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Top 10 : Forfait illimité vers l’Afrique

Par Thomas Pitrel
5 minutes
Top 10 : Forfait illimité vers l’Afrique

Le Maroc souhaitait reporter la CAN 2015 à cause d'Ebola, la CAF a préféré lui retirer l'organisation et l'interdire d'y participer. Un nouvel épisode dans la longue liste de forfaits et de suspensions qui colle à la Coupe d'Afrique des nations, faisant écho à l'histoire mouvementée du continent et de son football.


Afrique du Sud – 1957

Lancée en 1956 par les quatre seuls pays africains alors affiliés à la FIFA (Afrique du Sud, Égypte, Éthiopie et Soudan), l’idée d’une Confédération africaine de football aboutit en 1957, en même temps que celle d’un tournoi continental. La première CAN a donc lieu à Khartoum, trois ans avant le premier Euro, et accueille trois équipes. Trois ? Oui, l’Afrique du Sud, qui applique l’Apartheid depuis 1948 et vient de retirer le droit de vote aux Noirs, voulait bien présenter une équipe toute blanche ou toute noire, mais pas multiethnique, et s’est donc exclue elle-même de la compétition.


République arabe unie – 1965

Qualifiée automatiquement, l’Égypte – qui se promène alors sous le nom de République arabe unie – refuse finalement de participer à la CAN 1965, organisée en novembre en Tunisie. Une décision qui fait suite au discours de Jéricho prononcé par le président tunisien Habib Bourguiba, le 3 mars 1965, dans lequel il appelait à la reconnaissance d’Israël par les pays arabes. Le Soudan est appelé en remplacement mais, en pleine guerre civile et pas forcément plus chauds que leurs voisins diplomatiquement, les Faucons de Jediane refusent également la proposition, laissant la place au Congo-Léopoldville (ancêtre de la RDC). Des éliminatoires houleux qui auront également vu le Kenya se faire disqualifier pour avoir aligné deux Ougandais dans son équipe.


Tunisie – 1978

Le 16 mars 1978, au Sports Stadium d’Accra, le Nigeria égalise (1-1) à la 42e minute de la petite finale contre la Tunisie. Les Aigles de Carthage protestent, clament que le but n’était pas valable, puis, voyant que l’arbitre togolais Théophile Lawson-Hétchéli ne revient pas sur sa décision, décident de quitter le terrain. Ceux que l’on n’appelle pas encore Super Eagles remportent la médaille de bronze sur tapis vert et la Tunisie est suspendue par la CAF pour deux ans. Les aigles ne volent pas avec les aigles.


Égypte – 1982

En pleine parade militaire, le 6 octobre 1981 au Caire, des militaires membres du Jihad islamique égyptien balancent des grenades lacrymogènes, crient « Mort au Pharaon » et tirent dans le tas, tuant sept personnes, dont le président Anouar el-Sadate, cible de l’attentat. Une raison suffisante pour provoquer le retrait des éliminatoires de la CAN 1982 de l’équipe d’Égypte, qui n’assistera donc pas au one-man-show de Mouammar Kadhafi durant le tournoi organisé par sa Libye.


Zambie – 1988

Grand fan de football, Kenneth Kaunda, président de la Zambie depuis 1964, parvient à décrocher l’organisation de la cuvée 88 de la CAN. Problème : à l’époque, le pays a l’une des dettes publiques les plus élevées au monde et le FMI ne se prive pas de le lui rappeler. La mort dans l’âme, le pays doit abandonner le statut de pays-hôte au Maroc et déclarer forfait. Dommage : quelques mois plus tard, aux JO de Séoul, les jeunes Zambiens créent la surprise en passant un 4-0 à l’Italie avant de se faire sortir par l’Allemagne de l’Ouest.


Égypte – 1990

Décidément, l’Égypte a toujours une bonne raison de faire la gueule. Cette fois-ci, c’est le barrage retour des qualifs pour le Mondial 90 qui est en cause. Au Caire, le 17 novembre 1989, les Égyptiens décrochent leur billet pour l’Italie contre l’Algérie, mais l’après-match dégénère en baston générale, durant laquelle Lakhdar Belloumi balance un verre à la tronche d’un médecin égyptien, qui perd un œil dans la bataille. L’Égypte porte plainte et Belloumi est condamné par contumace à de la prison ferme et à 3 millions d’euros d’amende, avec un mandat d’arrêt d’Interpol en prime qui arrivera finalement à échéance en avril 2009. La CAN 1990 étant organisée par l’Algérie, et l’Égypte ayant été placée dans le même groupe que son ennemi juré, les Pharaons menacent de déclarer forfait, puis décident d’envoyer une équipe de réservistes et d’espoirs qui sort dès le premier tour avec trois défaites.


Nigeria – 1996

Enfin autorisée à participer à la CAN, après la fin de l’Apartheid, l’Afrique du Sud récupère même l’organisation de l’édition 1996 suite au désistement du Kenya. Une solution de repli qui ne conviendra finalement pas au Nigeria. La dictature du général nigérian Sani Abacha n’a pas accepté les critiques de Nelson Mandela suite à la pendaison de neuf militants ogoni – dont l’écrivain Ken Saro Wiwa – en lutte contre la façon dont la société Shell exploite le pétrole dans leur région. En guise de représailles, le régime décide donc d’annuler au dernier moment la participation au tournoi des Super Eagles, qui seront donc suspendus par la CAF pour quatre ans et manqueront ainsi deux CAN de suite.


Zimbabwe – 2000

Après avoir dû annuler l’inspection du stade de Mutare car la rénovation venait à peine de débuter, la Confédération africaine de football décide, en février 1999, de retirer au Zimbabwe l’organisation de la CAN 2000. Un mal pour un bien : après avoir organisé le premier tournoi continental en 1957, l’Afrique grille à nouveau la politesse à l’Europe en offrant au monde la première compétition co-organisée (par le Ghana et le Nigeria), quelques mois avant l’Euro aux Pays-Bas et en Belgique et deux ans avant la Coupe du monde en Corée du Sud et au Japon.


Togo – 2010

Deux jours avant le début de la CAN 2010 en Angola, le car de la sélection togolaise est mitraillé par des autonomistes de la province du Cabinda, qui tuent deux membres du staff. Rapatriés par leur gouvernement, les Éperviers déclarent forfait au dernier moment. Suffisant pour que la CAF, tout en délicatesse, les suspendent pour les deux CAN suivantes, avant de revenir sur sa décision.


Libye 2013 et 2017

Ironie du sort : alors que Mouammar Kadhafi méprisait le foot, sa chute coïncide avec la perte du statut de pays-hôte pour la Libye. Le 28 septembre, un mois avant la mort du Guide, la CAF annonce en effet qu’en raison de l’insurrection, l’organisation de la CAN 2013 passe des mains de la Libye à celles de l’Afrique du Sud. À l’époque, ce n’est que partie remise, puisque le pays récupère le bébé pour 2017. Sauf que trois ans plus tard, force est de constater que la situation ne s’est pas vraiment stabilisée. Le 23 août dernier, la CAF a donc à nouveau retiré son jouet à la Libye. Pour le moment, sept pays sont candidats pour reprendre le flambeau, mais aucune décision n’a été prise. Et puis à près tout, pourquoi pas le Maroc ?

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