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Tony Mauricio : « Une prothèse de genou à même pas 30 ans, c’est quand même compliqué »
Il y a quelques jours, Tony Mauricio, joueur de Sochaux passé par la Ligue 1 et la Ligue 2, annonçait la fin de sa carrière à 29 ans en raison d’une grave blessure. Malgré la tristesse de devoir raccrocher les crampons, l’ancien milieu porte un regard éminemment positif sur sa carrière et les différentes personnalités qu'il a côtoyées.
Tu as décidé de prendre ta retraite sportive à seulement 29 ans. Pour quelles raisons exactement ?
Je voulais encore jouer, mais je ne pouvais plus. J’ai commencé à avoir des blocages en fin de saison dernière à un genou qui avait déjà subi une opération. Les examens ont révélé que des morceaux de cartilage se désagrégeaient : je souffrais d’arthrose. J’ai donc une nouvelle fois été opéré, et je pensais pouvoir reprendre normalement la saison suivante. Mais la douleur ne s’est pas arrêtée. Le chirurgien m’a appris qu’on ne pouvait plus rien faire : mon genou s’était juste trop dégradé.
Quand as-tu dû prendre cette décision ?
Durant l’été, j’ai passé une visite médicale à l’AEK Larnaca, à Chypre, mais j’ai été recalé. Je suis alors revenu à Sochaux, et c’est là qu’on a décidé avec tout le monde d’en finir là. Je me doutais que je ne pourrais pas jouer cinq ou six ans de plus, mais j’imaginais pouvoir terminer tranquillement à Sochaux, pour ensuite enchaîner avec une reconversion. Cela ne s’est pas passé comme ça, malheureusement, mais j’espère tout de même continuer à travailler dans le football.
Ça ressemble à quoi, de jouer avec une telle douleur ?
Sur un terrain, il est devenu complètement impossible pour moi de jouer, je ressentais comme des coups de couteau dans le genou. Là tout de suite, je serais peut-être capable de courir un 100 mètres en ligne droite, mais je sais que je ressentirais des douleurs pendant plusieurs jours. Il existe néanmoins une solution : la prothèse de genou. Mais c’est quand même compliqué de réfléchir à ça, à même pas 30 ans…
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Tu es arrivé à Lens en 2019, alors que le club évoluait en Ligue 2. Tu aurais imaginé que le club vivrait une telle ascension à ce moment-là ?
Pas aussi haut ni aussi vite, mais c’est devenu logique au fil des années. On sentait que le Racing était en phase ascendante depuis les arrivées de Joseph Oughourlian et Arnaud Pouille. On a été champions de Ligue 2, on a bien enchaîné ensuite en Ligue 1 avec une septième place, le reste s’est fait dans la continuité. Si on m’avait dit à l’époque que Lens jouerait la Ligue des champions en à peine quatre ans, j’aurais dit « doucement ». Mais on ne va pas se cacher : quand on a Franck Haise en tant que coach, tout devient plus facile.
On te sent plutôt admirateur.
Franck Haise, c’est un super coach, moderne et complet. Il est intelligent tactiquement, analyse bien les situations et transmet une identité de jeu forte. Au niveau du management, il parvient à fédérer le groupe et à intégrer tout le monde. Là où il excelle particulièrement, c’est dans ses discours. Il incarne une force tranquille et parvient à toucher ses joueurs. Sans avoir à le dire, il parvient à nous transmettre un message fort : « Faites-moi confiance, j’ai calculé mon coup et je sais où on va. »
Lors de ta seule saison en Ligue 1, juste après la montée, il décide pourtant de te mettre sur le banc. Comment tu l’as vécu ?
La Ligue 1, ça a été un autre niveau pour moi. Cette année-là, il y a Gaël Kakuta qui a débarqué à mon poste, c’est donc devenu compliqué de jouer. J’ai discuté avec le club en fin de saison, et je leur ai clairement dit que ça ne m’intéressait pas d’être remplaçant et de jouer des bouts de match. Je préférais aller dans un club moins huppé et jouer un rôle actif. Peut-être que si j’avais été plus patient, j’aurais pu avoir plus de temps de jeu… Mais mon départ de Lens s’est fait en bons termes, et je n’ai jamais regretté de rejoindre Sochaux.
Pour ta première année, Sochaux loupe de peu la montée, avant de passer à deux doigts de déposer le bilan la saison suivante. Tu as vu l’ambiance au sein du club se détériorer ?
Quand je suis arrivé à Sochaux en 2021, j’ai directement su qu’on allait passer une super saison. La montée ne s’est pas jouée à grand-chose malheureusement, une séance de tirs au but… Mais après ça, les propriétaires se sont un peu trop pris au jeu. En recrutant beaucoup de joueurs pour beaucoup d’argent, ils étaient sûrs qu’on remonterait. Sauf qu’on avait moins cet esprit d’équipe et de famille de la saison précédente. Il y avait plus de joueurs, donc plus de concurrence. La gestion de groupe est devenue compliquée, certains ne donnaient plus tout ce qu’ils avaient. Les sept défaites consécutives en fin de saison voulaient tout dire : le groupe avait complètement lâché. La plupart des joueurs se disaient : « Vite, que ça se termine. »
Et vous étiez au courant des problèmes financiers ?
Non, on l’a appris dans les journaux. On n’a jamais eu de problèmes de salaire, tout était carré du début à la fin. Et même pour ma fin de carrière, Sochaux s’est montré très classe.
Le club t’a soutenu jusqu’au bout ?
Il n’y a pas beaucoup de clubs qui m’auraient aidé comme Sochaux l’a fait. À partir du moment où tu lances ton protocole de fin de carrière, ça prend énormément de temps d’un point de vue administratif. Ils auraient pu me dire : « Tu nous coûtes un salaire, on est aujourd’hui en National, il faut que tu dégages. » Mais la direction m’a au contraire soutenu du début à la fin, ils savaient que ce n’était pas facile pour moi. Le coach Oswald Tanchot (arrivé en juin 2023, NDLR) m’appelait régulièrement dans son bureau pour qu’on discute, pour ressentir mon point de vue. Il m’a redonné le sourire malgré la peine que j’avais de devoir mettre fin à ma carrière. C’est à ce moment-là qu’on se dit qu’il y a encore des personnes bienveillantes dans le foot, qui veulent découvrir d’autres personnes au-delà du sport.
Propos recueillis par François Linden