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- 8 mai 1945
Top 10 : j’ai fait la Seconde Guerre mondiale
Il y a 70 ans, les Alliés tombaient l'hydre nazie. La Seconde Guerre mondiale se terminait – du moins en Europe - dans les ruines fumantes de Berlin. Et pendant que le drapeau rouge flottait sur le Reichstag et que les Américains faisaient découvrir le chewing-gum aux Françaises, certains footballeurs s'étaient retrouvés, eux aussi, embrigadés dans la guerre totale. Les plus chanceux ont pu retrouver le ballon rond. Certains...
1 – Antoine Raab
Antoine Raab, joueur allemand signé au Stade rennais, refuse de répondre à son ordre de mobilisation dans l’armée allemande en 1939. Un long périple commence pour lui qui, avec des faux papiers, le contraint d’abord à franchir la Réole (Gironde) et à rejoindre Nantes, où il se cache, travaillant pour la résistance locale.
2 – Jaap van Praag
Le futur président de l’Ajax d’Amsterdam du grand Johann Cruijff a dû se cacher durant la Seconde Guerre mondiale afin d’échapper aux persécutions antisémites. Plus chanceux qu’Anne Franck, Japp ne reverra en revanche pas ses parents et sa sœur, qui ne sont jamais revenus d’Auschwitz. Difficile de mieux résumer la spécificité du club hollandais…
3 – Vassili Boutoussov
Un destin étrange. Le tout jeune Vassili, du club « Ounitas » , de Saint-Pétersbourg, émarge déjà dans la sélection impériale russe lors des JO de 1912. Il sert ensuite dans l’Armée rouge durant la guerre civile. Pas très reconnaissante, l’URSS de Staline l’enferme un an pour avoir soi-disant participé à l’un des nombreux complots imaginaires dont le régime avait le secret pour entretenir sa terreur. Pendant « la grande guerre patriotique » , il n’en reprend pas moins les armes pour défendre la « mère patrie » en tant que commandant adjoint (avec le grade d’ingénieur militaire) au 333e bataillon du Génie, sur le front de Leningrad. Il est capturé par les Allemands, puis détenu dans un camp de concentration près de Nüremberg. Il sera libéré par les troupes américaines le 25 avril 1945. Un beau et triste résumé de l’histoire de l’URSS, finalement.
4 – Fritz Walter
Ancien héros de Kaiserslautern, le brave Fritz a dû mettre entre parenthèses sa prometteuse carrière pour répondre aux besoins expansionnistes du Troisième Reich. Et c’est du côté de la Lorraine annexée qu’il vient poser son paquetage de fantassin, trouvant le temps malgré tout de faire quelques piges au Thionville FC. Redéployé en Corse, en Sardaigne, puis sur l’île d’Elbe, il finira prisonnier de l’Armée rouge, où son statut d’ancienne star du foot lui permettra d’échapper au pire. Moins de dix ans plus tard, il sera un des artisans de la fierté allemande retrouvée, avec la victoire inespérée de la Nationalmannschaft chargée comme une mule, contre le Onze d’or hongrois…
5 – Tofik Bakhramov
Un homo sovieticus classique, ancien joueur du Neftchi Baku, un survivant des purges staliniennes et de la grande guerre patriotique à laquelle il a donné ses plus belles années, comme beaucoup de jeunes hommes de sa génération (l’URSS paya le plus lourd tribut humain à la Seconde Guerre, 26 millions de morts contre 400 000 Américains). Blessé, il s’orientera, une fois la paix revenue, vers une carrière d’arbitre qui l’intronisera en 1966 dans l’histoire du football en accordant lors de la finale de la Coupe du monde un but litigieux à Geoffrey Hurst et aux Anglais, contre les Allemands. Certaines mauvaises langues lui prêtent d’avoir répondu une fois à la question du « pourquoi » avoir validé ce but crucial par un lapidaire « Stalingrad » . Rien ne s’oublie à l’Est.
6 – Oscar Heisserer
C’est peu dire que le joueur alsacien, passé du Racing Club de Strasbourg à celui de Paris, capitaine des Bleus, ne supporte pas la défaite et l’annexion de l’Alsace par les nazis. En 1943, il passe en Suisse et rejoint les FFL, ce qui lui permettra de participer à la Libération de sa région d’origine. Retrouvant immédiatement les chemins du stade, il sera l’un des héros de ce fameux match contre l’Angleterre, le 26 mai 1945, à Wembley, où la sélection tricolore arrache un inestimable match nul. Il sera aussi le premier entraîneur de l’OL en 1950. Bref, une renaissance, comme dirait De Gaulle…
7 – Stanley Matthews
Joueur emblématique de Stoke City, Stanley est enrôlé dans les rangs de la Royal Air force, du côté de Blackpool, où les forces aériennes britanniques en font malgré tout un « préparateur physique » , avec grade de caporal. Il continuera ainsi à jouer aussi bien pour son ancien club que pour Blackpool, où il est basé. Il joue même pour le compte d’Arsenal (à l’effectif également diminué par les obligations du devoir patriotique), notamment lors d’un match amical contre le Dynamo de Moscou en 1945, dont la légende prétend qu’il fut gagné par des Soviétiques évoluant à douze. Est condamné à une grosse engueulade par son commandement, après avoir vendu au marché noir, à une marchande de bijoux à Bruxelles, un kilo de café à 250 francs ainsi que dix savons pour 200 francs.
8 – Absjörn Halvorsen
Bon élève norvégien du HSV Hambourg, il décide de rentrer au pays en 1933 lors de l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Il entraîne notamment la sélection nationale avec laquelle il remporte la médaille de bronze à Berlin en 1936 au détriment des Allemands. 1940, la Norvège est envahie par la Wehrmacht. Absjörn organise le boycott sportif, et les autorités allemandes lui font bien sûr payer cet affront (et peut-être celui aussi de 1936). Rentré affaibli des camps, il quitte les stades, mais pas le football, et il deviendra même président de la Fédération norvégienne.
9 – Akira Matsunaga
Dans les années trente, le football japonais fait ses premiers pas. Le jeune Akira enfile le maillot de la sélection de l’empire du Soleil Levant lors des Jeux olympiques de 1936, à Berlin, lui offrant en particulier une victoire contre la Suède. Mais on ne badine pas là-bas avec le devoir patriotique envers l’Empereur. Pas d’exception, y compris pour les sportifs. Matsunaga tombera durant la bataille de Guadalcanal en 1942, ce terrible « Verdun » du Pacifique.
10- Milutin Ivković
Arrière droit du SK Jugoslavija, puis du BASK Belgrade, cet international est des premiers grands faits d’armes du foot « yougo » , tout d’abord lors des Jeux olympiques de 1928, puis évidemment avec l’aventure de 1930, lorsque les Yougoslaves terminent quatrièmes. Engagé – il mène le combat pour le boycott des JO de Berlin – et patriote (il est l’arrière-petit-fils du général Radomir Putnik, héros serbe des guerres balkaniques), il rejoint naturellement la résistance communiste. Il sera arrêté le 24 mai 1943, à Jajinci, et abattu dans la foulée. Mais les héros du peuple sont immortels.
Par Nicolas Kssis-Martov