablement ce qui nous a permis de gagner la coupe. Ça et ma performance digne d’un Ballon d’or. J’étais en plein délire. » Pour avoir montrer leurs fesses, les joueurs des Dons écoperont d’une amende de 900 euros chacun. Pas fair-play.

10/ David Seaman
« Je suis l’homme le plus viril au monde. » Queue de cheval, moustache taillée à l’écossaise, liquette quadricolore et pitreries en tous genres : David Seaman passera au total 13 ans dans les cages d’Arsenal pour trois titres de champion et une Coupe de l’UEFA. On parle ici d’un type adulé des jeunes filles en fleur britanniques, qui, en 1996, loupera une moitié de saison pour s’être explosé les ligaments du genou en ramassant sa télécommande de télévision. Pour son jubilé, en 2001, le portier anglais convie le FC Barcelone à Highbury. Score final : 33 297 spectateurs pour 700 000 euros de recettes au total, directement sur son compte en banque. Aucune association qui tienne. Cette histoire fera les choux gras de la presse britannique, friande de ce genre d’inconvenance. Pour son « cynisme » , lit-on un peu partout, Seaman sera contraint de s’excuser. Viril, vraiment ?

Tchouaméni : un brassard et après ?

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