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Top 10 : Ces erreurs d’arbitrage qui ont rendu le foot plus intéressant

Par Nicolas Kssis-Martov
8 minutes
Top 10 : Ces erreurs d’arbitrage qui ont rendu le foot plus intéressant

Il semblerait que la LFP se soit décidée à appliquer l’arbitrage vidéo lors des prochains matchs de barrages entre le 18e de Ligue 1 et le troisième de Ligue 2. On rentre dans le dur et il est probable que cette évolution, au même titre que le naming, s’avère irréversible. Pourtant, au-delà du débat sur son efficacité, sa fiabilité, les paramètres techniques, on semble oublier peut-être l’essentiel : la portée quasi-philosophique de ce choix qui assèche considérablement la valeur civilisationnelle de ce qui se joue vraiment sur le rectangle vert. Le foot est une dramaturgie, une religion dualiste qui a besoin des erreurs et des faiblesses humaines pour exister, pour que nous l’aimions. Sans ces dernières, il perdra tout son sens, et son histoire tout son sel...

La main de dieu de Maradona : Argentine–Angleterre, le 22 juin 1986Il faut bien commencer par le divin. Rien ne résume mieux la folie du football que ce match où le petit génie argentin impose sa légende en atteignant les sommets autant qu’en plongeant dans les ténèbres. À l’instar d’un sale gosse du barrio, il s’élève plus haut que tous pour marbrer de sa malice la revanche de la nation argentine sur l’impérialisme britannique, quelques années à peine après la déroute des Malouines. S’il s’était contenté de ses dribbles fous, nous ne disserterions que sur un quart de final de plus et Diego Maradona n’aurait été qu’un grand joueur parmi d’autres fiches Wikipédia.

Les trois cartons jaunes de Josep Šimunić : Australie–Croatie, le 22 juin 2006Parfois, le foot est aussi une commedia dell’arte. On ne peut en effet défendre l’unicité de ce sport et ne pas s’amuser de voir qu’au plus haut niveau, un arbitre, en l’occurrence le très respecté Graham Poll, puisse à ce point se vautrer devant des millions de téléspectateurs. En effet, le rugueux joueur du Hertha Berlin, Josep Šimunić, n’y allait pas avec le dos de la cuillère (ni des crampons) dans cette rencontre au cours de laquelle les Croates patinent face à de surprenants Socceros. Averti d’un jaune à la 62e minute, il en reçoit un second à la 90e sans prendre de rouge et reste donc sur le terrain. Il en faudra un troisième à la fin du match pour qu’il soit véritablement exclu. Cette polémique foot et géométrie euclidienne demeure le plus beau moment « Monty Python » du ballon rond. Sans conséquence. L’Australie décroche son billet pour les huitièmes. Quant au défenseur à damier, il n’ira pas au Brésil en 2014, la sanction pour avoir entonné un chant oustachi à la fin d’un Croatie-Islande.

Fabrizio Ravanelli joue même quand il simule. PSG-OM, le 8 novembre 1997La simulation est un art. Et pour que le classique entre Paris et Marseille gagne en crédibilité, il lui fallait un maestro. Le joueur italien va écrire un de ces incroyables instants que tous les supporters parisiens vont ruminer durant des décennies, en s’écroulant dans la surface sur une charge télékinétique d’Éric Rabesandratana. Laurent Blanc en profite pour valider un des rares succès des Phocéens au Parc. Depuis, l’auto-balayette de Fabrizio a pris du galon dans le catalogue des gestes techniques, au même titre que la panenka par exemple. Reste que le principal concerné, malgré les images, continue de nier : « Je ne suis pas tombé tout seul. Même si le défenseur ne le fait pas exprès, il m’a touché la jambe. Je suis tombé, l’arbitre a bien fait de siffler le penalty. » Vous auriez préféré qu’il conteste la qualité de la prise de vue de la caméra ?

Ronaldo le maudit : Juventus-Inter, le 26 avril 1998L’Inter et la Juve se détestent. Ce n’est pas nouveau. Mais cette haine pourrait-elle soulever les foules s’il n’était question que de palmarès ou de mercato. En 1998, les deux clubs peuvent espérer décrocher le Scudetto quand elles se retrouvent face-à-face. La Juve mène logiquement 1-0, quand la star brésilienne des Nerazzurri, Ronaldo himself, s’effondre dans la surface après une faute assez criante de Mark Iuliano. L’arbitre, Piero Ceccarini, ne pipe mot et ne disparaîtra jamais de la mémoire des fans de l’Inter. D’autant plus qu’il sanctionne une faute de Taribo West en faveur des Turinois, qui ne ratent pas l’occasion de remporter le match et le titre par la suite. Une jurisprudence qui permet de penser qu’un grand joueur n’a pas toujours ce qu’il désire, même quand c’est mérité. On dira que la justice immanente a parfois recours à des chemins tortueux.

Thierry Henry, la patrie non reconnaissante : France-Irlande, le 18 novembre 2009Il s’est sacrifié. Mais pas comme il l’imaginait. Il a tenté le coup. Une petite remise de la main en toute discrétion. Il n’a pas nié ensuite. Il l’a même avoué aux Irlandais, notamment ceux qu’ils connaissaient bien pour les fréquenter en Premier League. Il a sauvé les fesses des Bleus. Toutefois, la France aime se faire du mal. Elle en a profité pour commencer à régler ses comptes avec son football, qu’elle avait tant adoré et exalté dix ans auparavant. La suite se révélera pire. Et mettra à jamais Knysna sur la carte du foot tricolore. Cette erreur d’arbitrage n’a certes pas rendu le foot français meilleur, mais nous avons au moins un peu mieux compris ensuite dans quel état se trouvait le pays. Rendez-vous dimanche pour la conclusion ?

Le cri du cœur de Drogba : Chelsea-Barcelone, le 6 mai 2009Vous imaginez un foot sans punchline ? L’avantage de l’erreur d’arbitrage, c’est qu’elle rend grandiose la phrase la plus bateau ou le coup de gueule le plus banal. Lors de cette confrontation entre deux sérieux prétendants à la Ligue des champions, M. Oviedo, l’arbitre qui finira par rencontrer Dieu en refusant encore une fois de siffler un penalty pour les Blues à la suite de la main d’Eto’o qui bloquait un tir de Ballack (après de nombreuses situations litigieuses, notamment sur Malouda). Un penalty qui aurait alors permis à Chelsea d’effacer le but splendide que venait de concrétiser Iniesta. Seulement il semblerait que la loi 14 du football ait simplement disparu de ses tablettes ce soir-là. Cela dit, grâce à ce petit oubli, les vrais vainqueur restent les Anglais, et surtout Didier Drogba, qui ont définitivement gravé cette demi-finale dans les annales, d’une « fucking disgrace » , aussi bien ajustée devant les caméras que la fameuse demi-volée de Drogba contre Everton.

Cristiano Ronaldo, enfin humain : Real-Bayern, le 18 avril 2017On a le droit d’être manichéen parfois. Le grand avant-centre du Real offre une vision trop lisse et robotique du football, on a parfois du mal à lui offrir une place dans nos cœurs, si on laisse les statistiques – l’art de mentir avec précision – aux fans de Football Manager. Parce qu’à toujours briller dans les règles de l’art, on oublie que, comme l’écrivait Prosper Mérimée en son temps : la vraie beauté a besoin d’un défaut pour équilibrer une qualité. Alors, quand il a crucifié le Bayern, pourtant dominateur, d’un pauvre but dont lui-même savait qu’il n’était pas valide, l’indulgence a étreint nos âmes adoratrices du ballon rond, on l’a presque aimé. Pour que ce match soit parfait, il aurait fallu que Lewandowski égalise de la main.

Le martyre patriotique de Battiston : France-Allemagne, le 8 juillet 1982Si vous n’avez pas vu cette agression d’Harald Schumacher sur Patrick Battiston au moins une vingtaine de fois, vous ne connaissez rien à la France. Si le goal allemand avait été exclu, si le coup franc avait été placé en lucarne par Michel Platini, si les Bleus avaient triomphé en finale de la Squadra de Rossi et Zoff, nous ne serions pas le même pays, ni la même nation sportive. Quelque chose s’est noué dans notre rapport au foot, pour toujours, et les conséquence de l’immense faute de Charles Corver ne sont pas restées à Séville. Vivre, c’est souffrir.

God Save The Soviet Linesman : Angleterre-Allemagne 1966Si nous avons droit aujourd’hui à la goal-line technology (et les contrats qui vont avec pour certaines sociétés habilitées), il faut en chercher la cause en ce terrible jour de 1966. L’Angleterre avait à portée de main sa Coupe du monde enfin, celle de ce foot qu’elle a inventé. Rien n’aurait dû faire qu’elle lui échappe. Sauf que la Mannschaft refuse de céder ou de culpabiliser pour les bombardements de 1940. Et elle prodigue un bien meilleur football que son opposante de la perfide Albion. Le miracle porte un nom, Geoffrey Hurst, qui envoie la balle sur la transversale avant qu’elle rebondisse sur le sol et finisse par être dégagée par un joueur allemand. Le juge de ligne soviétique, Tofik Bakhramov – auquel l’Azerbaïdjan indépendante dédiera son grand stade à Bakou -, accorde le but. Une décision que des chercheurs et des simulations sur ordinateurs de plus en plus puissants analysent sans cesse encore de nos jours. La splendide fragilité de l’arbitrage se trouve révélée par cet épisode. Les Three Lions y décrochent leur seule et unique étoile sur le maillot et la sélection de la RFA y acquiert ce qui lui manquait : une grande injustice fondatrice pour enfin cesser d’être le vilain petit canard du foot européen (d’autant plus depuis leur victoire contre les Hongrois du Onze d’or qui avait brisé le cœur de tous les amoureux du beau jeu). Certaines défaites amères forgent les âmes…

Vata au Diable : OM-Benfica 18 avril 1990Bernard Tapie l’a dit maintes et maintes fois, il lui a fallu cette « erreur » d’arbitrage pour comprendre comment fonctionnait vraiment le foot de haut niveau. Tout le monde s’en rendra compte quelques années plus tard avec une soirée de grâce à Munich et un magot enterré au fond d’un jardin. En 1990 pourtant, la France y croit à nouveau. Un club « de chez nous » peut accéder à la finale de la C1 et enfin décrocher le Saint Graal. Après la victoire étriquée à l’aller, les Phocéens résistent patiemment aux assauts des Lisboètes. Il ne reste que quelques minutes quand l’Angolais, Vata Matanu Garcia, inscrit le but tant espéré d’une superbe main tout en déviation. Les supporters de l’OM y gagnent la certitude d’être floués et le président du club décide de ne plus subir un tel sort. Dans les deux cas, les Marseillais sont gagnants. Et sans le vouloir, l’arbitre, Van Langenhove leur a donné un joli cours d’éducation politique : pour remporter une Coupe d’Europe, ce qui prime ce n’est pas l’équité, mais le sens de l’histoire.
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