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Top 10 : allumeurs de derby
C’est donc la tête de la L1 qui promet de se jouer ce dimanche (20h45) dans le derby d’entre Rhône et Loire. Sauf pour les premiers intéressés, Lyonnais et Stéphanois, pour qui le derby est bien plus important que ça. Une grande affaire où l’on ne vit jamais que pour allumer le camp d’en face.
1. « Lyon a joué la carotte ! » (Jean Snella, février 1967)
Rendu fumasse par la partition archi défensive de l’OL pour venir à bout de son invincible armada en 1/16e de Coupe de France (2-0), l’entraîneur stéphanois s’énerve : « Lyon a joué la carotte ! » De quoi donner des idées aux supporters lyonnais un mois plus tard lorsqu’ils font pleuvoir des carottes sur la pelouse de Geoffroy-Guichard pendant l’échauffement des Verts. Une provocation qui en appelle une autre, celle de Georges Bereta qui vient grignoter une carotte face à la tribune lyonnaise. Les Stéph’ gagneront certes le match (2-1), mais aussi un surnom dans le camp d’en face : les « lapins » .
2. « Ce n’est pas le coup qui a blessé Sarramagna, c’est la lice ! » (Raymond Domenech, octobre 1975)
On ne naît pas provocateur, on le devient. Et à ce petit jeu, le Derby a accouché du plus grand d’entre tous, Raymond Domenech. L’épisode le plus célèbre renvoie à sa carrière de joueur et à ce duel avec Sarramagna qu’il fait valser en direction des tribunes à Gerland. Résultat, une cheville en vrac pour le dribbleur stéphanois et une réputation de boucher pour Ray Moustache. Qui s’en défend en la jouant toujours plus affreux, sale et méchant : « Sarra’ a volé sur la piste et a pris la lice en fer. Ce n’est pas le coup qui l’a blessé, c’est la lice… » De quoi chauffer à blanc un Chaudron qui n’en demandait pas tant, lui envoyant des « Domenech, assassin ! » Jamais en reste, le latéral lyonnais ira chauffer un peu plus le kop stéph’ en le gratifiant de quelques minasses bien senties.
3. Tony la Mascotte se fait tirer son drapeau en plein Gerland (supporters stéphanois, 5 octobre 1991)
Bien avant l’invasion des félidés du type Germain le Lynx ou Lyou, Tony la Mascotte a incarné une certaine idée de la mascotte dont on se fout pas mal. Soit la rencontre improbable entre Vairelles pour le choix du blaze, Valbuena pour la taille et le ramoneur savoyard pour le look. Pour le supporter lyonnais des années 90, il reste surtout l’image d’un drapeau de l’OL monté sur un mât que les petits bras du lutin clowné ont du mal à agiter. Deux supporters des Verts en profitent pour descendre sur la pelouse et le lui arracher, avant de remonter en tribune et brûler le trésor de guerre. Une humiliation que Tony paiera cher en disparaissant à jamais des avant-matchs lyonnais quelques années plus tard.
4. « On joue la Ligue des champions, pas comme Saint-Étienne qui la joue sur Playstation ! » (Jean-Michel Aulas, 25 septembre 2010)
Restée depuis comme l’une des plus grandes tirades aulassiennes, la vanne à base de Playstation n’est jamais que la reprise d’une banderole aperçue à Gerland quelques années plus tôt. À l’origine, une nouvelle élimination en Ligue des champions face au Milan AC (2006) qui fait fleurir les maillots rossoneri du côté de Sainté. Réponse en tribune pour le derby de fin de saison à Gerland : « Milan AC / ASSE : uniquement sur Playstation. » Preuve que JMA respecte à la lettre cette règle des maîtres du stand up : il ne sert à rien d’écrire une bonne vanne. Encore faut-il savoir la dire.
5. « Les Gones inventaient le cinéma quand vos pères crevaient dans les mines. » (supporters lyonnais, 6 septembre 2000)
Quitte à être insupportables, autant l’être jusqu’au bout. Il y a surtout deux façons de considérer la plus célèbre des banderoles du derby. D’un côté, un dérapage de mauvais goût pour ceux qui voudraient (bien) élever le supporter en tribune. De l’autre, un grand moment d’humour noir comme le derby peut en provoquer, en se foutant bien du politiquement correct et en renvoyant Gones et Gagas à leurs clichés respectifs : Lyon la bourgeoise contre Sainté l’ouvrière. C’est bien ce camp, celui de la vanne vacharde limite qu’on s’envoie entre meilleurs ennemis, que les supporters stéphanois rallieront quelque temps plus tard, déroulant à leur tour une réplique savoureuse : « Il y a 30 ans vos pères criaient : « Allez les Verts ! » »
6. Le tacle de Feurs (supporter lyonnais, 7 juillet 1990)
Le Derby reprend toujours ses droits, surtout s’il est pavé de bonnes intentions. La preuve avec ce match d’avant-saison qui n’aura d’amical que le nom : échanges de tartes entre Roberto Cabanas et Jean-Pierre Cyprien, avant renvoi illico aux vestiaires. Les supporters décident de s’en mêler en envahissant le terrain. Un joyeux bordel conclu en beauté par un supporter lyonnais qui s’en va tacler un attaquant stéphanois bien parti pour filer seul en direction du but de Gilles Rousset. La légende veut que Domenech, alors entraîneur de l’OL, ait tenu à serrer la main de ce dernier défenseur d’un jour. Entre abonnés aux situations désespérées, on se comprend toujours mieux.
7. Le chant des bâtards (Cris, Jimmy Briand, Alexandre Lacazette, 29 avril 2012)
Puisqu’il n’existe pas d’hymne officiel pour célébrer la victoire en Coupe de France, les joueurs lyonnais reprennent l’hymne officieux des virages de Gerland au balcon de l’Hôtel de Ville : le Chant des Bâtards. Pas franchement du goût des élus de la Loire qui réclament des excuses sur le champ au nom du peuple vert. Aulas préfèrera en remettre une couche, bien conseillé sur le coup par Maître Capello : « Si quelqu’un s’est senti blessé, nous lui présentons nos excuses. Mais si on fait l’exégèse du couplet, « bâtard », dans le dictionnaire, est un enfant issu d’un couple non marié. Ce n’est donc pas une insulte. » C’est un héritier de la famille Guichard qui aura finalement gain de cause après avoir demandé réparation aux fautifs sous forme de dons à une œuvre de charité « pour qu’ils voient ce qu’est la misère stéphanoise » . Une misère qui avait pourtant inspiré les auteurs de ce chant, les supporters stéphanois, dans leur gros moment de lose du mitan des 90s.
8. « L’OL rêvait de faire venir Drogba ou Eto’o. Ce que je vois, c’est Piquionne qui signe. Et il a 30 ans. » (Bernard Caïazzo, août 2008)
En général, les joueurs qui ont évolué chez les deux rivaux tendent à faire profil bas. Un seul pouvait s’y refuser, Bernard Lacombe, qui passe à travers son seul derby disputé sous le maillot vert à Gerland (1978) : « Ce jour-là, j’ai assisté à un bon match. » Après, il y a Piquionne qui monte au clash dès son arrivée entre Saône et Rhône : « Les dirigeants stéphanois me crachent dessus après avoir été contents de mes services. (…) Déjà à Sainté, je sortais à Lyon, je faisais mes courses à Lyon et mon agent était lyonnais. Je me sens plus dans la peau d’un Lyonnais que dans celle d’un Stéphanois. » Un allumage de mèche qui finira en pétard mouillé quelques mois plus tard, sur la foi du seul fail encore capable de rivaliser avec le ghost contrôle de Nakata.
9. « Si je ne joue pas à Saint-Étienne, c’est par conviction. C’est le club que je déteste le plus ! J’aime pas leur maillot, ça me dégoûte ! » (Benjamin Biolay, octobre 2012)
Il n’y a pas qu’à Manchester que les frères Gallagher ont le droit de chérir leur club pour mieux pourrir celui d’en face. Il y a aussi entre Lyon et Saint-Étienne. Comme ça que Biolay envoie sa première salve à un mois du Derby à l’adresse des Verts. Résultat : insultes en cascade, réaction outrée de Romeyer et petit clash entre amis avec Mickey 3D : « Ce n’est pas de sa faute si Benjamin est né à Lyon, qui n’est pas vraiment une ville de foot. Aulas a bien essayé d’enrichir l’OL pour en faire un club puissant et populaire, mais l’amour ne s’achète pas. J’ai vécu trois ans à Lyon, et j’ai bien vu que les gens n’aimaient pas trop le foot, ou n’y comprennent pas grand-chose. » De loin la meilleure reprise à ce jour de Je t’aime, moi non plus.
10. « En football, Saint-Étienne sera toujours la capitale et Lyon sa banlieue. » (Roger Rocher)
Bien des acteurs du derby s’y sont essayés. Jean-Michel Aulas : « La seule chose qui me fait trembler à Geoffroy-Guichard, c’est le froid. » (2005) ; Bernard Lacombe : « C’est bien de retrouver les Verts cette saison, ça nous fait six points et une bonne recette assurée ! » (1999) ; Jacques Santini : « Je suis content, non pas pour moi, mais parce que si nous avions perdu, les Lyonnais auraient été heureux. » (1993) ; Pascal Olmetta : « Je ne supporterais pas de jouer dans un club de niveau modeste, du style de Saint-Étienne. » ; Patrick Revelli : « La meilleure chose à Lyon, c’est la rocade Est qui permet d’éviter de passer par Gerland. » Pourtant, on reviendra toujours à cette citation du président Rocher. Comme si, à défaut d’être encore celle du foot, Sainté pouvait rester la capitale de la vanne définitive de derby. Et Lyon sa banlieue.
Par Serge Rezza