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Top 10 : Comme on se retrouve…
Cinq mois après la bagarre qui avait ponctué le match de barrage Ajaccio-Le Havre du 20 mai dernier, les deux clubs s'offrent ce vendredi un duel aux contours sulfureux. Petit motif d'espérance pour les grands pacifistes devant l'éternel : en football, généralement, après la baston, la réconciliation est presque inévitable. Même si l'histoire, elle, retient plus volontiers le premier pugilat que le match de la conciliation.
13 juillet 1966 : Italie – Chili (2-0)
En apparence, une rencontre banale de Coupe de monde, remportée par la Nazionale. Cette victoire sera d’ailleurs éclipsée par la défaite historique que l’Italie essuiera ensuite face à la Corée du Nord. À l’époque, cet Italie-Chili a pourtant des allures de rematch vengeur, au regard de la dernière confrontation entre les deux équipes. Rembobinage des bandes : en 1962, le Chili organise la première Coupe du monde de son histoire et se farcit l’Italie en phase de groupes. Certains journalistes italiens, à l’image d’un certain Corrado Pizzinelli, ont la brillante idée de faire monter la sauce avant le match : « Le Chili est un pays corrompu, affligé de tous les maux : malnutrition, analphabétisme, prostitution ouverte et misère générale » , écrit-il. Bilan : l’Italie perd 2-0, mais finit surtout le match à neuf contre onze. Le milieu italien Giorgio Ferrini, premier expulsé, refuse de sortir du terrain et mettra dix minutes à quitter le pré, sous escorte policière. Des spectateurs rageurs entrent à plusieurs reprises sur la pelouse, les attentats sur le pré se multiplient, et le Chilien Leonel Sánchez, fils de boxeur professionnel, envoie même un crochet du gauche qui éclate le nez du capitaine italien Humberto Maschio. Pour présenter la rencontre, diffusée en différé sur la BBC, le commentateur David Coleman accouchera d’une tirade devenue célèbre : « Le match que vous allez regarder est la plus stupide, la plus effroyable, la plus répugnante et la plus honteuse démonstration de football qui puisse exister. »
17 juin 2012 : Portugal – Pays-Bas (2-1)
Un match de poules décisif de l’Euro 2012, qui voit Cristiano Ronaldo détruire méthodiquement la défense orange en plantant un doublé qui élimine les Bataves de la compétition. Avant la rencontre, les médias lusitaniens et néerlandais en font bien sûr des tonnes à propos de la dernière fois que le chemin des deux nations s’était croisé : à savoir le 25 juin 2006, en huitième de finale du Mondial. Le fameux « Massacre de Nuremberg » . Une rencontre lors de laquelle Ronaldo se fera découper en lamelles par Van Bommel puis Khalid Boulahrouz, au point de devoir sortir en larmes dès la demi-heure de jeu.
Un simple avant-goût de la boucherie qui se profile : 16 jaunes, 4 rouges, des tacles glissés qui pourraient faire baliser Dhalsim de Street Fighter et un petit but de Maniche qui vient se glisser au milieu de ce qui ressemble encore aujourd’hui à la meilleure adaptation live de Mortal Kombat. N’en déplaise au nanard de 1995.
28 mars 2004 : Arsenal – Manchester United (1-1)
Largués en championnat par les Gunners, les Red Devils n’ont qu’une seule envie : mettre fin à l’invincibilité des poulains de Wenger lors de l’exercice 2003-2004. Ruud van Nistelrooy sera à deux doigts d’y parvenir ce 28 mars 2004, mais échouera dans le dernier geste, en ratant une occasion en or face à Jens Lehmann en toute fin de match. Mais c’est surtout lors du premier face-à-face de la saison entre les deux clubs, le 21 septembre 2003, que le Batave met tout en œuvre pour saccager le zen des Londoniens. Notamment en réussissant à faire péter un plomb à Patrick Vieira, qui, après avoir été victime d’une faute du Néerlandais, tente de se faire justice lui-même et se retrouve expulsé. La suite ? Van Nistelrooy loupe le penalty de la victoire en toute fin de match et finit la rencontre bousculé par Martin Keown, Lauren, Ray Parlour, Ashley Cole et Kolo Touré, avant que ses coéquipiers ne viennent à sa rescousse. So shocking pour la toujours très policée Premier League, mais de quoi réaffirmer la rivalité entre les deux clubs, à l’aube du XXIe siècle.
6 septembre 2006 : France – Italie (3-1)
Le premier acte, celui du 9 juillet 2006, est connu de tous et n’a plus besoin d’être raconté. Ce qui n’est pas forcément le cas de la revanche symbolique qui oppose les Bleus aux transalpins précisément 59 jours plus tard. Entre-temps, Zidane a pris sa retraite de footballeur, Marco Materazzi (absent ce soir-là) est devenu le nouvel antéchrist du football français et Raymond Domenech a décidé d’arrêter de faire entrer Sidney Govou à la 75e minute, son remplacement rituel lors du Mondial allemand. Ça tombe bien, parce que le Lyonnais, titulaire, plante un doublé, et sera l’homme du match d’une rencontre que la France remporte sans trop s’esquinter la santé. Le lendemain, L’Équipe, un chouia chambreur, titrera « Comme des champions » . On se console comme on peut.
18 novembre 1990 : Dinamo Zagreb – Étoile rouge de Belgrade (1-3)
Malgré Davor Šuker qui galope en pointe ce jour-là, le Dinamo doit laisser l’Étoile rouge l’emporter, alors que le championnat de Yougoslavie de football est sur le point de mourir, avec la prochaine partition du pays. La défaite des Croates reste anecdotique : c’est bien le match précédent disputé face aux Serbes qui restera dans les mémoires. Le 13 mai 1990, les tensions communautaires qui déchirent la Yougoslavie s’expriment sur le terrain et dans les tribunes. De violents affrontements opposent supporters du Dinamo et de l’Étoile rouge, qui finissent par envahir le pré. Même les joueurs s’engagent dans la mêlée, à l’image de Zvonimir Boban, qui dégomme la mâchoire d’un policier, qu’il jugeait coupable de s’en prendre à un supporter du Dinamo. « Après le match, il était clair que tout le monde allait emprunter la voie de la violence » , déclarera plus tard la vieille gloire de l’Étoile rouge Dragan Džajić. Un an plus tard, au printemps 1991, la guerre d’indépendance éclatait en Croatie.
11 septembre 2012 : Paraguay – Venezuela (0-2)
Une revanche proprette pour le Venezuela, qui baffe le dernier finaliste de la Copa América, compétition dont les Guarani avaient atteint la finale sans gagner un seul match. Les Paraguayens avaient notamment écœuré la Vinotintoen demi-finales de l’épreuve, le 20 juillet 2011. Un match où les Vénézuéliens ont touché trois fois les montants, se sont vu refuser un but pour un hors-jeu contestable et ont dû s’incliner lors de la séance de tirs au but. C’en est trop pour les joueurs vénézuéliens, qui se mettent à allègrement tarter leurs adversaires du soir, qui répliquent sans faiblir. Forcément, le tout accouchera d’une baston générale sacrément gratinée.
16 décembre 1984 : Athletic Bilbao – Barcelone (1-0)
Pas facile de se farcir l’Athletic au début des années 1980, en atteste cette défaite des Blaugrana chez des Basques alors champions en titre. Le match se déroule sans trop de problèmes, peut-être parce que Diego Maradona, parti du côté de Naples, n’est plus barcelonais. Le 5 mai 1984, El Pibe de Oro jouait en effet son dernier match sous le maillot catalan en finale de Copa Del Rey. L’occasion pour lui de retrouver son meilleur ennemi, Andoni Goikoetxea, « le boucher de Bilbao » qui l’avait sévèrement blessé d’un tacle assassin quelques mois auparavant. Malheureusement, l’Argentin ne pourra pas prendre sa revanche et le Barça doit s’incliner. Impuissant et frustré, Diego déclenche alors sur le terrain une baston d’une violence rare, en fracassant notamment un membre du staff adverse, d’un coup de genou qui ferait passer Éric Cantona pour un féru de pacifisme.
11 juin 2006 : Portugal – Angola (1-0)
Pas toujours fastoche de jouer contre une ancienne colonie, considérations géopolitiques obligent. Pourtant, tout se passe bien entre Portugais et Angolais, les premiers l’emportant par un but à zéro en phase de groupes du Mondial 2006, grâce à un pion de Pauleta. Cinq ans plus tôt, la dernière fois que les deux sélections s’étaient défiées en novembre 2001, tout ce beau monde était pourtant loin de prôner la réconciliation entre les peuples : à Lisbonne, l’Angola ouvre la marque avant de péter une durite après l’égalisation de Figo sur penalty.
Les Palancas Negras entament alors une opération découpage intégrale sur les joueurs adverses. À un point que l’arbitre doit mettre fin au match à la 67e minute, alors que les Portugais mènent 5-1. Raison officielle : avec quatre expulsés et un blessé, l’équipe angolaise n’a plus assez de joueurs valides pour finir la partie. Un beau bordel qui fait écho à celui des tribunes. « Sur les 15 000 personnes présentes dans le stade, la grande majorité était des supporters angolais. Quand le match a été interrompu, la situation a commencé à s’envenimer, ils ont jeté des sièges sur la pelouse, se sont battus avec les policiers » , expliquait à Libération José Neves, historien du football lisboète. Plusieurs dérapages racistes de la part de la police locale auraient aussi été observés. Moche sur toute la ligne.
29 mai 1993 : OM – PSG (3-1)
Vainqueurs de la C1 trois jours plus tôt, les Marseillais ont toujours une quantité suspecte d’alcool dans le sang au moment de ce second classique de la saison 1992-1993. Mais trouvent quand même le moyen de l’emporter trois buts à un, notamment grâce à un coup de casque surréaliste de Basile Boli, qui confiera après la rencontre : « Bien sûr qu’on avait fait la nouba, tout le monde le sait. On a bu de la bière, on a déconné… » Les Olympiens avaient en revanche beaucoup moins déconné lors de leur premier sommet de la saison face aux Parisiens. L’acte de naissance de la haine sportive entre les deux clubs : chauffés à blanc par les déclarations d’Artur Jorge, qui annonce aux Marseillais que son équipe « va leur marcher dessus » , les Phocéens rentrent façon carambolage dans le lard de Parisiens à peu près aussi agressifs. À un point que Michel Girard, l’homme en noir du match, déclarera n’avoir jamais arbitré une rencontre « avec ce degré de haine » .
13 mars 1999 : Wolverhampton Wanderers – Bristol City (3-0)
Un match comme un autre de quatrième division anglaise. Tout le contraire de la rencontre aller, le 7 novembre 1998, où la plus effroyable empoignade de l’histoire du ballon rond voit s’opposer la mascotte de Wolverhampton, le carnassier Wolfie, aux vicelards petits cochons de Bristol, qui représentaient alors l’un des sponsors du club. À la mi-temps du match, les mascottes tirent tranquillement quelques penaltys avant de s’envoyer soudainement des patates sur la tronche, pour des raisons qui restent encore relativement obscures aujourd’hui. Âmes sensibles s’abstenir.
Par Adrien Candau
*Ce top 10 est évidemment subjectif et non exhaustif